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Paroles toxiques, paroles bienfaisantes, Michel Lacroix [1/2]

Comprendre l’éthique du langage : la meilleure arme du communicant, selon Parole toxiques, paroles bienfaisantes, de Michel Lacroix

Comprendre l’éthique du langage : la meilleure arme du communicant, selon Parole toxiques, paroles bienfaisantes, de Michel Lacroix

Comprendre l’éthique du langage : la meilleure arme du communicant…

En abordant la question du pouvoir des mots, et plus généralement de la mesure de l’impact émotionnel de nos paroles sur nos interlocuteurs, Michel Lacroix nous propose de remettre en cause nos habitudes langagières au cœur de nos métiers de communicants.

1111 Citations de Stratégie, Marketing, Communication, par Serge-Henri Saint-Michel

À travers son ouvrage Paroles toxiques, paroles bienfaisantes, Michel Lacroix nous invite à explorer ce monde bourdonnant d’interactions verbales. Le philosophe met notamment en avant l’idée qu’il souhaite extraire une morale de ce voyage au pays des mots et des phrases. Une morale de la parole. Une éthique du langage.

Le communicant peut alors s’intéresser à cette notion d’éthique du langage dans ses relations sociales et professionnelles, mais également au niveau des marques sur leurs cibles et focaliser sa communication sur ce qui rassure ou impact de manière bienfaisante le consommateur.

Dans cette réflexion, les termes “mots” et “paroles” sont utilisés sans distinction.

La fabrique de l’humain

La responsabilité de la parole

Selon Michel Lacroix, les philosophes ont trop souvent, dans le passé, envisagé les problèmes éthiques sous l’angle exclusif de l’action. Ils ont privilégié une conception « activiste » de la morale, qui fut en grande partie le résultat de l’influence exercée par Kant. « Que dois-je faire ? », s’interroge Kant. En liant la question morale et celle de l’action, Kant et ses successeurs ont imposé l’idée que la valeur morale d’un individu se mesure presque exclusivement par les actions concrètes qu’il accomplit. Ces questions ne couvrent cependant qu’une partie du champ de la morale. Nous ne sommes pas seulement des sujets agissants, nous sommes des sujets parlants.

Ceci révèle que dès l’instant qu’un individu s’exprime pour parler à son semblable, il porte une responsabilité. Il est responsable de l’impact psychologique de ses paroles. Sa responsabilité étant majeure ou mineure selon le retentissement de ses dires. Les travaux de l’école de Palo Alto sur la schizophrénie et de l’École de Francfort sur la personnalité autoritaire montrent d’ailleurs l’impact pathogène que peuvent avoir les relations intrafamiliales.

Le langage nous constitue aussi comme être humain…

Le langage n’est pas seulement la cause du bien et du mal fait à l’homme. Le langage nous constitue comme être humain.

Adoptez un livre

Les sophistes grecs, comme Gorgias ou Protagoras, voyaient le « logos comme l’outil privilégié dans l’anthropo-poïesis, la fabrique de l’humain. Plus simplement, ce n’est pas parce que nous sommes humains que nous parlons, nous sommes humains parce que nous parlons et parce qu’on nous parle. La parole est alors la clé de l’identité personnelle.

D’où le rôle relationnel du langage…

Le discours ne sert pas seulement à nommer des choses et des idées. Il sert aussi à rassembler des personnes, à créer des liens entre elles. Émile Benveniste disait qu’« il sert à vivre » et donc à vivre ensemble. Il existe ainsi un lien fondamental entre la communication et l’éthique, en raison du fait qu’elles partagent un lieu commun qui est la figure d’autrui.

La société tient par le fil des mots

La société n’est possible que par les mots

Le langage fabrique donc l’humain. Il façonne les comportements et la façon dont chaque individu perçoit le monde qui l’entoure. Mais qu’en est-il de la société ? Michel Lacroix nous le dit : « Les mots sont le ciment qui fait tenir la société ». Cette phrase résume très bien l’un des messages principaux que l’auteur veut nous faire passer. L’idée que la fonction relationnelle et psychologique du langage, longtemps mise de côté par les individus, est finalement l’une de ses premières missions. À l’image des salons du XVIIème siècle que Michel Lacroix prend en exemple dans son livre, la parole sert à créer des interactions entre les individus, à mettre en mots les actualités et les faits marquants.

En somme, le langage crée la société, puisque celle-ci ne peut exister que par les interactions sociales. C’est aussi la parole qui permet de mettre en lumière les synergies, ou encore les désaccords entre les différents protagonistes qui font la société.

