Marketing stratégique

Les chauves en publicité : une efficacité à fleur de peau

Le marketing des personnes chauves : sociologie, perspectives, outils, techniques

Le marketing utilisant des personnes chauves : sociologie, perspectives, outils, techniques. Les publicités utilisant les chauves sont plus impactantes

Voici pourquoi les publicités et le marketing utilisant les chauves sont plus impactants.

Jean Néplu-Zinseul résume la thématique de son livre dans son introduction : « Chauve explicite ou suggéré, nudité des corps et des crânes ou évocation de pratiques de lavage de cheveux, la publicité a souvent fait appel à la personne chauve et au crâne nu. Mais nous sommes aujourd’hui bel et bien loin du beau gosse posant en maillot de bain à côté d’une voiture ou essayant de l’ouvrir sans clé ! Si chacun est surpris de voir comment, il y a déjà plus d’un siècle, les publicitaires titillaient déjà nos pulsions et nos émotions, la publicité utilisant des chauves (voire même abusant des personnes à capillairité réduite) a depuis connu une grande évolution. Les publicités chauvées (expression forgée à l’image de genré) qui font partie du bald marketing, portent ainsi un regard privilégié sur les cultures qu’elles représentent peut-être autant qu’elles ne les influencent, dans un jeu de miroir incessant. Mais pourquoi la communication publicitaire, enjeu majeur des grands groupes industriels, en vient-elle à parler d’alopécie ? »

Striptease publicitaire et publicité chauvées

1111 Citations de Stratégie, Marketing, Communication, par Serge-Henri Saint-Michel

Avant d’aller plus loin, il convient d’expliquer ce qu’est la publicité chauvée. Il s’agit d’un message (non pornographique ni scatophage – sinon on parle de crotte chauvée) contenant des informations à caractère capillaire dans le but de former, modifier ou renforcer des jugements, des affects, des représentations sociales et des comportements liés à un état d’alopécie ou à une personne chauve. Il peut s’agir de communication commerciales cherchant à faire vendre un produit ou un service mais aussi de publicités servant de grandes causes sociales ou de santé publique avec un but de prévention. L’absence même partielle, de cheveux peut-être connotée, suggérée ou explicitement mis en scène.

Attention à ne pas faire l’amalgame entre publicité chauvée et publicité chauviste, le chauvisme, parfois haut en couleurs, étant une « attitude de discrimination fondée sur une absence totale ou partielle de cheveux ». Dans la publicité, on distingue plusieurs formes de chauvisme : l’objectification, les stéréotypes et la violence faite aux personnes chauves (injonctions sociales à disposer de cheveux, principalement).

Bald marketing : typologie par produits / services

Tous les secteurs ou presque utilisent des personnes chauves, dégarnies ou au crane rasé dans leur communication :

  • Les produits de toilette et de beauté, on utilise alors beaucoup la nudité, les relations amoureuses, de séduction ou l’acte de shampouinage
  • Les parfums et les produits de luxe pour lesquels on utilise souvent le « porno-shamp »
  • L’électroménager
  • Les produits d’entretien, avec M. Propre en fast mover
  • Les sites internet & les fournisseurs d’accès utilisent souvent des personnes chauves avec humour, comme Numericable et son » Chauve qui peut » de ses clients
  • L’alimentation & les boissons alcoolisées font référence à l’absence de cheveux et à la séduction, Géant Vert portant, comme chacun le sait, une perruque. Rappelons-nous aussi l’utilisation de Leboeuf pour Mac Donald (et pour la Collective du Boeuf, campagne incunable…)
  • Les banques utilisent des personnes chauves pour représenter leur personnel ; leurs clients étant souvent à poil (pardon, à découvert)
  • Les produits liés à l’hygiène beauté, en particulier les produits dédiés que sont les shampoings
  • L’hygiène intime, qui évoque le crâne en tant que symbole génie-tal
  • Les voitures et accessoires automobiles privilégient la séduction de conducteurs qui crânent
  • Le cinéma, depuis Yul Brynner, et les séries comportent parfois des connotations chauvistes en fonction des thématiques abordées dans le film
  • La musique exploite Eddie Quikrane ou Peter Garrett (Midnight Oil)
  • Les grandes causes, comme le PSG et l’OM utilisent la pub chauvée dans le but d’interpeller les crânes d’oeuf par la police, ce qui rend parfois choquantes certaines images
  • Les meubles, aménagements et décorations : le mannequin O’Cedar est chauve depuis sa plus tendre enfance (cela ne laisse personne de bois).

