RH et organisation

Le syndrome de l imposteur au service marketing

Détecter, comprendre ses conséquences et dépasser le syndrome de l'imposteur & de l'usurpateur en entreprise. Approche psy du travail.

Détecter, comprendre ses conséquences et dépasser le syndrome de l’imposteur & de l’usurpateur en entreprise. Approche psy du travail.

Vous venez de faire l’objet d’une promotion très importante dans le service marketing. Votre hiérarchie et vos collègues vous félicitent, mais votre joie est de courte durée car très vite éclipsée par cette petite voix qui vous accompagne depuis presque toujours et qui vient vous susurrer doucereusement à l’oreille telle la sorcière des contes de fée : « es-tu vraiment certain de mériter cette promotion ? Vas-tu y arriver ? Tu n’es pas la bonne personne et tu n’as pas les compétences, ils se sont trompés sur ton compte, ils vont vite s’apercevoir qu’en réalité tu es nul. Ton succès, tu le dois à la chance, aux bonnes conjonctures du marché, et puis les autres en face n’étaient vraiment pas bons ».

Un marketeur régulièrement assailli par de tels messages, a sans doute une certaine tendance à souffrir du syndrome de l’imposteur, appelé aussi syndrome de l’autodidacte. Ce syndrome a été mis à jour en 1978 par Pauline Rose Clance et Suzanne A. Imes, psychologues américaines dans « The imposter phenomen in high achieving woman : Dynamics and therapeutic intervention ». Elles ont questionné des femmes placées à des postes à haute responsabilité et se sont rendues compte qu’elles ne justifiaient jamais leur réussite par leur intelligence.

Syndrome de l’imposteur, syndrome de l’usurpateur

1111 Citations de Stratégie, Marketing, Communication, par Serge-Henri Saint-Michel

Pauline Rose Clance a récemment regretté l’utilisation du terme de syndrome : si c’était à refaire, elle parlerait « d’expérience de l’usurpateur » afin de mettre l’accent sur le fait que chaque personne peut à un moment de sa vie expérimenter ce mécanisme psy. Selon elle, 70% de la population aurait déjà vécu ce phénomène.

La personne souffrant du syndrome de l’imposteur vit dans la crainte permanente d’être découverte. Elle dépense une énorme énergie pour que cela ne se produise pas.

Manfred Kets de Vries, auteur de « Leaders, fous et imposteurs » (1995) déclare : « ils expliquent leur succès par la chance, le travail acharné ou des facteurs superficiels comme le fait d’être beaux et sympathiques. »

En résumé, si vous vous êtes sujet à un doute maladif qui rejette le mérite lié à votre travail, si vous souffrez d’un manque de confiance en vous, d’un mal être, d’un sentiment d’incompétence et que vivez dans la crainte d’être démasqué alors il est possible que vous soyez victime de ce syndrome de l’imposteur.

Hommes et femmes touchés à égalité par le syndrome de l’imposteur

Pauline Rose Clance qui n’attribuait ce phénomène qu’aux femmes est revenue sur cette hypothèse et a constaté que les hommes sont autant touchés que les femmes. Julian Rotter, dans « Social learning and clinical psychology » (1954), évalue à près de 3% le nombre de dirigeants touchés par ce phénomène. On citera à titre d’exemple, un directeur autodidacte ayant des collaborateurs diplômés de grandes écoles ou une femme siégeant seule au milieu d’un conseil d’administration composé exclusivement d’hommes.

Mais comme nous l’avons vu, ce syndrome peur affecter chaque personne à un moment de sa vie.

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Causes psy du syndrome de l’imposteur

L’origine de ce syndrome a des causes multiples : voyons les trois principales.

Le syndrome de l’imposteur peut trouver sa source pendant l’enfance entre l’âge de 1 à 6 ans, période où l’enfant construit en principe une image positive de lui grâce à l’amour inconditionnel que lui donnent les personnes qui s’occupent de lui. Dans le cas contraire, s’il souffre d’un manque de considération, par exemple de maltraitance, l’enfant peut développer une croyance selon laquelle il n’est pas aimable, pas digne d’amour. Cette croyance est d’autant plus grave qu’il va en conclure logiquement : « Je ne suis pas aimé car je suis mauvais, laid, bête ». Très logiquement, tout ce qu’il fera dans sa vie plus tard sera sujet à caution : « je ne peux pas réussir, et si je réussis, ce n’est pas en raison de mon mérite, mais c’est qu’il y a un problème ». Il faudra un travail psy pour défusionner ces croyances et arriver à accepter la réalité : n’avoir tout simplement pas eu l’amour auquel il avait droit (Cf. Self-faux self).

L’adolescence est ensuite l’autre période où ce syndrome peut surgir. Les adolescents sont pendant cette période extrêmement vulnérables et peuvent être littéralement subjugués par une figure idéalisée comme un professeur, un ami de la famille, un père… Toute leur force mentale sera utilisée pour arriver à atteindre ce modèle idéalisé qui dans la majorité des cas est inaccessible. Ils vont finir par se sentir brisés par cette instance magnifiée à l’extrême et dont ils ne parviendront pas à s’affranchir à l’âge adulte.

Être issu d’une famille modeste et avoir réussi peut enfin être une des grandes causes de ce syndrome. La réussite va engendrer un sentiment inconscient de déloyauté envers sa famille car l’ascension sociale qui en résulte va souvent creuser un fossé entre soi et sa famille d’origine. Comment se positionner en tant que directeur marketing ayant sous sa direction 50 personnes face à des parents ouvriers et un frère OS chez Peugeot ? Le décalage est énorme entre « d’où je viens et ce que je suis ». « Est-ce la bonne place ? ». « Suis-je digne de ce poste ? ». « Non, bien évidemment ! ».