Au sein de celle-ci, ce sont donc des mini-sociétés d’individus partageant les mêmes idées et les mêmes convictions qui vont se créer. Une multitude d’envies, d’appétences et de visions du monde vont ainsi émerger de ces microcosmes pour former une société à part entière. C’est finalement cela qui crée cet ensemble d’hommes, des individus évoluant dans le même milieu, fondamentalement différents les uns des autres, mais partageant des codes et des valeurs communes. Ces visions et opinions que les gens ont, ils vont également les mettre en mot, à leur tour, via les différents canaux d’expression qu’ils ont à leur disposition.

Le langage sert aussi à comprendre la société

C’est finalement de cette mise en mot de la société que naissent les insights, dont le planneur stratégique va se servir dans son quotidien. La manière dont les gens perçoivent une marque, dont ils en parlent, leurs besoins, ou leurs désirs sous-jacents, ne pourraient être perçus par le planneur stratégique sans le flot de paroles disponible sur les différents sujets. Le planneur stratégique se nourrit de la société, de faits réels, pour créer des concepts qui vont être intéressants. Sans la parole, comment comprendre cette société aux multiples facettes ?

Communautés et langage

Nous l’avons vu, le langage, par sa construction, va faire naître différentes sociétés que le planneur, le communicant, doit analyser et comprendre. La séparation d’une même société en plusieurs communautés rend le travail du planneur plus facile au départ. Il va lui-même pouvoir adapter sa stratégie, ainsi que son ton, aux différentes cibles qui s’apparentent à des communautés.

La valeur au cœur des mots

Le français, comme toute langue, s’est nourri et inspiré, au cours de l’Histoire, de multiples cultures. Cette langue s’est ainsi constituée une très large palette de nuances pour nommer, dire, expliquer, décrire. La société évolue ainsi avec son temps et demande parfois à la langue d’évoluer. Par l’éthique du langage, Michel Lacroix rappelle que c’est aussi par la langue que l’on se sent, individu ou communauté, respecté. Si c’est bien notre identité que les mots permettent de créer, alors de plus en plus, les communautés veulent se redéfinir différemment. Les mots n’ont plus le même sens, leurs valeurs et leur vérité sont différentes.

Le mot « femme », par exemple, ne signifie pas le même combat pour tous. Pour une féministe, le mot n’aura pas forcément la même puissance, ni les mêmes significations que pour une personne transgenre, ou encore pour un homme. Seulement, si les mots changent de sens selon les communautés, cela crée une rupture entre émetteur et récepteur d’un message. C’est le récepteur du message que l’on analyse pour connaître la portée des mots qu’il entend. Tout comme deux pays avec deux langues et deux cultures qui s’opposent, deux communautés parlant pourtant la même langue maternelle peuvent être en totale opposition.

Émergence de nouvelles éthiques de la parole

Cette démultiplication des communautés, possible par le langage, va donner davantage de fil à retordre au planneur. Ce dernier doit toutes les analyser, profiler ses cibles différemment et communiquer sans être offensant. Si certaines communautés n’arrivaient pas à se faire entendre il y a quelques années, ce n’est plus le cas maintenant. L’adoption d’outils et de services numériques performants et parmi eux les réseaux sociaux, ont permis de donner un pouvoir de parole à des communautés jusque-là ignorées. Levées de fonds, messages de soutien, pétitions… Aujourd’hui, il est possible de porter sa voix et de s’engager en ligne pour les causes qui nous sont chères.

C’est la raison pour laquelle le planneur semble marcher sur des œufs. L’éthique du langage n’a jamais semblé si nécessaire et en même temps si délicate que de nos jours.

La parole éthique au cœur de l’entreprise

Les enjeux pour la communication interne

Dès le début de son livre, Michel Lacroix rappelle l’importance des mots et du contexte – intonations, intentions – qui entourent chacun d’entre nous. L’auteur met aussi l’accent sur l’axe de son analyse, le discours à travers les conversations interpersonnelles et intimes. Rapidement, nous apprenons et comprenons l’importance des small talks. Les informations et discussions échangées ne sont alors pas essentielles, mais alimentent l’harmonie entre les individus.

C’est ici que tout le travail d’un responsable de communication interne se tient. Il doit être capable d’échanger les informations primordiales au bon fonctionnement de l’entreprise, tout en s’assurant du bien être de ses employés. Un rôle à mi-chemin entre la communication interne et les ressources humaines.

