LQR, La propagande du quotidien, hérite son titre d’un ouvrage publié en 1947 par Victor Klemperer sur la Langue du Troisième Reich (LTI) dans lequel ce professeur juif chassé de l’université de Dresde décrit la naissance et le développement d’une langue nouvelle, celle de l’Allemagne national-socialiste : « le nazisme s’insinua dans la chair et le sang du plus grand nombre à travers des expressions isolées, des tournures, des formes syntaxiques qui s’imposaient à des millions d’exemplaires et qui furent adoptées de façon mécanique et inconsciente » (11). La langue devenait instrument d’oppression et de propagande : « nous parlons la langue du peuple (…) il faut utiliser son propre langage, parler sa propre langue » (Joseph Goebbels, 1932), quitte à changer la valeur des mots et leur fréquence.
LQR, La propagande du quotidien, est un ouvrage militant, engagé, érudit, critique… s’appuyant sur de nombreux a priori non démontrés (49 à 52) mais invitant, dans la lignée de C. Delporte et de P. Breton, à une réflexion sur le pouvoir des mots. Eric Hazan propose une façon de lire, de décoder notre monde… qui ne dévoile pas pour autant de solutions à cette aliénation : éducation ? Literacy ? La vertu ne suffira pas (114).
La LQR, langue performative, n’a pas seulement été forgée par les publicitaires et les experts (terme pourtant dénoncé p. 15 !) mais par tous puisque, désormais, chacun y va de son opinion, mais sans l’organisation sous-jacente d’un sourd complot (120) – contrairement à ce que l’auteur pense. Cette théorie du complot des élites pour asservir le peuple prête à sourire, surtout croisée avec La démocratie des crédules de Bronner… A lire l’auteur il faudrait bannir les métaphores guerrières (40 sq.)… qui existaient pourtant bien avant la Troisième République ! De même, l’auteur est peu convaincant sur les termes « croissance » (33 sq) et « post industriel » (38) ; il omet les mots et expressions néo, gagnant gagnant, mobilité… tout en ne faisant pas référence à 1984 de Orwell, malgré la rapide mention de la novlangue (20). Enfin, le communicant regrettera le manque une clarification sur les raisons du développement de la LQR, « langue du libéralisme » et de ses canaux de diffusion, tandis que les latinistes distingués goûteront la métaphore des poulets sacrés du général Publius Claudius Appius Pulcher (34).
Acheter LQR : La propagande du quotidien, d’Eric Hazan publié chez Raisons d’Agir (2006).
Nous vous invitons à lire aussi
- La parole manipulée, de Philippe Breton.
- Une histoire de la langue de bois, de Christian Delporte
- La démocratie des crédules, de Gérald Bronner
Le terme « exploité » par Lepage et Hazan
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