Bibliographie

Les vertus de l’échec, Charles Pépin [1/2]

Critique bibliographique et prolongements planning stratégique de Les vertus de l’échec, de Charles Pépin

Critique bibliographique et prolongements planning stratégique de Les vertus de l’échec, de Charles Pépin

Les vertus de l’échec, ou comment échouer pour accéder à la réussite. Une lecture remplie de sagesse, inspirée de nos erreurs, qui changera le regard sur l’échec.

L’échec dans la réalité : un moyen d’apprentissage

Apprendre de ses erreurs

L’échec est très souvent associé à un événement négatif, mais reste avant tout un moyen d’apprentissage, tant sur nous que sur le monde.

J'ai un job dans la com', par Serge-Henri Saint-Michel

L’échec est là pour nous mettre face à certaines vérités et surtout face à la réalité. Il nous invite à réfléchir sur nous-même et à essayer de comprendre les raisons de nos erreurs. L’auteur prend un exemple afin d’illustrer ses propos : celui de Rafael Nadal. En effet, lorsqu’il était jeune, le joueur espagnol a connu beaucoup d’échecs mais ce sont ses échecs qui lui ont permis de remporter plusieurs tournois et d’être numéro 1 pendant des années. Nous pouvons évoquer le concept du « fail fast, learn fast » : plus nous échouons vite, plus nous apprenons de nos erreurs et nous pouvons ensuite rapidement les rectifier. Les échecs de Nadal, parfois difficiles à vivre, lui ont permis de vraiment se concentrer sur lui et sur son jeu et non pas uniquement sur la victoire, c’est ainsi qu’il a développé d’autres techniques qui l’ont mené directement vers le succès.

Compréhension et progression

Le proverbe « l’erreur est humaine », est pourtant incomplet. La phrase entière « l’erreur est humaine, la reproduire est diabolique ». Charles Pépin utilise l’exemple de l’Accident d’Air France de Paris-Rio afin de mettre en avant qu’une telle défaillance fut le déclencheur d’une amélioration générale de la sécurité. En effet, suite à cette tragédie, des recherches approfondies et une vraie remise en question ont eu lieu afin de comprendre comment une telle erreur a pu être commise mais surtout tout mettre en œuvre pour qu’elle ne se reproduise plus jamais.

« Errare humanum est, perseverare diabolicum. »

Citation attribuée à Sénèque

Changer notre regard sur l’échec permet une vraie compréhension et une vraie progression. Prenons l’exemple de Thomas Edison. Il s’est servi de ses divers « échecs », ou dirons-nous plutôt ses essais, comme une matière à questionner et, grâce à sa curiosité, il a réussi à faire fonctionner la première ampoule électrique. Il est donc nécessaire de toujours se poser des questions et essayer de comprendre ce qui était caché afin de vraiment pouvoir en tirer profit. Gaston Bachelard disait d’ailleurs que la vérité n’est jamais qu’une erreur rectifiée.

Une leçon d’humilité

Apprendre, progresser, réussir peuvent nous apporter un sentiment naturel : l’orgueil. C’est pour éviter ce péché que Charles Pépin pense qu’il est nécessaire de connaître l’échec. Ne pas réussir tout de suite ou échouer nous permet de prendre conscience de nos erreurs et de réapprendre à voir notre réelle nature. Un cheminement parsemé de défauts nous donne l’occasion de mesurer nos limites et de nous renforcer par nos efforts, pour remonter la pente.

« Scientifiquement, on pense le vrai comme rectification historique d’une longue erreur, on pense l’expérience comme rectification de l’illusion commune et première. »

Bachelard, Le Nouvel esprit scientifique, 1934

Le cas de Steve Jobs en est un exemple parfait, après ses premiers succès, il a été licencié de l’entreprise qu’il avait lui-même créée. Cette débâcle lui a permis d’ouvrir les yeux sur son attitude et même de réussir davantage, car l’humilité ouvre des portes que les arrogants ne veulent voir, elle est moteur du savoir. C’est d’ailleurs pour cette raison que les savants sont souvent humbles. Dans leur recherche de connaissance ils n’ont de cesse d’échouer, ils sont donc guéris de l’arrogance.

