La peur « s’est installée très haut dans l’échelle de valeur de notre société » (préface de Bernard Sananes).
Les défiances verticales et horizontales servent de caisse de résonance (13) à ces peurs et installent le repli sur soi. Ces défiances sont fondées sur un conflit de visions du monde, parfaitement expliqué au chap. 1, où s’affrontent un capitalisme « devenu fou » désincarné, décrédibilisé, et un citoyen érigeant la nature en nouvelle religion (ch. 2), en droite ligne de la post modernité. L’ensemble est agité par des courants mélangeant croyances et connaissance, d’où de nombreux emprunts, certes à propos, à Gérald Bronner (La démocratie des crédules) dès la p. 40, dont il reprend par ailleurs l’exemple sur l’homéopathie (129).
En affirmant que « la santé et la protection de l’environnement deviennent donc naturellement les deux forces de régulation du capitalisme » (18, 49 sq et partie 1), Serge Michels rejoint Jean-Louis Servan-Schreiber dans Aimer (quand même) le XXIe siècle.
La fabrique de la peur
Serge Michels dénonce « le zéro risque, une utopie qui fait le tour du monde » et aborde finement le risque choisi vs. subi, la notion de danger et de risque (d’ailleurs, « plus le risque est rare, moins nous l’acceptons »), mais aussi la défaillance des politiques et le déni des experts. Ces éléments mènent à un affrontement entre précaution et innovation (73). Et les entreprises peuvent utiliser le doute ainsi créé, ce que l’ouvrage ne développe pas, à la différence de Les marchands de doute, que nous avons récemment chroniqué.
Le communicant lira avec intérêt « Lanceurs d’alertes et allumeurs de feu » (79 sq.) qui illustre les frictions entre légitimité scientifique et légitimité sociétale (87) remettant en cause la science (117 sq.). Le lecteur enchaînera avec la troisième partie, « Agir et communiquer pour renforcer la confiance », point de bascule de l’ouvrage qui, désormais, intéressera plus les spécialistes en communication de crise et les « utilisateurs » de lobbying.
Enfin, pour la réédition de l’ouvrage, nous apprécierions l’allègement (ah, la santé du lecteur !) des multiples auto-citations (25, 26, 33, 37 et 37…).
Acheter Le marketing de la peur, de Serge Michels, Eyrolles.