Marchés et cibles

Chassez vos idées reçues sur le marketing B to B !

Le B to B ne manque pas d'atouts et de spécificités, entre autres en matière d'innovation. Le point sur cette approche des marchés, parfois peu goûtée par les universitaires, avec Marc Diviné, dirigeant de A2Z-Innovation et auteur de Marketing B to B aux éditions Vuibert.

Marketing B to B : un marketing spécifique, une gestion atypique de l’innovation… souvent ignorés de la recherche académique malgré son poids économique

Le B to B ne manque pas d’atouts et de spécificités, entre autres en matière d’innovation. Le point sur cette approche des marchés, parfois peu goûtée par les universitaires, avec Marc Diviné, dirigeant de A2Z-Innovation et auteur de Marketing B to B aux éditions Vuibert. Il aborde en détails les plateformes d’innovation en B to B.

Pourquoi le marketing B to B crée-t-il si peu de vocations… et de recherche ?

En matière de marketing B to B, environ une centaine d’articles par an sont publiés dans les revues scientifiques classées, avec une domination de la revue américaine Industrial Marketing Management, hélas assez limitée à l’industrie. Cela représente moins de 20% de la production en marketing. Pourquoi aussi peu ? La raison essentielle vient de la difficulté d’accès au terrain de recherche. Il faut se mettre dans la peau du chercheur. Toute personne est un consommateur entouré de marques B to C, qui fréquente leurs réseaux de distribution et sites de e-commerce. C’est donc un terrain de recherche B to C. Les chercheurs sont tous eux mêmes familiers des messages et des produits B to C. Ils assimilent par leur vécu les théories marketing B to C, comme la Consumer Culture Theory. Ils peuvent observer et contacter facilement des consommateurs, qui sont habitués à être sollicités, par de nombreux moyens en face à face, au téléphone ou sur internet.

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Inversement, le chercheur en B to B n’a pas vécu en entreprise depuis sa jeunesse, et doit faire des efforts considérables pour comprendre des domaines aussi variés que les industries des composants électroniques, des moissonneuses-batteuses, ou des services comme le fret maritime. Il doit réussir à rencontrer des professionnels – acheteurs, responsables marketing, commerciaux – dont le temps est compté, et dont la priorité est d’atteindre des objectifs de baisse de coût, de chiffre d’affaires, ou de marge. Les entretiens de recherche doivent être très qualitatifs, car il s’agit de bien cerner les facteurs d’achat sur des produits complexes. Ils ne peuvent durer quelques minutes. De plus les contraintes de confidentialité créent de nombreux refus de répondre. Ainsi, il est très long et coûteux de faire des recherches. Pensez aux études quantitatives sur des échantillons de plusieurs centaines d’éléments, nécessaires pour que les résultats d’étude aient de faibles marges d’incertitudes ! Les analyses de conversations dans les réseaux sociaux, de trafic sur internet ou les recherches sur les statistiques de populations d’entreprises ont moins de valeur que l’entretien direct avec les professionnels. Peu publié, peu connu, le marketing B to B est donc peu enseigné, et logiquement les professeurs suscitent peu de vocations.

Le marketing B to B ne semble pourtant pas dénué d’attraits…

Marketing BtoB, Marc Diviné, Editions Vuibert

Marketing BtoB, Marc Diviné, Editions Vuibert

Certes, le B to B est plus discret, il a peu d’enseignes visibles dans la rue, mais il représente un tiers des entreprises cotées. Présent en amont de toutes les filières B to C, c’est lui qui apporte aux entreprises B to B les technologies, la performance, les moyens d’innovation. C’est Dupont de Nemours qui crée les fibres textiles de demain. La télévision haute définition n’existerait pas sans les constructeurs d’écrans hightech. Les moyens de paiement sur internet ne seraient pas sécurisés sans les logiciels de cryptage. Autre attrait, les métiers du marketing B to B sont plus variés et plus au cœur de l’entreprise. Le chef de produit stratégique imagine les produits futurs. Il est en liaison forte avec les équipes projet des centres de recherche et développement, il consulte régulièrement les réseaux et les clients. Le chef de produit opérationnel anime des équipes transversales pour lancer les produits, convainc et soutient les distributeurs, forme les commerciaux, gère des forums de professionnels, etc. Les passerelles entre chef de produit, chef de projet, responsable de distributeurs, commercial grand compte, directeur de centre de profit sont naturelles. Enfin, les secteurs du B to B ne font pas de matraquage publicitaire. Ils reposent sur leur savoir-faire, avec une certaine fierté. Ils font face à des challenges considérables, qu’ils soient stratégiques en termes de vision, technologiques, commerciaux, ou digitaux. Les postes de marketing B to B sont donnés maintenant autant à des ingénieurs qu’à des personnes issues d’études en marketing. Chaque année j’ai des étudiants des deux bords qui « cristallisent » sur cette carrière.

