Parlez-moi de moi : je veux le 20h, voici les bonnes feuilles en exclusivité ! Découvrez les premières pages rafraîchissantes de l’ouvrage de Jean-Claude Allanic et Christophe Paymal, publié chez Designfax. En de nombreux points il nous remémore les questions soulevées et les critiques amenées dans notre géronte dossier sur les Relations presse et les relations médias.
« Moi, ce que je veux, c’est le 20h »
J’entends cela tous les jours : « je veux qu’on parle de moi », « décrochez-moi une télé », « faites-moi passer au 20h ». Ils rêvent tous du « quart d’heure de gloire » promis par Andy Warhol.
Mes clients sont en majorité des créatifs, des designers, des architectes ; ils ont souvent un ego plutôt développé. Ils expriment en même temps un constant besoin de reconnaissance. Certains viennent me voir parce qu’ils ont écrit un livre et se voient un peu comme le centre du monde. Ils rêvent de s’afficher à la « une » des journaux, d’être invités surtout dans les médias audiovisuels. Le « 20 heures », c’est le Graal. A défaut, un « 13 heures », pourquoi pas ? Mais le « 20h », c’est le signe de la réussite, encore mieux qu’une Rolex ! Leur envie est tellement forte qu’ils en oublient de se demander si c’est efficace, si ce ne serait pas mieux, pour eux, de décrocher un papier ou une interview dans la presse écrite. L’écrit est pourtant souvent le meilleur moyen de faire parler, d’une manière mieux ciblée, de leur évènement, de leur activité, de leur produit, de leur entreprise. Mais, aujourd’hui, la galaxie Gutenberg n’a plus l’aura qu’elle avait auparavant ; on lui préfère l’instantanéité des nouveaux médias audiovisuels et des réseaux sociaux, l’impact éphémère du direct.
Au risque de les décevoir, je leur explique que c’est rarement une bonne idée de vouloir à tout prix un grand JT, que c’est irréaliste sauf s’ils ont véritablement un scoop extraordinaire, ce qui est rarement le cas, pour ne pas dire jamais. Ils se font beaucoup d’illusions sur la possibilité de se faire inviter au 20h de TF1 ou de France 2. Je leur rappelle que même les politiques s’y cassent les dents, bien qu’ils soient un peu chez eux – ou qu’ils s’y croient !
J’ai eu un client, un « designer produit » qui se voyait déjà en train de répondre à Gilles Bouleau ou à Anne-Sophie Lapix. Si cela ne se faisait pas, c’était de ma faute. Il refusait d’admettre qu’il n’avait aucune chance d’y arriver et que c’était, d’ailleurs, loin d’être le meilleur créneau pour faire passer son message. Il est allé jusqu’à nous menacer de changer d’agence et de partir chez la concurrence. Je lui ai répondu qu’il y aille ! Finalement, il est resté. Je n’ai pas eu la cruauté de lui citer cette phrase de Jean d’Ormesson : « Passer à la télévision est le rêve de tous les m’as-tu-vu qui, à tort ou à raison, s’imaginent avoir quelque chose à communiquer aux autres ».
Bon, heureusement, contrairement à ce que laisse entendre d’Ormesson, mes clients ont bien « quelque chose à communiquer ». Et c’est notre boulot d’agence de relations presse de trouver la meilleure manière de mettre en valeur leurs dossiers, de trouver les bons supports, les meilleures stratégies, les bonnes cibles. Une émission régionale de France 3, inconnue dans les cercles parisiens, peut avoir plus d’impact qu’un 20h national. Tout dépend de ce qu’on a à vendre et du public auquel on veut s’adresser. Pour un dossier de management, je préfère décrocher BFM Business plutôt que le 13 heures de Jean-Pierre Pernaut et pour un produit de grande consommation, je vais privilégier une radio comme RTL l’après-midi car je sais qu’elle est écoutée par les fameuses ménagères de moins de 50 ans.