Ainsi, la publicité chauvée s’utilise pour vendre tout type de produits.

Typologies stylistiques par thématique de chauve

Reichert, un chercheur nord-américain, a défini le classement suivant :

  • Le chauve en lui-même : quantité et style de cheveux conservés
  • Les comportements chauvés
  • L’attirance physique en fonction de la beauté du modèle
  • Les référents sexuels : objets ou situation à connotation sexuelle (instrumentalisation de la personne chauve)
  • Les doubles sens : contenus interprétés comme chauves par le subconscient (exemple : la limace vs. l’escargot), le consommateur recherchant une congruence inexistante.

Jean Néplu-Zinseul a également défini son propre classement :

Adoptez un livre
  • La vente de produits communautaro-chauves : DVD de films comme Jason, de didacticiels, de head toys et lubrifiants crâniens qui aident à rentrer de nouvelles idées et à avoir l’esprit pénétré
  • Le porno-chauve et le glam-tache. Le porno-chauve est apparu à la fin des 90’s sous l’influence de la tête de nœud raciste John Galliano. Il désigne des publicités qui reprennent des codes de la chauvographie. Ce type de publicité est souvent réservé aux marques de luxe et se caractérise par une hyperalopécie violente, des couleurs saturées, des relations de domination et des signes textuels souvent absents.

Lorsqu’une publicité porno-chauve dérape et / ou fait scandale, on parle souvent de porno-tache.

Le glam-tache relève de la culture hip-hop américaine et se retrouve souvent dans les clips de rap :

  • Les crânes nus ou dénudés montrés comme tels et évoquant directement une tête chauve, soit en gros plan, de façon réelle ou suggérée
  • La sensualité, séduction & tentation : le désir est suscité sans pour autant évoquer des pratiques de massages crânien
  • L’évocation de pratiques de rasage de crâne, voire d’épilation : souvent fait avec humour et de façon subtile afin de ne pas être compris par les enfants. Les pratiques représentées peuvent être la simulation de la jouissance, la caresse, le voyeurisme, le striptease crânien, etc.

Typologie par légitimité territoriale de l’utilisation du chauve

Classons les produits pour lesquels il serait justifié de faire du bald marketing. Nous relevons 3 catégories :

  • Les produits légitimes : médecine, produits / services capillaires
  • Les produits limites : toilette/beauté, lingerie, vêtements, parfums, cinéma, hygiène intime
  • Les produits illégitimes : électroménager, produits d’entretien, banques, meubles/décoration, sites internet /fournisseurs d’accès, alimentation, l’automobile, ou même les partis politiques comme le Front National (ne pas confondre chauvisme et chauvinisme).

Le bald marketing entre provocation et séduction

Chauve is all, chauve is love. Les consommateurs sont constamment sollicités par la publicité (certains parlent de 10 000 contacts journaliers), les industriels tentent donc d’élaborer les moyens qui retiendront le plus notre attention. Ils cherchent à stimuler le public de manière consciente ou inconsciente dans un seul but : pousser à l’acte d’achat. Pour cela, différentes figures discursives sont mobilisées : « l’ethos » sert à développer la crédibilité de la marque et gagner la sympathie du consommateur, le « logos » est une argumentation logique qui s’adresse à la raison de l’interlocuteur et le « pathos » est une argumentation basée sur la séduction qui cherche à induire une forte réaction émotionnelle. Le bald marketing utilise souvent le pathos : on excite les émotions pour libérer le porte-monnaie, soit par provocation, soit par séduction.

  • La publicité provocatrice : les marques veulent se différencier, sortir du lot et en réveillant nos émotions, voire en choquant, elles espèrent marquer les esprits. Cette technique est notamment utilisée par le « shockvertising », un type de publicité qui se sert des tabous de la société. Les œufs Matines ont beaucoup misé sur cette technique pour leurs campagnes. C’est également très utilisé par les campagnes servant de grandes causes car on a la garantie de marquer les esprits des consommateurs car quand on a perdu ses cheveux, non, on n’a pas tout perdu (le SIG envisagerait de déclarer la lutte contre le chauvisme grande cause 2016)
  • La publicité séductrice : il s’agit une nouvelle fois pour les marques de se différencier de leurs concurrents. Les marques réutilisent les tabous et les interdits sans pour autant choquer. On utilise un crâne chauve car il rappelle la notion de plaisir et la vie (rappelons que la pomme d’Eve était chauve, contrairement à celle d’Adam).

