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Le temps est venu de changer de civilisation, Edgar Morin

Analyse de Le temps est venu de changer de civilisation, et de Changeons de voie, livres d'Edgar Morin. Leurs apports au planning stratégique

Analyse de Le temps est venu de changer de civilisation, et de Changeons de voie, livres d’Edgar Morin. Leurs apports au planning stratégique

Cette analyse portera sur Le temps est venu de changer de civilisation, mais aussi sur Changeons de voie, livres d’Edgar Morin.

La communication et la culture de masse ont pendant longtemps été peu enviées par les intellectuels. C’est au début des années 1960 que des penseurs, venus de différents horizons que ce soit de la sociologie du travail, la sémiologie ou encore l’anthropologie, ont décidés de fonder le Centre d’études des communications de masses (Cecmas) afin d’en faire un objet d’études en soi. Ces intellectuels ne sont autres que Edgar Morin, Roland Barthes et Georges Friedmann.

1111 Citations de Stratégie, Marketing, Communication, par Serge-Henri Saint-Michel

Dans cet article, nous verrons à travers les œuvres Changeons de voie et Le temps est venu de changer de civilisation d’ Edgar Morin, ce qu’il apporte au communicant ou marketeur à travers ses œuvres, quels concepts sont mis en avant, quelles sont ses postures et enfin comment appliquer ces concepts en marketing communication. Voyons tout d’abord le parcours d’Edgar Morin, et les œuvres que nous avons analysées.

Edgar Morin est un sociologue et philosophe français. D’abord résistant et engagé, c’est en 1950 qu’il entre au CNRS et fait partie du Centre d’études sociologiques dirigé par Georges Friedmann. Edgar Morin va être à l’origine de plusieurs journaux tels que « Arguments », « La Revue française de sociologie », ou encore « Communications ». Pendant les années 1960, il va concevoir les fondements de la Pensée complexe, que nous verrons à travers notre analyse et ce qui va devenir sa Méthode. Ses études ont une forte influence sur la réflexion contemporaine notamment sur le marketing.

Notre analyse se base sur deux œuvres. La première étant Changeons de voie d’Edgar Morin. Cette œuvre est basée sur la pandémie qui nous touche depuis plus d’un an. Edgar Morin tente de donner un sens et d’analyser ce qui aurait pu être prévenu afin d’éviter une crise de cette ampleur. Il décrit comment un virus venu d’une petite ville en Chine a pu créer à ce point un bouleversement dans le monde entier, touchant tous les aspects de la société, à savoir sociologique, politique, économique et technologique. Il traitera du concept de la Pensée binaire et de la prévision de l’imprévu pour une régénération du système politique, une protection de la planète et également une humanisation de la société.

Nous avons également analysé Le temps est venu de changer de civilisation du même auteur afin d’apporter une étude plus poussée et complémentaire. Ce livre dissèque la civilisation contemporaine, met en avant son dépérissement et propose un diagnostic détaillé permettant la revitalisation de celle-ci. Sur un plan sociologique, politique et économique, le philosophe et sociologue met en avant des concepts fondamentaux notamment celui de la Pensée complexe.

Abordons maintenant ce qu’Edgar Morin apporte au communiquant, ou marketeur, à travers ses œuvres.

Edgar Morin et la pensée complexe

Dans l’œuvre d’Edgar Morin, la Pensée complexe est un concept qui se retrouve mis en avant, formulé au début des années 1980. Tout d’abord le terme de complexité est prit au sens étymologique « complexus » qui signifie « tissé ensemble », « plexus » dans un enchevêtrement d’entrelacement. L’interférence, l’interaction et l’interdépendance des phénomènes économiques, sociaux et politiques donnent lieu à des évènements de plus en plus difficiles à anticiper. Face à ces phénomènes, les entreprises, par exemple, sont obligées de s’adapter et de se réorganiser pour survivre et se développer. Elles évoluent donc dans un système complexe et incontrôlable. Ce concept de la Pensée complexe permet d’identifier les principales formes de complexité, permet l’adaptation, et enfin de comprendre l’ensemble des éléments d’un problème. Dans l’œuvre que nous avons étudiée , Edgar Morin introduit ce concept dans le chapitre sur La leçon sur la diversité et de la gestion de l’épidémie dans le monde (page 42). Selon lui, les entreprises se reconvertissent face à un évènement, ici face au covid, certaines entreprises se sont reconverties dans la confection de masques ou quand elles « profitent » d’un évènement pour une campagne publicitaire. Par exemple Burger King qui a d’abord incité la population à aller chez McDonald par solidarité et qui aujourd’hui propose des sacs de pommes de terres achetés aux petits producteurs pour l’achat d’un produit Burger King. La crise stimule l’inventivité et la créativité dans la recherche de solutions nouvelles. C’est également ce qu’il appelle le « défi de crise » (page 66) c’est-à-dire savoir se sortir des sentiers battus, des idéologies, se réinventer. Susciter l’essor des idées novatrices.