En règle générale, tout ce qui permet de faire connaître les activités de mes clients est bon à prendre. Je n’exclus donc aucun type de média, aucune opportunité. Bien sûr, il y a des émissions ou des journaux plus valorisants que d’autres, plus porteurs de résultats en fonction des messages que nous voulons transmettre. Pas besoin d’être un grand spécialiste pour constater que TF1 et RTL ont une audience populaire mais relativement âgé, que les téléspectateurs de M6 sont plus jeunes, que Canal+ est plus branchée que France 3, qu’Europe 1, Radio Classique et BFM ont principalement un public de cadres. Encore cela dépend-t-il des créneaux horaires.
La compétence d’une agence de relations presse, c’est de connaitre les niches intéressantes, de mesurer l’influence d’une chronique ou d’une rubrique spécialisée. Le choix va dépendre ensuite du profil du client et de son projet. Son entreprise est-elle nationale, multinationale, étrangère, ultra locale ? Le rôle de l’agence consiste à monter la meilleure stratégie. J’ai, par exemple, parmi mes clients, un ancien directeur marketing de Peugeot qui s’est spécialisé dans le « branding », l’étude des marques. Il aspirait à se faire connaître en tant qu’expert des marques. Notre objectif a été de valoriser son expertise. Dès qu’il y a une actualité sur les marques, on envoie son point de vue aux rédactions sous forme de communiqués et on propose aux journalistes de l’interviewer. Quand il y a eu la crise de Volkswagen, on a envoyé son analyse en quelques lignes à plusieurs rédactions – presse écrite, radios, télés – susceptibles d’être intéressées. Le succès a été total puisqu’on a eu le 13h et le 20h de France 2, le 13h de TF1, le Soir 3 de France 3, BFM TV, France 24. Cela a bien fonctionné parce qu’il y avait une attente d’expert de la part des journalistes et que nous leur proposions les compétences d’un pro.
Je vais avoir également une approche très ciblée pour un client implanté dans une zone géographique spécifique. Je travaille avec un « Relais et châteaux » installé dans le Nord de la France qui souhaite mieux faire connaître son offre de déjeuners d’affaires. Dans l’absolu, ce serait bien, en termes de notoriété, de passer au 20h. Mais si l’objectif est de remédier à un déficit de clientèle d’affaires, il est préférable de viser les médias locaux. Les gens ne vont pas venir spécialement de Paris, de Marseille ou de Strasbourg pour déjeuner dans le Nord. Dans ce cas-là, il faut jouer sur la sensibilisation d’une presse complètement locale, radio locale, télé locale. On a obtenu ainsi, pour ce client, France 3 régions, la plupart de radios de proximité et toute la presse papier locale. Cela s’est avéré beaucoup plus payant qu’une action nationale. En outre, les relations avec les rédactions locales sont beaucoup plus faciles. En province, les journalistes sont davantage à l’écoute. Ils sont disponibles, aimables. Beaucoup plus, en règle générale, que les journalistes nationaux qui sont constamment dans le stress et qu’on n’arrive jamais à joindre.
Dans le choix des médias, il est primordial de tenir compte, également, du profil des présentateurs et des animateurs de télé ou de radio. Certains sont de meilleurs « prescripteurs » que d’autres par rapport aux objectifs recherchés. Si j’ai un sujet terroir ou régional, je tenterais plutôt cette fois-ci Jean-Pierre Pernaut et le 13h de TF1. Pour un sujet innovation, un nouveau métier, ou une start-up, je rechercherais, entre autres, France 2, Europe 1, France Info, Radio Classique. Pour un livre économique ou de stratégie politique, je frapperais à la porte de Frédéric Taddéi sur Europe 1. S’il s’agit d’un ouvrage qui traite de la vie quotidienne, Laurent Ruquier (« On n’est pas couché » sur France 2 ou « Les grosses têtes » de RTL) est manifestement plus porteur que Cyril Hanouna sur C8 ou qu’une émission purement littéraire de France Culture. Le risque, néanmoins, quand on choisit certaines émissions, et en particulier les programmes de divertissement, est d’affronter la dérision, d’être confronté, sous couvert d’humour, à des démolitions en règle. J’ai vu des chroniqueurs qui prenaient un malin plaisir, devant la caméra, à rayer une poêle supposée inrayable ou tourner en ridicule la démonstration d’un appareil qu’ils ne réussissaient pas à faire fonctionner. Le persiflage fait partie de l’ADN des journalistes. Mais, comme dit Michel-Edouard Leclerc, qui s’y connait, peu importe les critiques, peu importe le scandale : le principal, c’est qu’on parle de moi et de ce que je veux vendre.
