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La réalité augmentée s’empare de la téléphonie et des jeux vidéo. Pour un monde de jeu parfait ? Par Tiana Rajaonarivelo.

En 1957, Morton Heilig, un cinéaste américain, développe l’ébauche d’une machine au premier abord complètement folle. Pendant quatre ans, il va la perfectionner jusqu’à obtenir ce qui deviendra par la suite le Sensorama. Cet engin était une véritable machine immersive, qui permettait à son utilisateur de vivre une véritable expérience multi-sensorielle, durant laquelle il pouvait « ressentir » images, vibrations, sons et même odeurs. Sans le savoir, Heilig avait lancé les prémices de ce qui allait être l’une des innovations majeures du XXIème siècle : la réalité augmentée. Une nouvelle forme de perception de notre environnement qui, suivant l’émergence de la téléphonie mobile, allait s’emparer d’une toute autre forme d’utilisation ou plutôt développer une de ses fonctions sous-jacentes : le gameplay ou les jeux vidéos.

Un Monde (ir)Réel

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D’une certaine manière, ce qui allait être connu plus tard sous le terme « réalité augmentée » n’est rien de moins qu’une déviation du terme « réalité virtuelle ». Ne se situant plus dans la simple réalité physique ou environnementale telle que nous la vivons tous sans en avoir réellement conscience, elle place d’autres éléments virtuels, factices dans ce contexte réel, créant ainsi une sorte d’emphase de cet espace dans lequel nous évoluons. Lorsque l’on parle de « réalité augmentée », il faut comprendre l’interaction d’un utilisateur avec le monde réel, l’environnement ambiant enrichi par l’ajout de données du monde numérique, tout en conservant une homogénéité des perspectives, le but étant dès lors de lui permettre – ou du moins, de lui donner l’impression – de contrôler sa réalité.

De la téléphonie…

Cette « réalité » s’est vite emparée de l’un des plus gros hits de ces dix dernières années, à savoir l’utilisation des objets mobiles, pratiques et accessibles. C’est notamment le développement des smartphones ou téléphones intelligents et multifonctions, plus élaborés, qui a conduit à l’apogée de cette nouvelle manière de vivre son monde. Avec près de 40% d’Iphone, 26% d’Android, 24% de Symbian et 6% de RIM BlackBerry (rapport AdMob, mai 2010) et des utilisateurs passant près de soixante dix neuf minutes par jour à se servir d’applications (même source), le marché des smartphones a contribué largement à transformer la notion de « réalité augmentée » en quasi-généralité. Publicité, édition, musique, e-commerce… tout a été prétexte à se servir de cette nouvelle valeur. Ainsi, par exemple, début 2009, une entreprise japonaise a lancé une application pour les détenteurs de smartphone leur permettant, en pleine rue visible via leur caméra de téléphone, d’attraper des papillons virtuels, chacun d’eux ayant une couleur différente correspondant à une offre promotionnelle. C’est un des exemples de jeu ludique qui intriguent et poussent à se demander de quelle manière se sont développés ces nouveaux real games (jeux réels).

…aux jeux vidéo

Nous ne sommes plus sûrs de rien. A tous les coins de rue, derrière votre canapé ou à côté de votre imprimante, au bureau, peuvent apparaître à tout moment des monstres, des animaux ou même l’avatar (représentation animée d’un joueur) de votre meilleur ami. Ces visions ne sont pas dues à l’usage répété de substances illicites, ni au résultat d’une soirée arrosée entre geeks, mais bien au développement de la réalité augmentée, notamment dans les jeux vidéos. Ce concept a même été utilisé dans des simulations militaires. On pense, par exemple, aux HUD (head-up display, « affichage tête haute ») des avions de chasse qui permettent d’afficher les paramètres de navigation dans le champ de vision des pilotes.

La nouvelle génération de consoles et de jeux vidéo a permis d’aller plus loin. Sortant du cadre simple de l’écran de télé ou de l’ordinateur pour s’inviter dans le monde réel, la première véritable console à avoir ouvert la porte à cette réalité augmentée a été la Wii. Sans véritablement proposer de jeux incluant virtualité-réalité, ce serait plutôt la Wiimote qui en a apporté une certaine réalité physique. Grâce à ses détecteurs de mouvements et à son gyroscope intégré, la manette de Nintendo demande de réaliser des mouvements réels qui sont retranscrits à l’écran. Mais, sortie en 2006, elle semble déjà dépassée. Aujourd’hui, avec la sortie de Kinect de Microsoft et du Play Station Move, nous entrons de plain-pied dans la réalité augmentée grand public. Le catalogue de jeux n’est pas encore bien fourni, mais la technologie est bel et bien là.

Un monde de jeu parfait… ?

Remplacer le sèche-cheveux par une arme ou une épée à deux mains dans un jeu de combat et la jouabilité devient alors plus intéressante. Même si la plupart des jeux vidéo restent ancrés dans une typologie classique, des consoles portables comme la Go ! Cam pour PSP sont déjà des pionniers avec des jeux comme Invizimals. Grâce à la caméra, ce jeu permet de rechercher dans l’environnement du joueur, la maison par exemple, des petits monstres qui se cachent un peu partout. Invisibles à l’œil nu, la caméra et la PSP permettent alors de les débusquer. Une fois capturés, il est possible de les échanger ou de les envoyer au combat contre d’autres joueurs équipés de la console. Originellement destinée aux enfants, cette manière de jouer tend à se développer vers des joueurs plus adultes. Ainsi est en projet une version « augmentée » de la fameuse série Resident Evil, qui promet au joueur de détruire du zombie… sortant de son salon, de sa chambre ou même de sa rue ! Ce qui risque néanmoins de poser la question de la manière dont on peut dès lors percevoir le monde extérieur. Car, quotidiennement pris dans une routine communément construite autour du « métro-boulot-dodo », pouvoir la transformer en faisant apparaître des monstres virtuels ou des papillons colorés rendrait-il ce monde plus « parfait » ? Il est vrai qu’il y a quelque chose de grisant à pouvoir maîtriser le monde autour de soi, le transformer. Dans un univers actuel dédié à la customisation, à la recherche de l’unique, il est compréhensible de vouloir toucher ou du moins donner une véritable présence physique à cet environnement qui nous échappe la plupart du temps. Mais, une fois la console ou le portable éteint, quelle est la limite nous permettant de s’en détacher ? La chute dans le monde réel risque d’en être beaucoup plus dure.

Auteur : Tiana Rajaonarivelo

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