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Le concept de prévoir l’imprévu

Le concept de prévoir l’imprévu est également traité dans l’œuvre. Tout d’abord pour définir les termes du concept prévoir signifie concevoir quelque chose par la pensée, l’envisager comme possible, et prendre des dispositions en vue de son éventualité et imprévu signifie qui arrive de façon inattendu et souvent déconcerte (Larousse). Ces deux contradictions forment un concept qui consiste à définir des avenirs afin de nous permettre d’agir et d’éviter un futur non désiré. Dans son chapitre sur une crise d’intelligence (page 50), Edgar Morin écrit sur la nécessité de prévoir l’éventualité de l’imprévu afin de pouvoir se relever d’une crise.

Edgar Morin et la pensée binaire

Un autre concept est également mis en avant dans l’œuvre d’Edgar Morin, celui de la Pensée binaire. Il consiste à opposer deux éléments contradictoires, il s’agit d’une communication simplifiée qui oppose et qui exclut. Il n’y a pas de cohabitation possible. Afin de pouvoir nuancer et entrevoir une possibilité de faire vivre les deux ensemble, il faut passer de la pensée simpliste à la pensée complexe comme nous l’avons vu tout à l’heure. Revenons à la pensée binaire. Dans Changeons de voie, Edgar Morin écrit qu’il faut mettre les contradictions ensemble. Par exemple (page 84) conjuguer mondialisation et démondialisation. Conjuguer croissance et décroissance. Croissance de l’économie des besoins essentiels et décroissance de l’économie du frivole et de l’illusoire, ramener la publicité à des messages informatifs. Conjuguer développement et enveloppement. Développés les domaines techniques et économiques par exemple la culture, l’enveloppement fait référence à la communauté et solidarité. Dans l’ensemble le développement matériel n’a de sens que dans un mode de compréhension d’autrui. Dans Le temps est venu de changer de civilisation, (page 83), Edgar Morin met également des éléments qui doivent nécessairement agir ensemble et en opposition. Par exemple mondialiser et démondialiser. Mondialiser pour favoriser toutes les communications propices à la compréhension et à la prospérité entre les peuples. Démondialiser afin de sauvegarder les territoires, nations et zones appelées à devenir ces déserts humains ou économiques. Toutes ces contradictions qui doivent fonctionner ensemble constituent la Pensée binaire.

Les postures d’Edgar Morin

Edgar Morin prend position en dénonçant les causes et conséquences qui ont mené à cette pandémie. Nous en avons dégagé trois principales : la mise en avant des inégalités, la remise en question de la médecine et de la science, et le problème politique de fond. C’est dans son premier chapitre qu’il nous fait part de ses postures, se posant comme critique et spectateur extérieur, presque omniscient, des conséquences de la crise de la Covid.

La mise en avant des inégalités

Edgar Morin met l’accent sur les inégalités socio-spatiales en décrivant les profils de ceux qui sont touchés de plein fouet par la crise : les SDF, réfugiés, vieux abandonnés, jeunes/étudiants, personnes isolées. Il met en lumière les métiers normalement dépréciés de la société : éboueurs, manutentionnaires, chauffeurs routiers, caissiers, standardistes, indispensables au bon fonctionnement de la société, en les comparants aux « champions du CAC 40 » (p.40) qu’il accuse de ne pas faire preuve d’assez de solidarité dans cette pandémie. Ce faisant, il souligne l’importance de ces métiers sous-estimés qui font tenir l’économie et plus généralement toute la société, contrairement aux grands dirigeants.