De toute façon, quel que soit le type d’invitation dans un média, le succès n’est jamais garanti. Une communication réussie est le résultat d’une alchimie parfois mystérieuse entre la prestation de l’invité, les relances du présentateur, la perception du message par le public et même « l’air du temps », autrement dit les idées reçues du moment. En particulier, sur certains sujets polémiques comme l’environnement, les OGM, les fonds de pension … ou les plombiers polonais, il ne faut pas heurter les opinions généralement partagées sachant que ce sont celles que les journalistes vont vous opposer. Avec, parfois, un parti pris certain.
Il faut gérer les interventions dans les grands médias audiovisuels avec doigté et discernement. Il faut bien connaître les journalistes qui ne sont pas tous neutres. Il y a toujours des émissions « dangereuses » où on peut s’attendre à se faire démolir. Concrètement, par exemple, en France il est de bon ton d’en vouloir « aux riches ». Quand on gagne de l’argent, on n’est sûrement pas très honnête. Si j’ai à présenter un produit financier ou à promouvoir un client qui gagne beaucoup d’argent, c’est une donnée qu’il faut intégrer. Il faut bien réfléchir avant d’accepter une interview. L’essentiel n’est pas de participer mais de s’assurer de retombées si possible positives. Pas de souci normalement pour une émission économique qui suit l’actualité des entreprises et qui connait bien les dossiers. Le péril vient plutôt des émissions dites d’investigation animées (pas toutes) par des présentateurs ou des présentatrices aux a priori idéologiques et qui se comportent davantage en justiciers qu’en journalistes à la recherche de la vérité.
Les relations presse ne consistent pas à faire passer les clients à tout prix à la télévision quitte à les faire tomber dans des traquenards. Mais à les protéger en les conseillant intelligemment.
Relations presse, c’est quoi ce métier ?


Parlez-moi de moi : je veux le 20h, de Jean-Claude Allanic et Christophe Paymal
N’allez surtout pas confondre les relations avec la presse avec les relations publiques et encore moins avec la publicité. Au pays de Descartes, une agence de RP (de relations presse) n’a rien à voir avec une agence de RP (de relations publiques). C’est évident, mon cher Watson. Et bienvenue dans le monde merveilleux de la communication !
Moi, je fais donc des RP. L’agence que je dirige est spécialisée dans les relations presse. Mon métier, c’est de donner des informations aux journalistes des médias imprimés, audiovisuels et digitaux. C’est de mettre en relation des marques, des produits, des personnalités avec des médias. Et pour cela, on a des outils, des moyens qui sont, au départ, une action, une information. Cette action, cette information, nous la mettons en valeur au moyen de communiqués de presse, de dossiers, de conférences de presse (si nécessaire) ou de voyages de presse (de moins en moins, on verra pourquoi).
Mon travail consiste à servir de relais, d’une part, entre les clients de mon agence qui veulent faire connaitre un nouveau produit, une initiative, des actions ponctuelles, des événements concernant leur entreprise et, d’autre part, les rédactions susceptibles de s’en faire l’écho.
J’aide mes clients à établir une stratégie de notoriété et de visibilité vis-à-vis des médias. Je réalise des dossiers de presse en tenant compte de ce qui peut intéresser tel ou tel journal ou magazine. Ensuite, je prends contact avec les journalistes spécialisés dans le secteur concerné pour obtenir des papiers ou des interviews. Je leur présente les choses telles qu’elles sont. Je ne fais pas de la publicité pour un produit, pour une marque ou pour une entreprise. A l’inverse de la publicité, nous ne payons pas d’espaces et encore moins les journalistes à qui nous nous adressons. Je ne les trompe jamais. Obtenir un « papier » à partir de fausses informations serait la pire des choses ; ce serait perdre toute crédibilité. Or, avoir des relations de confiance avec mes interlocuteurs est, à mes yeux, primordial. Les journalistes restent libres d’utiliser et de reprendre ou non les éléments que je leur donne. Le respect de leur liberté est absolument essentiel. C’est ma philosophie. C’est mon éthique.
