Bibliographie

La dictature de l urgence, Gilles Finchelstein [1]

Les analogies de la Dictature de l’urgence en politique, rapportées aux secteurs de la communication et du marketing.

Les analogies de la Dictature de l’urgence en politique, rapportées aux secteurs de la communication et du marketing. 1ere recension !

Gilles Finchelstein, personnalité politique française de gauche explique dans cet ouvrage comment l’« urgence », la rapidité, s’est imposée dans diverses sphères de notre vie pour aujourd’hui être la toile de fond de l’ensemble de nos fonctionnements.

Ainsi, que ce soit dans la vie personnelle, au travers de nos modes de consommations, la vie professionnelle ou encore la vie publique ; toutes sont rythmées par une urgence perpétuellement alimentée selon des moyens de production innovants et des avancées technologiques, mais également la multiplication des lieux de pouvoir faisant pression sur les instances publiques.

Vision globale d’un monde en accélération

1111 Citations de Stratégie, Marketing, Communication, par Serge-Henri Saint-Michel

Dans son livre, Gilles Finchelstein expose un panorama du quotidien des Français à travers divers pans tels que la vie personnelle, la vie professionnelle et la vie publique. Il démontre à travers de nombreux exemples que l’urgence est présente partout, que notre façon de consommer change au fil du temps et s’accélère.

L’étude de l’auteur est intéressante pour les métiers orientés clients comme les communicants, marketeurs et planneurs stratégiques, et particulièrement pour ceux d’entre eux qui ont lu le livre à sa sortie en 2012. En effet, on y trouve des indicateurs précieux sur les modes de consommation et le mode de vie en général des Français dans les années 2000 ainsi que leurs évolutions, à travers des exemples, du début du 20e siècle à 2012.

En effet, par exemple, il fait référence dans son chapitre « La vie personnelle » à notre habitude de consommation avec la fast fashion, les fastfood, et également à la durée de vie d’un film au cinéma qui se réduit passant de plusieurs mois à quelques semaines, à l’information avec les fast news dû notamment au réseau social Twitter, au transport avec la vitesse qui augmente entraînant des temps de trajet plus courts et enfin à l’hospitalisation avec les urgences, là encore le nom donné à ce service parle de lui-même.

Constat, notre environnement lui-même nous précipite à consommer plus et plus vite. L’expression le temps c’est de l’argent prend ici tout son sens.

Ainsi, cela permet à ces professionnels de prendre de la hauteur sur leur approche du consommateur, de mieux comprendre l’environnement dans lequel ils évoluent. Par conséquent, mieux appréhender leur cible, c’est-à-dire, mieux la comprendre, comprendre ses enjeux, mieux deviner ses envies, ses verbatim même si ceux-ci n’ont pas été clairement exprimés. Cette prise de recul avec un rapport au temps est importante et selon l’auteur trop souvent négligée dans les décisions prises par les différents décisionnaires (notamment entreprises et politiques).

Par exemple, déjà en 2011, les Français sondés par Ipsos affirment qu’il leur manque quatre heures par jour pour finaliser leur to do list malgré l’accélération phénoménale de leur vie avec le portable et le TGV. Ce constat est un indicateur très important à prendre en compte pour déceler des insights pertinents de consommateur.

Adoptez un livre

Les différentes grilles de lectures

Quelles en sont les causes ? L’auteur propose 3 facteurs de la dictature de l’urgence.

L’Internet et l’ordinateur, avec un puit de données exploitables en quelques clics. Gilles Finchelstein met en avant la puissance du réseau avec la numérisation, la vitesse de diffusion et la vitesse de calcul de l’ordinateur qui selon lui est une cause de notre état d’urgence. Avec Internet tout va très vite, il faut que l’Homme suive.

La mondialisation de l’économie, selon lui l’urgence s’impose par l’extension et l’accélération du marché. En effet, avec la mondialisation, l’économie tourne 24h/24, il y a par conséquent davantage de travail de nuit ou des services qui sont externalisés à l’étranger pour la rentabilité. La concurrence devient donc plus rude pour les entreprises et donc inéluctablement, entraîne une pression quotidienne pour les employés.

L’argent, la seule valeur dans notre société ? L’argent avant tout ? Peut-être, car l’objectif principal des entreprises est de faire du chiffre d’affaires pour être rentable et grossir. Actuellement, l’efficacité des entreprises n’est plus suffisante, il faut qu’elles soient rapides, que ce soit par la productivité ou par la logistique, elle pourra faire la différence et donc gagner du business si elle est plus rapide que ses concurrents. L’argent est donc indéniablement un facteur d’urgence.