Il se positionne du côté des classes méprisées en soutenant les « jeunes de banlieue, les ménagères, les premiers de cordées » (p.40) et des femmes, premières victimes des inégalités causées par la crise de la Covid puisqu’on les retrouve en majorité dans le social et la santé.

La remise en question de la médecine et des sciences

Dans la sous-partie « Leçons sur la science et sur la médecine », Edgar Morin nous fait part des manquements de la médecine quant aux solutions de guérison. Il critique la science, « ravagée par l’hyperspécialisation » (p.46). Selon lui, la science ne sait pas tout et devrait ouvrir ses champs de possibilités au lieu de rejeter tout produit qui ne viendrait pas de l’industrie pharmaceutique. Il constate avec regret que l’accent a été mis sur les gestes barrières uniquement, en négligeant par exemple l’hygiène alimentaire, efficace pour renforcer son système immunitaire et efficace, sur le long terme, pour lutter contre ce virus. Il parle d’une médecine qui ne distingue plus l’esprit et le corps, mais qui les réunit. Selon l’auteur, sans cela, la science ne peut avancer.

Le problème politique de fond

Edgar Morin se positionne comme critique des décisions gouvernementales et plus globalement du système politique dans lequel nous évoluons. Il pointe du doigt les erreurs commises par le gouvernement en ce qui concerne le port du masque en début de pandémie et les prises de position qui n’ont pas de sens (écoles ouvertes puis fermées, port du masque non-obligatoire puis obligatoire…).

Il critique une politique qui favorise le capital au nom de la rentabilité qui touche directement les travailleurs, surtout dans le milieu de la santé, soumis aux lobbies.

Il accuse le système néo-libéral qui « aggrave terriblement les inégalités sociales et donne un gigantesque pouvoir aux puissances financières », qu’il explore plus globalement dans Le temps est venu de changer de civilisation, où la clef serait l’humanisme, la coopération. Il faudrait, selon notre auteur, une nouvelle civilisation politique.

Edgar Morin, dans ses deux œuvres, nous donne les bases du contexte dans lequel nous vivons actuellement et se pose en critique. Il fait un constat de la situation globale, avant de proposer des solutions profondément axées sur l’humanisme, une valeur qui serait, selon lui, en perdition.

Les apports d’Edgar Morin au communicant

…Ou comment appliquer ces concepts et postures en communication à travers le marketing ?

Pandémie et vie

La pandémie a transformé nos vies et nos habitudes et elle continuera de le faire au cours des années. Elle nous a plongés dans une méga crise comportant des enjeux politiques, économiques, sociaux, écologiques, nationaux et même planétaires qui s’entretiennent. C’est un tout nouveau type de crise complexe, comme vu précédemment. Une crise dont tout le monde en ressortira différent. Le marketing fait partie de ces domaines qui vont devoir se métamorphoser pour s’adapter à une nouvelle époque dont personne ne sait de quoi elle sera faite. Les contraintes du confinement ont poussé chacun à s’interroger sur son mode de vie, ses vrais besoins, ses aspirations, qui sont réprimés chez ceux qui subissent le métro-boulot-dodo, ou ceux qui jouissent d’une vie moins asservie et généralement masquées par les aliénations du quotidien. Comme nous avons pu le constater par nous même, Edgar Morin nous l’explique très bien dans ses œuvres, les habitudes de consommation ont radicalement changé. Notre civilisation nous entraînait à une vie extravertie, tournée vers le dehors et l’extérieur. La présence de la publicité sur les murs, les stations de métros, au cinéma et jusque sur les vidéos Youtube déclenchent en nous des pulsions d’achat. Seulement, le confinement nous a brutalement reclus à l’intérieur de nous-mêmes. Ne pouvant plus obéir à ces pulsions, nous avons pu percevoir « l’intoxication consumériste » qui a favorisé notre civilisation. Cette crise nous a incité à suivre en temps réel le nombre de morts, augmentant la crainte du décès et de son immédiateté. Le taux de mortalité du virus n’étant pourtant que inférieur à 3% des cas d’infection. De plus, avec la restriction des biens de consommation dans les magasins de grandes surfaces, la population a compris que beaucoup de biens qui semblaient indispensables étaient en réalité négligeables.