Dans les relations dites publiques, la communication est plus généraliste puisqu’elle ne s’adresse pas exclusivement aux journalistes mais à différents publics. Elle peut recourir au design, aux techniques promotionnelles, à l’organisation de salons professionnels, de conférences thématiques, à la publicité, etc… Cette diversité des cibles a, d’ailleurs, conduit le syndicat national des attachés de presse, le Syntec RP, à changer sa dénomination « publiques » en « publics ». Ces publics, peuvent être des médias, des consommateurs, voire des influenceurs. On se rapproche de la terminologie anglo-saxonne de « public relations ». C’est pourquoi, au risque de faire hurler mes anciens profs de français, j’aime bien parler et écrire de « relations-publics » !
En France, on fait fréquemment l’amalgame entre relations presse et « relations-publics » (bon, si ça vous gêne, je vais parler de RP !). En disant qu’on travaille dans les RP, on entretient cette ambiguïté entre les deux spécialités. Question de mentalité : beaucoup considèrent que c’est plus valorisant de parler de relations « publiques » plutôt que de relations presse jugées plus restrictives. Dommage ! C’est un de nos traits de caractère national bien connu depuis que les hommes et femmes de ménage sont devenus des techniciens de surface, les aveugles des non-voyants et qu’on ne ferme plus des accès d’autoroutes mais qu’on les neutralise : nous aimons bien enrober les choses. Nous nous complaisons à utiliser deux ou trois mots à la place d’un seul sous prétexte de « faire sérieux » et de ne vexer personne. Et, apparemment, faire des relations publiques, ça fait plus riche que de faire tout simplement des relations de presse. De la même manière, « chargé de com », ça fait plus sérieux qu’attaché(e) de presse et « dircom » ça en impose franchement plus que « responsable de la communication » !
Bon, j’avoue qu’il m’arrive aussi de faire des « relations-publics » même si 80% de mon activité concerne la presse et les médias. Certains dossiers nécessitent d’élargir la cible au-delà des journalistes. Pour citer un exemple, j’ai lancé une marque de parquets vinyles LVT pour des Chinois qui voulaient s’implanter en Europe. La marque était totalement méconnue chez nous ; de ce fait, nous devions trouver un moyen pour sensibiliser les potentiels futurs prescripteurs : acheteurs des grandes enseignes de bricolage, architectes et journalistes spécialisés. Se contenter d’une simple exposition de ces nouveaux produits dans un « show room » ne nous paraissait pas très efficace. La question était : comment créer de l’attractivité autour d’une marque totalement inconnue et répondre à l’exigence de notre client qui souhaitait créer un événement rassemblant 300 personnes ? Nous avons organisé une soirée de prestige avec la visite privée d’une exposition majeure à Paris, en rapport avec le message que nous voulions faire passer autour de la création et du design. Nous avons opté pour l’exposition du célèbre designer Roger Tallon qui se tenait au musée des Arts Déco. La soirée s’est déclinée autour d’une conférence de présentation des produits et de la stratégie de l’entreprise Florafloor, puis d’une visite privée de l’exposition suivie par un cocktail. Ça, ce sont des relations publiques. Bien sûr, on peut aller encore plus loin dans la communication évènementielle. On y reviendra.
Les comprendre ? Mission (presque) impossible
J’aime bien les journalistes sinon je ne ferais pas le métier qui est le mien. Mais qu’ils peuvent être parfois compliqués ! J’avoue que j’ai mis un certain temps à trouver … leur mode d’emploi.