Dans son livre, il explique donc qu’il existe selon lui 3 grilles de lecture possibles et indépendantes qui pourraient avoir favorisé cet environnement d’urgence dans lequel nous vivons. Puis il finit par démontrer que ces 3 potentielles causes sont dépendantes les unes des autres puisqu’elles se nourrissent, s’entretiennent entre elles. Ceci nous fait prendre conscience qu’il est important d’analyser les différents facteurs de notre environnement et considérer qu’il peut y avoir une multitude de variables, même si des évidences apparaissent.

Dans le secteur de la communication/marketing, lorsqu’un service ou un produit connaît un creux, moins de ventes, moins d’utilisation … Il faut définir les causes de ce problème. En effet, il est nécessaire de repérer tous les paramètres qui pourraient être liés à cette baisse d’activité, car les professionnels se focalisent souvent sur un seul paramètre, le plus évident, en pensant que c’est l’unique cause. Par exemple, on peut entendre des critiques via une caractéristique du produit ou service, mais peut-être qu’il y a également un problème plus profond lié au mode de vie changeant de la cible ou à la pertinence du produit ou service sur le marché.

Face à l’urgence, avoir son propre rythme

La dictature de l'urgence, de Gilles Finchelstein, Fayard

La dictature de l’urgence, de Gilles Finchelstein, Fayard

Gilles Finchelstein de manière générale cette soumission indiscutée à l’urgence. Les individus et les institutions adoptent des rythmes toujours plus élevés et obéissants à une urgence omniprésente et marque de modernité. Pour autant des nouvelles postures sont apparues en réponse à cette dictature, permettant d’affirmer un nouvel ordre singulier. Le temps peut donc être freiné. Il est possible de vivre à contre-courant en souhaitant vivre au sein d’univers ou environnement à la recherche de lenteur ou plutôt ne voulant pas accélérer. Les slow cities, le slow sex ou les Amish décident tous de figer le temps en tentant de se focaliser sur le ralentissement. Revenir à d’anciennes pratiques ou modes de consommations apparaît comme les boucliers à une urgence destructrice d’un point de vue moral et environnemental selon leurs adeptes.

Acheter La dictature de l’urgence, de Gilles Finchelstein, Fayard (2011)

Le politique, comme d’autres univers de notre société, travaille plus vite qu’auparavant et bien Nicolas Sarkozy tentera d’aller au-delà de cette vitesse. Ces prises de décisions prématurées, son besoin de tout devancer et son omniprésence présidentielle permettent à Gilles Finchelstein de le prendre illustration de l’accélération.

Enfin, afin de nuancer les deux tendances précédemment exposées, il finit son examen du temps en évoquant la décélération, sorte de pause qui permettrait de mieux reprendre le rythme dicté par l’urgence.

L’analyse de l’auteur se rapporte presque à une analyse philosophique de nos approches des temps. L’emploi de la dictature comme une « urgence » marque d’emblée une situation d’oppression à laquelle échapper paraît quasiment impossible. Il interroge ces différentes sphères sur leur approche du temps, et les conséquences qu’elles ont sur les acteurs impactés. Sans pour autant y répondre, il permet aux lecteurs d’objectiver leur comportement et éventuellement reconsidérer son mode de vie et de consommation.

Finalement dans un travail de communiquant, peu importe la posture adoptée, l’auteur nous amène à être conscient de cette dernière pour ainsi adapter ces décisions et son comportement selon une vitesse qui nous correspond.

La remise en lumière de la perspective

Après avoir émis une critique de la posture mémorielle des instances ces 20 dernières années, l’auteur veut établir une méthode permettant d’éviter les écueils que la combinaison entre Histoire et « urgence » peut engendrer. Il entend remettre de la « perspective » dans les travaux politiques et plus spécifiquement dans l’établissement des lois. Cette posture ce veut ancrer dans les fonctionnements, ici publics, une vision long-termiste. Cela ne veut pas dire qu’elle attend du futur et des progrès qu’il en résulte l’amélioration, mais plutôt penser des réformes, mesures, et loi qui dépasseraient notre propre existence et s’enracineraient dans du très long-terme. L’« urgence » écologique pousse d’autant plus selon lui à revoir notre manière de gérer les temps et l’approche de nos décisions. Ces dernières doivent dépasser les clivages, les mandats, les ressentis pour être pérennes, et au lieu d’être multiples elles devraient se concentrer sur l’« essentiel ». Pour ce faire, il nous propose une méthode permettant de tenir cette projection sur le futur ; elle consiste à « projeter, rassembler, associer, évaluer ». Ces cinq étapes veulent mettre le plus grand nombre de parties en accords sur des idées qui n’appartiennent à aucune, tout en étant perpétuellement discutées.