Le rapport à la consommation

La pandémie a réformé de force notre mode de consommation, nous avons naturellement préféré l‘essentiel à l’inutile, la qualité à la quantité, le durable au jetable. Ce qui nous invite à réfléchir sur une civilisation qui incite en permanence à « la consommation sans discrimination ». L’œuvre éclaire le marketeur sur les futurs prévisibles ou non (le concept de prévoir l’imprévu que nous avons vu précédemment). Edgar Morin nous explique que le moment historique que nous sommes en train de traverser est lourd de défis. La crise sanitaire s’accompagne d’une crise politique et économique dont on n’a toujours pas mesuré la profondeur et la durée. Chacun dans cette crise a son rôle à jouer. De ce fait, dans le chapitre 3, Edgar Morin énumère des solutions aux défis à surmonter pour pouvoir changer de voie dans les meilleures conditions possibles. Parmi eux, celui de conjuguer croissance et décroissance. Selon lui, la croissance qui doit se poursuivre est celle de l’économie des besoins essentiels (éducation, transports, énergies vertes…). Ensuite, la décroissance où le communiquant va jouer un rôle important. Elle doit s’effectuer progressivement pour réduire l’économie du frivole et de l’illusoire, donc ramener la publicité à ses messages informatifs. Pour parvenir à un changement, le communicant doit appeler à un éveil citoyen des problèmes vitaux en jeu en prenant la parole pour informer et rassurer. La crise sanitaire a profondément bouleversé nos manières de travailler. Edgar Morin explique que le mieux à faire est de diffuser des messages adaptés au contexte que nous sommes en train de vivre. Il rappelle qu’une action n’obéit pas nécessairement aux intentions de son décideur mais souvent aux inter rétroactions du milieu où elle intervient. C’est-à-dire que le changement est possible s’il se fait progressivement.

Réalisme intangible ou réalisme d’anticipation

La crise du coronavirus a restreint l’intégralité du commerce mondial, limitant la plupart des régions à se débrouiller seules, forcées de reconstituer une économie locale. Le modèle de consommation habituel est censé faire dépendre le consommateur du producteur. Si le consommateur venait à s’émanciper du producteur et à répondre lui-même à son propre besoin, il pourrait exercer un pouvoir nouveau sur le producteur, encourageant les productions locales durables et solidaires. Démondialiser l’hyper compétitivité internationale, c’est permettre de diminuer la pression subie par les salariés visant à toujours plus de productivité pour plus de fiabilité et de polyvalence de la part des entreprises. Il existe deux types de réalisme, le monde d’avant la crise de la Covid qui optait pour un réalisme qui affirme le réel présent comme stable. Ce réalisme croit intangible l’ordre, l’organisation de la société et du monde qui l’entoure. Il serait plus pertinent de penser le monde selon le second concept du réalisme : l’idée que le présent est un moment en devenir. Il essaie de déterminer les signaux annonciateurs de transformations pour mieux les anticiper et les appréhender.

Pour conclure, Edgar Morin analyse la crise du coronavirus bien que cette dernière ne soit pas encore à son zénith. L’écrivain nous sensibilise à notre situation actuelle et nous donne quelques clefs dans le but d’inciter le monde à changer. « Si l’humanité ne change pas, alors elle se dirigera inéluctablement vers l’abîme »… pour tracer un parallèle sur l’une de ses œuvres Vers l’abîme ? sortie en 2007.

Auteurs : Sandia Bencheikh, Charlotte Joly, Paul Morvant, Florine Torres

Acheter Changeons de voie, Edgar Morin, 2020 et Le temps est venu de changer de civilisation, Edgar Morin, 2017

Lire notre dossier : Les auteurs du XXIe à dévorer cette année

Sources

  • https://www.cairn.info/revue-hermes-la-revue-2007-2-page-179.htm?contenu=article
  • https://www.huffingtonpost.fr/nicolas-glady/big-data-edgar-morin_b_5557347.html
  • https://fr.wikipedia.org/wiki/Pensée_complexe
  • http://ceriscope.sciences-po.fr/environnement/content/prevoir-l-imprevu?page=2
  • https://www.uto-pistes.com/bienvenue/abecedaire/item/pensee-binaire
  • https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/imprévu/42012
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