Il faut d’abord comprendre que les journalistes se considèrent et sont des gens à part. On peut leur reprocher beaucoup de choses cependant la plupart place très haut leur mission d’information du public. Quel que soit leur pays (plus ou moins libre ou plus ou moins autoritaire), quelle que soit leur culture, ils se reconnaissent dans les mêmes valeurs. Ils ont les mêmes formes de raisonnement, les mêmes réflexes, les mêmes pratiques, la même curiosité, le même besoin de savoir et de comprendre. Et surtout, un attachement viscéral à leur liberté d’expression – parfois au péril de leur propre liberté ou de leur vie.
Une fois qu’on a saisi ce qui fait l’universalité du journalisme et de ses valeurs, il s’agit ensuite de s’adapter aux particularités, aux centres d’intérêts et voire aux lubies des uns ou des autres. On n’aborde pas un journaliste de « Libération » de la même manière qu’un journaliste des « Echos », une chroniqueuse « d’Elle » comme un rédacteur en chef de TF1 ou un reporter de « France 2 » comme un présentateur de « France 3 Bretagne ».
Qui aime bien châtie bien. Alors, allons-y ! Les journalistes ne sont pas exempts de défauts. Ils ne sont sans doute pas plus imparfaits que les attachés de presse – ce qui n’est pas une consolation. Le plus pénible, c’est leur comportement fréquemment désinvolte vis-à-vis de nous et la cuisante frustration que nous ressentons lorsqu’ils opposent à nos dossiers (forcément) excellents une fin de non-recevoir sans hésitation ni explications.
Certains vous diront que les journalistes sont arrogants, se jugeant supérieurs à nos mesquines sollicitations « commerciales » ; ce qui ne les empêcherait pas de faire preuve d’une certaine servilité à l’égard des puissants du monde de la politique ou de l’économie. Et, on vous révèlera qu’ils sont loin de se montrer insensibles – à commencer par des noms connus et reconnus de la profession – à une considération exprimée sous forme d’invitations ou de petits avantages de toutes sortes.
D’autres les trouvent paresseux ; si vous voulez espérer voir publier quelques lignes de votre communiqué de presse ou qu’ils exploitent les informations que vous leur donnez, il faut leur mâcher le travail, rédiger le texte qu’ils n’auront pas à réécrire, leur trouver les lieux et les interlocuteurs pour leur reportage.
Les journalistes peuvent être brillants, intelligents et cultivés, pointilleux. Ils peuvent être aussi d’une inculture crasse et d’une indifférence sans nom à l’égard de l’exactitude des faits. D’où d’où cette mauvaise réputation qu’ils ont de raconter n’importe quoi dans des papiers truffés d’erreurs et d’approximations.
On vous dira, et c’est vrai, qu’ils ne sont jamais joignables, qu’ils ne vous rappellent jamais quand vous leur laissez un message, qu’ils comprennent tout de travers parce qu’ils ne prennent pas le temps de vous écouter et que, de toute façon, ils ont une idée préconçue sur tout et que vous ne pourrez jamais les faire changer d’avis. Bref, une galère quotidienne pour ceux qui doivent affronter les hordes médiatiques.
Comme dans tout groupe humain, il y a des bons, des très bons, des mauvais, des très mauvais, des flagorneurs, des sérieux, des rigolos, des sympas et des pas sympas. J’ai même rencontré des journalistes agréables, intelligents, courtois, compréhensifs et efficaces. C’est la classique parabole du verre à moitié vide ou à moitié plein.
Que la communication avec les journalistes serait plus facile si on pouvait leur imposer ce qu’ils devraient dire et écrire ! Autrement dit, si on vendait de la pub au lieu de faire de la communication. Sauf que ce n’est pas notre métier et que les journalistes n’aiment pas du tout qu’on leur dicte ce qu’ils doivent faire. Ils ont raison et, personnellement, je trouve plus passionnant de me confronter à eux en trouvant les bons arguments pour les convaincre que de négocier des emplacements publicitaires. En outre, je ne partage pas la vision pessimiste de la profession de journalistes qui est celle de beaucoup de mes confrères. L’art d’une bonne agence de relations avec la presse est de … savoir communiquer avec les journalistes !