Syndrome de l’imposteur : conséquences sur le comportement

La crainte d’être découvert va inciter les personnes à développer des stratégies de protection qui vont s’avérer nocives car elles vont renforcer ce syndrome dont elles n’ont pas conscience. En effet, les personnes croient réellement être incompétentes et souffrent véritablement de ce sentiment d’usurpation. Ce syndrome les empêche de développer pleinement leur potentiel. Inconsciemment, elles sont convaincues de ne pas être à la hauteur et de se trouver à la mauvaise place.

Les deux stratégies principales pour diminuer le mal-être créé par cette situation insupportable sont l’overdoing et l’underdoing.

L’overdoing consiste à investir une énergie et un temps considérable pour la réalisation d’une tâche. Ainsi le succès qui en découlera sera le résultat du travail titanesque et non le fait que la personne est tout simplement douée. Souvent cette implication énorme aura comme corollaire des heures de travail considérables et un investissement émotionnel colossal car il faut absolument réussir pour ne pas être découvert. Les personnes seront perfectionnistes à l’extrême, rien ne leur aura échappé. Les conséquences au long court peuvent être un burn-out.

L’underdoing est le pendant de la stratégie précédente. Les personnes vont saboter leur travail en mettant tout en œuvre pour rater. Elles vont procrastiner et exécuter la tâche demandée à la dernière minute. Plus besoin de vivre avec la crainte d’être démasquées, elles apportent elles-mêmes la preuve de leur incompétence.

Syndrome de l’imposteur : conséquences sur la personnalité

Chacun peut être atteint par ce syndrome à un moment de sa vie et il me semble qu’il n’y a pas de changement flagrant de comportement chez les personnes touchées : ainsi une personne gaie restera gaie, du moins en apparence, pour ne pas montrer sa détresse. En réalité, ces personnes vont se dévaloriser, se dénigrer, vont ne pas arriver à reconnaitre leur compétence. Les symptômes psychosomatiques varieront en fonction des prédispositions et des fragilités de chacun. Tel individu fera des crises d’angoisse, aura des insomnies, tel autre fera une dépression, aura des blocages au quotidien avec la peur d’aller vers les autres, de s’exprimer. La liste est infinie…

Comment aider à dépasser le syndrome de l’imposteur ?

Pour ceux qui voudraient trouver les causes profondes qui sont à l’origine de ce syndrome, un travail psychanalytique en face à face sera le bienvenu. Revisiter la période de l’enfance, les liens avec les parents, les années d’école, etc. afin de faire surgir les causes et ainsi mettre fin aux croyances inconscientes pour vivre une vie plus sereine en ayant une vision plus juste de nous-même (cf. mon article précité, self-faux self).

Cependant, un travail psy peut également être mené sur quelques séances pour apporter un soulagement rapide à la souffrance occasionnée par ce syndrome de l’imposteur. Nul besoin d’années de thérapie ! Ce travail nous permettra deux choses…

Nous voir tels que nous sommes réellement

Il me semble qu’il faudrait en premier lieu faire un travail psychanalytique pour arriver à prendre conscience du fossé qui souvent existe entre ce que nous pensons de nous et l’opinion des autres nous concernant. Car notre regard est déformé. La vision supposée de notre entourage sur nous est souvent jusqu’à l’absurde éculée. « On projette sur les autres sans en avoir conscience, le regard négatif que nous avons sur nous-même » constate Christophe André dans son livre « Imparfaits, libres et heureux » (2006).

Quels sont mes défauts ? Mes qualités ? Quelle est ma valeur ?

Ces questions vont nous permettre de prendre du recul en démêlant le vrai du faux. Et ainsi nous autoriser à accepter de lâcher prise sur ce besoin impérieux de devoir être parfait. « J’ai le droit de me tromper, j’ai fait de mon mieux ». Renoncer aux signes de reconnaissance externes afin de se construire sa propre opinion sur soi car ce ne sera pas la réussite qui soigne, mais bien le changement de regard que nous apprenons à poser sur nous.

Avoir une meilleure opinion de soi

Dans l’ouvrage « L’Estime de soi : s’aimer pour mieux vivre avec les autres » (1999), Christophe André et François Lelord expliquent que plus l’estime de soi est forte, moins nous avons besoin de l’autre pour nous sentir exister, pour sentir que nous avons de la valeur. Un travail psychanalytique peut venir restaurer l’estime de soi et donc combler les failles donnant prise au syndrome de l’imposteur.

***

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(c). Ill. DepositPhotos

3 commentaires

3 Comments

  1. Serge-Henri Saint-Michel

    12 mai 2017 à 8:29

    Nos lecteurs auront remarqué la conclusion très lacanienne de cet article (Valérie Sengler étant jungienne).
    Clin d’oeil…

  2. catherine de Mijolla

    5 novembre 2017 à 20:14

    Très bel article. Très intéressant! La notion est sans doute à croiser avec celle de la névrose d’échec. Il y a des points communs..

    • Serge-Henri Saint-Michel

      6 novembre 2017 à 21:40

      Ahhhh Catherine, oui, tout à fait ; nous aurions pu parler de névrose de l’échec.
      Bon sang ne saurait mentir 😉

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