Ainsi, l’image du chauve et les individus chauves sont très utilisés dans la publicité. Est-ce pour autant efficace ?

Bien évidemment, le chauve attire l’attention, de nombreuses études l’ont d’ailleurs confirmé (étude Willis – Statham, 2015). Les consommateurs s’attardent plus sur une publicité qui utilise la calvitie, notamment si elle est controversée. Les publicités comportant des personnes chauves seraient également plus impliquantes et plus intéressantes.

Les publicités avec des individus chauves sont plus impactantes

Jack Balhead, Chauve Executing Officer (CEO) de La Brigade de l'Aigle

Jack Balhead, Chauve Executing Officer (CEO) de La Brigade de l’Aigle

Mais quel type de publicité chauvée marque les esprits ? Dans un sondage Slater – Diesel réalisé en 2014, les produits qui semblent attirer le plus l’attention sont des produits qui évoquent des pratiques capillaires (16 sur 27). Ce sont ensuite les corps nus et dénudés, la sensualité et le porno-shamp. Plus l’érotisme crânien est suggéré et plus la publicité marque les esprits. Les consommateurs sont marqués par ces publicités pour deux raisons : soit elles leur plaisent, soit ils y sont hostiles. Ainsi, la plupart des hommes ayant répondu au sondage ont été marqués par les publicités parce qu’ils ont jugées « rabaissantes pour l’homme » ou « sexistes ». Chauvistes donc. Les femmes quant à elles, estiment que les publicités leur plaisent ou sont neutres.  On remarque donc que les hommes sont souvent plus choqués que les femmes par les publicités chauvées, une réaction qui peut s’expliquer par le fait que la plupart du temps, ce sont eux qui sont au centre de ces publicités. Ainsi, les publicités chauvées ont bien une plus forte notoriété et un plus fort impact que les publicités ne présentant aucune allusion aux chauves.

Cependant, s’agit-il de mémorisation ou d’un effet de distraction ? L’avis des professionnels sur la question est assez mitigé car d’anciennes études (Babacool, 1968) indiquent que les contenus chauvés diminuent le rappel en mémoire et la reconnaissance tandis que des études plus récentes affirment qu’elles améliorent au contraire les scores de reconnaissance. D’après  Krahn & Boularaz (2013), les publicités chauvées ont bien un caractère contre-productif : les consommateurs sont interpellés par les éléments chauvés contenus dans la publicité mais ils effectuent seulement une analyse périphérique de celle-ci. De ce fait, ils ne sont pas toujours capables d’assimiler la marque ou le produit à l’origine de la publicité. La présence d’un contenu chauvé peut donc perturber les étapes de persuasion. Au stade cognitif, les publicités chauvées ne sont donc pas forcément bénéfiques à la mémorisation d’une marque ou d’un produit.

Qu’en est-il au stade affectif ? L’attitude est généralement plus positive envers les publicités chauvées qu’envers les publicités non sexuelles. Cependant, le contenu chauvé doit rester modéré puisqu’une image considérée comme offensante peut entrainer un ressenti négatif envers la marque. Le sexe du modèle représenté influence également le ressenti des consommateurs : les femmes seront moins réceptives à un modèle féminin et les hommes moins réceptifs à un modèle masculin. Il faut donc penser au ressenti émotionnel qu’éprouveront les consommateurs avant d’utiliser du contenu chauvé dans une publicité.

Le chauve fait-il réellement vendre ? Un sondage mené par Bald Zeitung en 2014 démontre que 33% des hommes et 11% des femmes mémorisent des marques utilisant des publicités chauvées & 8% des hommes et 3% des femmes seulement déclarent que des publicités sexuelles leur font acheter des produits. Le chauve desservirait donc plus la marque, excepté dans le cas de produits capillaires ou de grandes causes, en d’autres termes, une utilisation pertinente et appropriée du chauve. Cependant, les publicités chauvées entraînent bien des intentions d’achat plus grandes que les publicités non chauvées. L’émotion engendrée par la présence d’éléments chauvés gêne le traitement de l’information et le consommateur se tourne donc parfois vers le même produit que sur la publicité, mais chez une autre marque. L’efficience des publicités avec des mannequins, des stars ou des célébrités chauves peut donc être académiquement remise en cause.