Mise en application concrète du concept de perspective

Reprenons les 5 idées de Gilles Finchelstein, et détaillons-les avec une mise en application non sur la politique comme l’auteur l’explique dans le livre, mais avec une analogie à un lancement d’un produit ou service.

La première idée selon l’auteur est « projetée ». Cette idée rejoint la méthode SMART, utilisée en gestion de projets, qui consiste à structurer ses objectifs le plus clairement possible. Ces objectifs doivent être spécifiques, mesurables, atteignables, temporellement définis.

La seconde idée relevée par l’auteur est de « rassembler ». Elle consisterait pour nous à l’étude de marché, penser à l’avenir du produit ou service sur le marché. Pour ceci il faut rassembler le maximum d’information qui permettra de proposer un produit ou service abouti.

La troisième idée est concentrée sur le client. « Associer » c’est mettre le client au centre, le produit ou service ne pourrait exister sans le client. Il faut donc prendre le temps de s’intéresser à sa cible. Le futur utilisateur doit donc être écouté et compris afin qu’il trouve un intérêt à utiliser ce produit ou service et le recommander autour de lui. Si le produit ou service est lancé sans répondre à un besoin, il aura une durée de vie très courte sur le marché.

La quatrième idée consiste selon lui à « évaluer les décisions adoptées ». Une fois le produit lancé il faut analyser les retours des clients. Sont-ils positifs ? que disent-ils à propos du produit ou service ? Comment pourrais-je l’améliorer suite aux remarques des clients ? Il est possible d’évaluer son produit ou service à travers les réseaux sociaux, en étant attentifs aux commentaires des internautes. Il est également possible d’envoyer un questionnaire de satisfaction aux utilisateurs ou de le faire tester en face à face.

Enfin la dernière idée que veut nous partager Gilles Finchelstein est l’importance de l’« expérimentation ». Il faut oser tester et prendre le risque que cela ne fonctionne pas. Il faut savoir être de temps en temps audacieux. Par exemple, vous avez lancé votre produit ou service et celui fonctionne bien, après un certain temps vous souhaiteriez améliorer ou proposer un service en plus. Faites un « test & learn » sur une certaine durée et analysez les retours de vos clients. Suite à ces retours, vous déciderez si votre offre est viable ou non.

Ces 5 idées sont donc intéressantes et vraies pour différents sujets, elles doivent seulement être adaptées.

Critique de la posture sarkozyste

Nicolas Sarkozy a été président français de 2007, et ce mandat s’est distingué par l’hyperactivité de celui qui l’incarnait. L’auteur qui conçoit l’histoire et la mémoire doivent fonder nos systèmes politiques, sont selon lui complètement instrumentalisés à des fins instantanées. Nicolas Sarkozy aurait ainsi bafoué la mémoire comme instrument de ces différentes stratégies politiques et électorales sans prendre en compte l’exigence qu’implique l’Histoire en tant que discipline scientifique.

Ce constat très teinté politiquement apparaît ici comme un guide aux candidats à l’élection présidentielle qui se profilait au moment de la parution de l’ouvrage. L’omniprésence, les réactions multipliées et parfois incontrôlées, la manipulation des temps longs et difficilement lisibles, ne doivent pas, selon lui, être des pratiques et méthodes du monde politique encore plus quand il s’agit du président.

En transposant cette analyse au monde de la communication, et plus spécifiquement dans les interactions liées aux travaux en entreprise. L’exemple Nicolas Sarkozy peut donner plusieurs sur les comportements à adopter selon la position que l’on occupe au sein d’une équipe ou d’une entreprise. Il apparaît comme primordial de connaître l’historique de ses prédécesseurs et ne pas adopter une posture trop en rupture sous peine de se discréditer.

Pour conclure, tout au long de son analyse, l’auteur cherche à travers plusieurs exemples à démontrer l’urgence qui anime les comportements. Ce constat à charge peut être intéressant cependant il reste très sommaire. En premier lieu à cause d’exemples plutôt prévisibles, à l’image de sa description totalement objective de la communication sarkozienne. Pour autant, l’accélération des processus n’apparaît jamais comme bénéfique. Il esquisse, enfin, l’idée de déconstruction des dictats de l’urgence. Cette piste, qui paraît précurseure, n’est pas assez aboutie pour déboucher sur une théorie.

Auteurs : Gaëlle Lamy et Sébastien Wony

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Un article du dossier : Les auteurs du XXIe à dévorer cet été

Acheter La dictature de l’urgence, de Gilles Finchelstein, Fayard (2011)

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