Innovation et B to B font-ils bon ménage ?

Marc Diviné, dirigeant de A2Z-Innovation

Marc Diviné, dirigeant de A2Z-Innovation

Pour appréhender l’innovation en B to B, il faut cette fois se mettre dans la peau de l’acheteur. Ce client est particulièrement exigeant. En effet, il ne doit pas satisfaire lui-même, mais les membres de son entreprise. Qu’un stylo bille, un câble haute tension, ou un copieur de mauvaise qualité soit acheté, son image professionnelle en serait ternie. Il place les fournisseurs dans un triple défi paradoxal. Il exige expertise et haute performance, qui imposent d’être un spécialiste des produits. Il souhaite une personnalisation maximale, pour s’assurer de l’adéquation avec les besoins internes. Cela multiplie les produits. Mais il apprécie aussi la capacité à délivrer une solution globale qui demande à être généraliste. Ainsi, il gère moins de fournisseurs, n’a plus besoin de les coordonner.

Comment résoudre ce paradoxe ? Les entreprises B to B développent pour cela trois types de plateformes : de produit, de technologie et d’innovation ouverte.

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La plateforme de produit est une architecture de composants commune à une ligne de produit dans le temps. Les composants sont interfacés entre eux et vers l’environnement, et évoluent dans le temps. La plateforme permet une migration de produit progressive et une flexibilité de management du portefeuille de produits.

marketing b to b et innovation

Comme l’indique le schéma ci-dessus, grâce aux variations de composants, la plateforme génère une multitude de versions possibles et simplifie la personnalisation. Avec les interfaces, elle accepte les accessoires, logiciels, modules, etc. de partenaires. Elle autorise des choix de personnalisation réalisés par le fabricant, le distributeur, un autre fabricant, voire le client. Elle permet d’ajouter plus tard des modules et de faire évoluer le produit.

Les plateformes de technologies sont des architectures de technologies complémentaires. Le savoir faire d’associations de technologies est aussi important que la maîtrise des technologies. Il donne des moyens d’innovation compétitive. Ainsi, combiner microélectronique et traitement de l’image dans les scanners, nanotechnologie et chimie dans les peintures, ouvre la possibilité de créer des fonctions ou des performances nouvelles. Le marketing B to B est plus créatif et global grâce aux choix des plateformes de produits et de technologies.

Troisième type de plateformes, celles d’innovation ouverte. Il s’agit de réseaux d’acteurs d’un secteur, ou clusters. Industriels, centres de recherche, associations, investisseurs, sociétés de conseils, et aussi acteurs publics s’associent pour monter des projets communs, partager des ressources telles que les fablabs de création de produit, et se doter de thinktanks de réflexion. Elles existent dans le médical, le plastique, la chimie, etc. et démultiplient les possibilités de développement grâce à l’apport de d’expertise et de moyens par les membres.

Il faut citer aussi les programmes développés plus récemment qui cherchent à stimuler la culture d’innovation. Les équipes marketing B to B créent des événements pour leurs membres, les ingénieurs R&D et les équipes de direction. Notamment les séances de créativité. J’anime souvent de telles séances et il est rare qu’elles ne produisent pas plusieurs centaines d’idées et une dizaine de nouveaux programmes opérationnels. Également les learning expeditions, où les personnes voyagent quelques jours pour découvrir des savoir-faire, et les hackatons où les équipes internes ou externes à l’entreprise sont mises en concurrence pour créer des produits ou des solutions en quelques jours.

Auteur : Marc Diviné, dirigeant de A2Z-Innovation et enseignant à l’IAE-Paris Panthéon Sorbonne

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Un article de notre dossier Marketing B to B

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