De plus, de nombreux éléments font varier l’efficacité du chauve dans la publicité :

  • Le sexe du modèle représenté : les hommes sont plus favorables aux modèles féminins et vice versa
  • Le degré d’alopécie de l’information chauvée : d’après une étude de WTF, les publicités contenant un chauve intégral ou rasé sont mieux vues que les publicités contenant un chauve partiel ou dégarni
  • L’environnement du programme à proximité : les spots intercalés entre des émissions traitant de calvitie seraient moins bien mémorisés
  • Le média de diffusion, avec une prime pour TF1 et Louis Bodin (alias Ali Kopterr-Gillette : deux pales suffisent).

Encadrer juridiquement les publicités chauvées

Comme les autres types de publicité, la publicité chauvée doit respecter des contraintes culturelles, sociales et juridiques.

Pour toucher la cible, la publicité doit pouvoir s’ancrer dans la réalité des consommateurs et donc être un miroir de sa culture. Par exemple, si les pratiques chauvées se diversifient, elles doivent être représentées dans la publicité. Et non marginalisées. Sans discrimination.

Évidemment, en plus d’être socialement comprise, la publicité doit être socialement acceptée. Il faut prendre en compte les tabous et l’acceptation de la calvitie différente selon les pays.

Enfin, il faut respecter les contraintes légales. Pour ne pas être condamnée, une publicité doit respecter quelques règles simples :

  • Respecter la décence : ne pas tomber dans le graveleux ou la pornochauvie
  • Respecter la dignité de la personne humaine : il ne faut pas « encourager ou cautionner aucune forme de discrimination, y compris fondée sur la race, l’origine nationale, la religion, le sexe, l’âge, le handicap, l’orientation sexuelle ou la calvitie ». Nous exigeons d’ailleurs un amendement au code de déontologie Publicitaire de l’ARPP et avisons le CSA de la nécessaire parité des personnes chauves dans les médias
  • Protéger les personnes et les intérêts privés : ne pas oublier que les publicités chauvées sont à la vue de tous, y compris les mineurs et offrent parfois des visuels choquants (comme Minidou dégarni montrant son bidon).

Protéger juridiquement les individus face aux publicités chauvées ?

En 2014, 80% des individus pensaient que la publicité chauvée ne devrait être autorisée que sur certains médias. 62,3% des individus n’estiment pas avoir besoin d’être protégés mais les 19,7% de non réponse prouvent qu’ils ne sont pas tous capables d’évaluer l’impact de ce type de publicité.

Aux USA, 74,4% de la population estime qu’il n’est pas nécessaire de réguler ce type de publicité. Cependant, 84,4% pensent que les enfants doivent être protégés et 46,9% pensent que les personnes fragiles et vulnérables doivent aussi l’être.

S’ils ne ressentent pas le besoin d’être protégés, c’est parce qu’ils n’estiment pas ce type de publicité comme étant dangereux. 86% des interrogés pensent que c’est aux parents de protéger leurs enfants.

A la suite d’entretiens que nous avons menés, nous suggérons des éléments à faire / ne pas faire en matière de publicité chauvée :

  • Ne pas utiliser le chauve ou le dégarni comme faire-valoir (vs. le triste Bernard dans Les Bronzés) mais de façon appropriée et pertinente
  • Être différent sans être offensant
  • Connaître sa cible afin de délivrer un message adapté aux bonnes personnes
  • Tester la publicité et faire des recherches
  • Être au fait des différences culturelles dans le cadre de campagnes internationales
  • Être vrai et transparent car les consommateurs sont maintenant capables de déterminer si ils sont, ou non, manipulés
  • Respecter la régulation
  • Être prêt à répondre aux plaintes
  • Se doter de conseils détendus du bo du bon du bonnet

Avec ces ambitions et cadrages, le marketing des chauves, le bald marketing, reprendra ses lettres de noblesses, sans chauvisme, pour une meilleure expérience des consommateurs.

Auteur : Jack Baldhead, CEO (Chauve Executing Officer) de La Brigade de l’Aigle

***

Pour aller plus loin…

Merci d’avoir lu jusqu’au bout ce deuxième canular du 1er avril 2015. Vous pouvez sourire aussi avec leurs précédentes éditions :

(c) ill. Shutterstock – Portrait of a bald eagle (haliaeetus leucocephalus) – Portrait of an elderly man

Merci aussi à Laurie, dont la fiche de lecture pour la prépa du concours du CELSA m’a donné l’idée de ce pastiche 😉

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