La perception de l’échec

Échouer à l’école

L’école est une institution essentielle en France, on y entre avec l’idée que l’enseignement donné va nous permettre de construire notre vie professionnelle. Charles Pépin, lui-même professeur, dénonce la mentalité française sur l’échec au sein de l’école. On dit souvent aux enfants que réussir à l’école et faire de longues études nous permettra de réussir notre vie professionnelle, mais comment voyons-nous que notre scolarité est un succès ? Grâce au système de notation. Les élèves sont alors rapidement différenciés et classés par niveaux selon leurs notes : bon, moyen et mauvais. Les professeurs ont pour habitude de dire aux élèves qu’échouer est autorisé, qu’il est normal de se tromper qu’ils sont là pour apprendre, mais pourtant accumuler les échecs à l’école colle une étiquette de mauvais élève.

Adoptez un livre

Les bulletins de notes sont une sanction pour ces élèves, leurs échecs sont davantage mis en avant que leurs succès. Les commentaires des professeurs soulignent leurs faiblesses sans pour autant leur donner de solution. Quant aux bons élèves, on leur offre dans leur bulletin un tableau d’honneur pour les féliciter et les encourager à continuer à avoir de bonnes notes.

« Un homme est la somme de ses actes, de ce qu’il fait, de ce qu’il peut faire. Rien d’autre. »

André Malraux, La Condition humaine, 1933

Le système éducatif français encourage donc les élèves à réussir mais pas à échouer contrairement à d’autres pays comme par exemple la Finlande où le système éducatif est le meilleur au monde. L’échec est considéré comme mauvais en France et non comme un moyen de réussite, il n’est pas non plus enseigné ou récompensé. Cela crée chez les élèves du stress, de la peur et peut les détourner de leurs rêves. De plus, les bonnes notes ne garantissent pas un apprentissage suffisant pour la vie professionnelle car beaucoup des connaissances enseignées à l’école ne sont utiles que pour les contrôles et non pour la vie professionnelle.

L’échec n’est pas enseigné à l’école, et le voir comme une mauvaise chose coupe le lien de communication entre élèves et professeurs, en effet les élèves ont peur de se tromper et n’osent pas demander d’aide aux professeurs. Les relations entre professeurs et « mauvaises élèves » deviennent tendues.

Oser l’échec pour réussir

La critique de Charles Pépin ne s’arrête pas simplement à une remise en question du système éducatif français. Pour lui, la mentalité française entière est paralysée par une peur de l’échec. Mais cette crainte d’échouer revient par la même occasion à s’interdire une possible réussite. Comment arriver en haut de l’escalier si on a peur de tomber dès la première marche ? Cette peur devient un frein dans les décisions, elle muselle l’audace, alors qu’elle devrait être son moteur. Pourtant, une décision est toujours audacieuse puisqu’elle implique par définition la possibilité de l’échec.
Xavier Niel est un des seuls exemples de chefs d’entreprise français à avoir osé se lancer dans l’inconnu. S’il s’était cantonné à rester rationnel il n’aurait pas eu autant d’opportunités de réussir. Au contraire, en prenant des décisions audacieuses il s’est donné un maximum de chance de connaître des succès. D’ailleurs, du point de vue de l’auteur, le véritable échec serait alors de n’en avoir connu aucun : cela signifierait que nous n’avons jamais osé.

Échouer au travail

Dans notre pays où la culture de l’erreur est très peu développée, connaître un échec est synonyme pour les individus d’être des ratés, de ne rien valoir. Nous prenons l’échec d’un projet pour celui de notre personne. Ce sentiment est renforcé par l’absence de deuxième chance. En effet l’échec professionnel en France vous condamne à être marqué au fer rouge pour toute votre vie avec très peu de chance de pouvoir recommencer un projet à nouveau.

Au contraire dans les pays Anglo-saxons l’échec sera pris comme une expérience voire un signe de maturité. Ainsi les banquiers américains seront plus enclins à vous accorder un crédit si vous avez échoué que si vous n’avez connu que des réussites.

Les États-Unis sont l’un des pays où l’on prône le plus cette culture de l’échec. Depuis 12 ans, les « Failcon », les conférences sur l’échec, accueillent entrepreneurs ou sportifs ayant connu des ratés. Les intervenants racontent comment les échecs les ont éveillés, portés vers d’autres succès et leurs ont donnés cette capacité de se réinventer.

On comprend alors mieux pourquoi les États-Unis sont plus réceptifs à la psychanalyse existentialiste de Malraux qu’en France. L’existentialisme est un humanisme « Un homme n’est que la somme de ses actes ».

