Dans Au rythme du monde, Edgar Morin livre avant tout ses positions, une partie de lui-même, ses coups de cœur. Et sa vie, aussi.
Si l’ouvrage doit être lu pour ses analyses argumentées, souvent prémonitoires, des mouvements de la société depuis 1960, que peut retenir le marketeur de ces presque 600 pages reprenant les articles publiés dans Le Monde par Edgar Morin de 1960 à 2015 et abordant la géopolitique, l’éducation, la jeunesse, les camarades disparus ?
Nous avons choisi de picorer transversalement et horizontalement (ce qui ne pourra déplaire à l’auteur, chantre de la rupture des silos intellectuels) quelques belles citations utiles au planneur stratégique, afin de le guider dans la gestation de ses idées : « ce ne sont pas les idées capables de rendre compte de la réalité qui triomphent, ce ne sont pas les idées fausses qui sont nécessairement éliminées. La « sélection idéologique » favorise les idées dotées d’un haut pouvoir mythologique qui répondent aux besoins de certitude, et elle élimine aisément les idées pertinentes porteuses d’incertitude » (137, 02/06/78), comme le sait d’ailleurs Gérald Bronner.
L’ouverture au monde : relier et lutter
Edgar Morin, à la suite de Newton, valorise les ponts et souhaite détruire les murs de la pensée. Il nous invite à « relier les données séparées dans des compartiments clos, révéler les ambivalences, les contradictions du phénomène ou de l’événement afin d’élaborer une compréhension pertinente » (8, Avant propos), à « fortifier l’aptitude interrogative et lier le savoir au doute, l’aptitude à intégrer le savoir particulier dans un contexte global » et à « relier, contextualiser et globaliser sans perdre le concret ni l’analyse ». Il ajoute que « la connaissance progresse principalement non par sophistication, formalisation et abstraction, mais par capacités à contextualiser et à globaliser » (410, 18/06/98).
Ôter ces verrous demande de « lutter contre la pensée réductrice et disjonctive qui hélas demeure plus que jamais hégémonique » (8, Avant propos) et de « disposer d’une pensée capable de concevoir et de comprendre l’ambivalence, c’est-à-dire la complexité intrinsèque qui se trouve au cœur même de la science » (145, 05/01/82). « Il faut nous réarmer intellectuellement en nous instruisant à penser la complexité » (219, 14/02/90). Il y a « nécessité d’une pensée apte à relever le défi de la complexité du réel » (183, 22/09/88) afin de s’affranchir du « dogme réductionniste d’explication par l’élémentaire » (184, 22/09/88). Les mythes, les stars en font certainement partie.
En somme, Edgar Morin prêche pour une « réforme de pensée » (414, 18/06/98) d’autant plus nécessaire que « toute erreur de pensée conduit à des erreurs d’action qui peuvent aggraver les périls que l’on veut combattre » (439, 22/11/01), ce qui peut nous renvoyer au très récent concept de nudge.
Le trait d’humour et la citation leitmotiv
« Le conflit entre les anciennes républiques yougoslaves s’exacerbe » (394, 25/06/92).
La citation la plus employée par Edgar Morin est une phrase de Friedrich Hölderlin. Saurez-vous la retrouver ?
Acheter Au rythme du monde, Edgar Morin, Archi poche n° 371
Néa B.
16 octobre 2015 à 14:06
« Là où croît le péril croît aussi ce qui sauve »
On peut dire aussi :
« Le réel se nourrit de la différence qui fait sa richesse. »
Par leur interaction subtile, dans cet espace de liberté où hasard et nécessité se rencontrent et se fertilisent, les deux pôles participent à l’élaboration du monde.
Cf § Attracteurs et reliance universelle
http://www.noocafe.com/a-noo/attracteurs.htm
Serge-Henri Saint-Michel
18 octobre 2015 à 20:31
Ouiiiiii, bravo Néa, réponse exacte 🙂
J’espère que le livre vous a plu.