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Santé et pharmacie : Disease awareness, quand les médias couvent la crise sanitaire

Grippe aviaire, vache folle, sang contaminé…autant de crises sanitaires sur-médiatisées qui ont rendu les français fiévreux. Communiquer auprès du plus grand nombre sur une probabilité en évitant la psychose, relève du challenge…

(c)Y-T Wu Academia Sinica

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Grippe aviaire, vache folle, sang contaminé…autant de crises sanitaires surmédiatisées qui ont rendu les français fiévreux. Communiquer auprès du plus grand nombre sur une probabilité – et non un fait avéré – en évitant la psychose, relève du challenge.

1111 Citations de Stratégie, Marketing, Communication, par Serge-Henri Saint-Michel

Lumière sur le rôle des médias dans la prise de connaissance des maladies potentielles, le phénomène « disease parano » et le cas pour le moins édifiant du virus H5N1.

« Disease awareness », kézako ?

Alerter et prévenir l’opinion publique sur l’apparition éventuelle d’une maladie, sans tomber dans un discours alarmiste, telle est la difficulté du processus de « disease awareness ». Il s’agit, en effet, de guetter une maladie potentielle via des symptômes critiques bien identifiés pour préparer les esprits, désamorcer la crise et diffuser une culture du risque.

Et ces dernières années, la disease awareness a souvent été associée aux épizooties avec l’envol des maladies animales. Ainsi, le Ministère de la Santé, l’Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé (INPES), les préfectures, autorités compétentes, médecins et vétérinaires se réunissent pour dire « attention, telle maladie existe, elle est là, aux portes de la France, et il y a peut-être une possibilité qu’elle nous touche ». Alors oui, le but est d’éviter une pandémie en privilégiant la vigilance et en sensibilisant le public via les médias.

Mais lorsque l’on sait que huit français sur dix se disent inquiets par rapport aux risques sanitaires, de quelle contagion parlons-nous ?

Médias : du dialogue à la psychose

Les récentes crises sanitaires ont laissé quelques séquelles dans la mémoire des français avertis. Les citoyens s’informent. Par n’importe quel moyen. Et quoi d’autre que les médias pour s’informer, de manière fiable, sur un danger ? Ainsi l’industrie pharmaceutique, via les médias, s’associent avec des comités scientifiques et des experts pour communiquer à destination du grand public, celui-ci accordant davantage de crédit aux professionnels de santé qu’il considère comme la première source d’information pour les problématiques de santé publique. La relation des citoyens avec les médias est ainsi plus efficace que la publicité puisqu’elle permet d’encourager les bonnes habitudes, d’influencer les modifications des comportements à risques exposant davantage aux infections, d’éveiller les consciences et d’augmenter le niveau de connaissances sur une maladie.

Car oui, l’homme a peur des maladies infectieuses sur lesquelles, d’ailleurs, il redoute de s’informer. Il éprouve un sentiment d’insécurité et d’impuissance face aux informations diverses qu’il récolte des multiples canaux de communication, qu’il a du mal à analyser et relativiser. Sous le coup de l’émotion, l’individu ressent le besoin irrépressible de parler, partager et échanger avec autrui son point de vue, son sentiment, ses aprioris sur l’objet de son angoisse. Ce n’est pas tant le besoin de « se libérer » par la parole dont il est question, mais plutôt le besoin d’être soutenu, d’intégrer une communauté et de tisser des liens pour se sentir moins seul face au désarroi. Ce qui pourrait sans doute expliquer l’explosion de blogs nés de ce partage social ayant participé à l’alimentation de rumeurs incontrôlables sur la toile. Difficile donc de mesurer l’effet cocotte-minute que génèrent les problématiques de santé publique. Pour exemple, rappelons la surmédiatisation du virus de la grippe aviaire qui provoqua la psychose française…

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Virus H5N1, la grippe qui fiche la chair de poule

« Si le virus H5N1 mute, il y aura, statistiquement, au moins 3 millions de morts en France ».
Le 27 janvier 2004, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) avertit que l’épizootie pourrait provoquer plusieurs millions de morts si le virus H5N1 s’adaptait et devenait facilement transmissible entre hommes. Résultat de cette annonce ? Une couverture médiatique surdimensionnée, un amalgame entre la maladie animale et une possible pandémie humaine, et un traitement sensationnaliste et flou de l’information. En effet, les médias diffusent nombre d’articles et reportages où ils tentent de retranscrire au mieux les informations glanées et rassurer le public.

On américanise aussi le processus de prévention en filmant des simulations de crise. Mais à trop vouloir expliquer, en favorisant ce mécanisme de répétition, on finit par inquiéter. Les données numériques et les images publiées sont d’autant plus porteuses de vérité, car peu contestables, qu’elles légitiment le propos des médias. On devient parano, on traque le moindre volatile, on boycotte le poulet aux repas (alors que la maladie se contracte par voie respiratoire), les ventes des éleveurs chutent… c’est la crise !

Alors comment dépassionner les foules ? En novembre 2006, le Ministère de la Santé et l’INPES mettent en place une parade pédagogique en prônant un simple retour à l’éducation. Via la campagne multi-supports « Adoptons les gestes qui nous protègent », déclinée en trois phases selon le degré de crise atteint, ils communiquent d’abord sur les règles fondamentales de santé et d’hygiène qui permettent de freiner la propagation des virus en général. Pas d’allusion directe à la grippe aviaire donc, pour ne pas renforcer la psychose en informant d’emblée sur la pandémie.

Mais l’enjeu est de modifier et d’influencer durablement le comportement des français sur les gestes d’hygiène élémentaires. En termes d’outils, l’État pousse même le bouchon un peu plus loin en engageant la création d’un site pédagogique dédié.

Dans ce grabuge médiatique, n’oublions pas le combat des laboratoires et industries pharmaceutiques qui, face à la menace de pandémie, cherchent à développer leur capacité de production d’antiviraux comme le Tamiflu (Laboratoire Roche). En juin dernier, la division « Vaccins » du Groupe Sanofi-Aventis, Sanofi Pasteur, a donné 60 millions de doses de vaccin H5N1 à l’OMS pour son stock de réserve international dans le cadre d’une préparation à une pandémie à l’échelle mondiale alors que, depuis 2003, « seuls » 241 décès d’êtres humains touchés par la grippe aviaire ont été recensés…

Auteur : Claire Desmons

Lire notre dossier Marketing de la santé, 2010

Lire la suite de notre dossier 2009 sur le marketing pharmaceutique et du secteur santé

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2 commentaires

2 Comments

  1. Z

    2 juin 2010 à 9:28

    Bonjour.

    A propos du sur-dimensionnement médiatique du la grippe H5N1. Il est toujours plus confortable de prédire la météo… d’hier. Bien sûr, il faut discuter des choix fait à l’époque. Mais bien sûr aussi, si par malheur les prédictions pessimistes s’étaient avérées – ce qui au moment opportun de commander ces fameux vaccins avait encore une bonne probabilité – alors nous aurions tous généré un torrent de critiques outrées envers ces « irresponsables x y et z qui n’auraient pas pris les devants ». Facile.

    En bref: quand on est pas responsable ( citoyen lambda et médias ) on peut jouer à la girouette. Quand on est responsable on prends des précautions. Heureusement.

    Salutations.
    Z

  2. Serge-Henri Saint-Michel

    2 juin 2010 à 10:39

    Bonjour,
    Je précise que cet article date de février 2009 ; il doit donc être lu en fonction de ce contexte temporel.

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