Rebondir pour mieux réussir

L’opportunité de se réinventer

Prendre conscience de ses échecs peut permettre de rebondir afin de ne pas faire les mêmes erreurs et mieux réussir, comme une manière de se réinventer. Le compositeur et trompettiste de jazz américain Miles Davis a affirmé : « Quand vous jouez une note, seule la suivante permettra de dire si elle était juste ou fausse ». Cette vision nous amène à déduire que nous ne savons pas toujours si ce que nous faisons est un succès ou non ; il faut attendre le suivant pour savoir si ce premier en était un. Charles Pépin nous propose ici deux interprétations différentes de l’échec : croire qu’il nous délivre une réponse sur ce que nous sommes, ce qui est opposé à penser que l’échec nous pose une question sur notre devenir, qu’il peut nous aider à rebondir. Prenons l’exemple du naturaliste Charles Darwin : il a interrompu deux fois ses études (médecine puis théologie), mais ces arrêts n’étaient pas des échecs, au contraire, il a pu se rendre disponible pour partir à l’aventure sur son navire, où il a finalement trouvé sa vocation. Le but dans tout cela est de faire d’un « obstacle » un « auxiliaire » pour un projet nouveau.

En somme, peu importe le milieu et le domaine dans lequel nous évoluons, les succès sont l’occasion de se réinventer à chaque fois, mais sont aussi une invitation à persévérer dans le temps.

Une heure de conférence avec Charles Pépin sur les vertus de l’échec

Une remise en question perpétuelle de ses succès

Charles Pépin invite à apprendre de nos échecs… et à réussir nos succès. Cela peut être difficile car cela nous demande de nous questionner constamment afin de ne pas rester sur nos acquis. Il faut aborder ses succès comme on traiterait ses échecs. Cette attitude est parfaitement illustrée à travers les champions du monde de handball. Selon Claude Onesta, l’entraîneur de l’équipe de France « il ne faut jamais appliquer 2 fois la même stratégie ». Toujours se renouveler, se remettre en question même au cœur de la victoire. Il ne faut jamais se satisfaire des succès pour croire que l’on est invincible, cela a permis aux Experts d’inscrire leur succès dans la durée.

La limite de la capacité de rebond

Mais la capacité de rebond est limitée. Charles Pépin transmet deux visions et deux idéologies différentes sur ce sujet : d’un côté Sartre, qui dit « je ne suis pas », donc qui affirme que sa capacité de rebond est illimitée. En effet, pour lui, le « game over » n’aura lieu uniquement qu’avec la fin de notre existence, donc que l’on peut rebondir jusqu’à notre mort. À l’inverse, Pépin nous fait part de la conception de Lacan : pour qui il existe un désir inconscient qui nous constitue de manière essentielle, qui est comme un destin en nous. On doit alors s’approcher de notre désir pour réussir à supporter notre vie. De ce fait, il est donc impossible de se renouveler à l’infini.

Deux directions philosophiques s’opposent donc sur la limite de la capacité de rebond, mais une seule sagesse persiste : celle qui nous ouvre à notre liberté au cœur même des limites.

Finalement, qu’est-ce que l’échec ?

L’échec doit être perçu comme un moyen de tirer des enseignements sur soi, de lâcher prise, c’est la liberté et le savoir de ses propres actions, qui vont permettre de tirer des enseignements qui pourront amener vers la véritable réussite. De plus, l’échec ne peut pas essentiellement se définir comme un manque de succès, c’est une notion plus profonde. Aujourd’hui, le plus important est d’apprendre de ses échecs et de les considérer comme utiles pour remplir nos conditions d’existence. Cela amène à la notion de sérendipité, qui se définit comme étant la réussite de nos actions par le hasard de nos actions, déclencheur d’une nouvelle opportunité qui n’avait pas été pensé auparavant.

Dans le milieu professionnel, la sérendipité pourrait être la capacité à gérer des événements inattendus en ayant un mode de penser, rapide et intuitif. Cela nous obligerait à exploiter nos ressources psychiques et inconscientes, afin de réaliser nos désirs profonds et en tirer -enfin- profit.

Auteures : Vintsy Andriamanantsoa, Marine Collet, Ariane Cravic, Tanina Dahak, Tatiana Dalle Mulle, Adriel Moussard

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Pépin en conversation avec Enthoven sur le sujet

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