La première erreur que commettent beaucoup de gens de notre profession et nos clients, c’est de considérer que les journalistes devraient être à notre écoute, donc à notre service alors que c’est l’inverse. C’est à nous d’être au service des journalistes, de leur apporter les informations – certes utiles pour nos clients et notre fonds de commerce – mais utiles également pour eux et leur public. Quand j’ai débuté ce métier, nous étions des services de presse. Service, presse : cela voulait bien dire que nous étions, avant tout, au service des médias, à leur disposition. Cette notion de service est essentielle.
C’est à nous de rendre clairs et exploitables les éléments que nous leur communiquons. Parmi les centaines de sollicitations auxquelles ils sont soumis quotidiennement, c’est à nous de susciter leur intérêt et de faciliter la compréhension d’un dossier et de les aider dans la préparation de leur enquête si nous avons réussi à les persuader. J’entends des confrères se plaindre du temps passé à appeler, rappeler, trouver finalement le bon interlocuteur dans la rédaction, expliquer, réexpliquer, convaincre et re-convaincre. C’est justement notre boulot !
La seconde importante erreur est d’abreuver les rédactions de nos proses en partant du principe qu’il y aura bien une bouteille jetée à l’eau qui sera récupérée par quelqu’un. A une époque où certaines agences se spécialisent dans l’envoi de communiqués par des robots informatiques, je préfère une approche personnalisée et qualitative à une approche quantitative impersonnelle. Mon client sera peut-être satisfait si je lui dis que j’ai envoyé 200 dossiers dans 140 journaux, 40 radios et 20 télés. Sauf que si je recherche l’efficacité, il est plus utile de cibler les dix journalistes des dix médias qui diffuseront à coup sûr mon dossier auprès d’un public qui se révèlera réceptif. La contrepartie, c’est que cela demande du temps et de l’investissement humain pour bien connaître les spécialistes et les chroniqueurs dans chaque rédaction. C’est ce que mon agence s’efforce de faire quotidiennement.
Alors, peut-on vraiment comprendre les journalistes ? Pour reprendre une célèbre formule, je ne prétends pas leur dire : « je vous ai compris ». J’avoue que je ne saisis pas toujours très bien comment une information n’intéresse aucun média un jour et que la même information les enflamme unanimement un autre jour. Les spécialistes parlent du syndrome d’emballement médiatique et de loi des séries. Les voies des seigneurs de l’actualité sont éminemment impénétrables !
Pour ma part, l’expérience m’a enseigné quelques principes que je m’évertue à respecter dans mon agence. Ce sont, en quelque sorte, mes dix commandements du bon communicant face à la corporation journalistique.
1/Ce n’est pas le journaliste qui a besoin de nous, c’est nous qui avons besoin de lui.
2/Le journaliste n’a pas de temps à perdre ; l’art de la persuasion est économe en paroles et en minutes.
3/Le journaliste est libre de ses choix, de reprendre ou de ne pas reprendre nos informations comme de les contester.
4/Les journalistes gagnent à être connus ; autrement dit, il faut réussir à créer des liens d’empathie sans chercher à « vendre » notre salade à tout prix.
5/Avant toute chose, il faut savoir qui est qui dans une rédaction, qui fait quoi, qui a fait quoi et – on se sait jamais – qui fera quoi dans un avenir proche.
6/Le journaliste a forcément raison même quand il nous dit non ; c’est que nous n’avons pas contacté le bon interlocuteur ou que notre dossier n’est pas bon.
7/On ne réclame un droit de réponse suite à un « mauvais » papier sauf en cas d’erreurs manifestes ou d’une volonté de nuire évidente.
8/On ne se plaint pas d’un journaliste directement auprès de sa hiérarchie ; c’est le plus sûr moyen de se faire des ennemis solides au sein d’une rédaction solidaire.
9/On ne doit jamais laisser un client intervenir directement auprès d’une rédaction – surtout sous le prétexte qu’il connait bien le patron du média.
10/Enfin, évidemment, un journaliste ne s’achète pas. Mais rien n’interdit de le louer !
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