Depuis quelque temps, le bien-être au travail est au cœur des préoccupations. Dans ce contexte, une éthique du langage est primordiale pour assurer des échanges bienveillants, tolérants et positifs, pour ne reprendre que quelques règles que Michel Lacroix a cité. Dès l’instant qu’un individu s’exprime pour parler à son semblable, il porte une responsabilité. C’est ainsi un réel travail en interne d’articuler sa communication autour d’un climat de confiance et de prendre soin de chaque membre de l’entreprise.

Les enjeux pour la communication externe

En effet, toute bonne éthique du langage en interne est un préambule à une bonne communication externe.

Tout marketeur ou communicant doit prendre en compte le fait que la parole construit le « moi » et dans ce cas, il construit aussi l’image de marque de l’organisme. Les paroles doivent évidemment être accompagnées d’actes, car les consommateurs sont de plus en plus regardant quant à la provenance des produits, les engagements de l’entreprise. Le cogito de Descartes s’accompagne maintenant du discours « Je pense, donc j’agis ».

Sans oublier que le communicant doit danser sur une ligne fine qui sépare le washing – environnemental, social – des intentions et des engagements sincères de l’entreprise.

C’est ainsi qu’une stratégie de langage, un planning stratégique de l’expression, doit être programmé par l’équipe marketing. Une charte de langage va permettre de définir les traits de personnalité verbale d’une entreprise ou d’une marque qui incarne son discours.

Par ailleurs, en regardant de plus près le rôle du community manager, il ne s’agit pas simplement d’un intermédiaire entre les consommateurs et l’entreprise, mais d’une véritable représentation de la marque. Il doit donc prendre soin des mots qu’il utilise. Ceux-ci devront toujours être bienveillants, clairs et compréhensibles. L’empathie est donc le maître mot du community manager. Il canalise et valorise la créativité de la communauté et favorise son lien avec la marque elle-même.

Il était une fois… une marque

Les marques ressentent elles-mêmes le besoin de s’exprimer. Grâce au brand content, la marque peut se donner un coup de projecteur par le biais d’un storytelling et de la création d’un univers propre à elle, d’un modèle culturel, qui répond au besoin des consommateurs et facilite leur identification à cette marque. A travers le storytelling, ou la « communication narrative », la marque joue avec les mots et utilise le récit afin de raconter une histoire, faire passer une idée, un message ou une émotion positive. Chaque mot que la marque utilise aura plusieurs significations. Il arrive souvent que le consommateur se sente concerné par le discours de la marque et se reconnaisse même dedans. Ainsi, le choix des mots aura une influence sur la réaction des consommateurs. Ces derniers jouent donc un rôle déterminant dans la construction de la marque, ainsi que dans son évolution dans le temps.

Le langage façonne le comportement et chaque mot que la marque utilise va être imprégnée d’une multitude de significations. Le choix des mots va avoir une résonance et une influence sur la réaction des consommateurs. Ils jouent donc un rôle déterminant dans la construction de la marque, ainsi que dans son évolution dans le temps. L’abus de certains mots ou expressions peuvent créer des limites des mauvaises compréhensions, des règles qui finissent par l’emprisonner.

L’emploi d’un mot à la place d’un autre n’est donc jamais anodin. Les mots permettent d’affiner, de cibler exactement ce que l’on cherche à dire, de se faire comprendre de l’autre. Ils servent à communiquer avec justesse.

Le langage : communiquer pour maintenir le lien social

Le support essentiel de toute relation est le langage. En période de crise comme aujourd’hui, il devient encore plus crucial. Les mots peuvent se substituer en grande partie aux signes physiques de politesse ou de fraternité. Heureusement aujourd’hui, les technologies numériques associent la vidéo à la parole, comme vu récemment par le biais des webinaires, ou encore des visio conférences, qui permettent d’échanger et de garder un lien pour faciliter ce rapprochement virtuel.

Ces échanges interpersonnels amènent non seulement du réconfort et de la solidarité, mais autorisent également le recours à de nombreuses stratégies de résistance et de soutien dans ce contexte inédit.
Communiquer pour mettre en commun, être dans le partage et l’échange, pour toujours transmettre et éveiller des émotions autour des mots.

Auteurs : Iris Boucheron, Aurore Desperier, Antoine Gaudin, Anouche Lavigne, Julie Morard, Carole Quintard

Acheter Paroles toxiques, Paroles bienfaisantes, de Michel Lacroix, 2012

Lire une autre critique de Paroles toxiques, Paroles bienfaisantes, Michel Lacroix

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Lire notre dossier : Les auteurs du XXIe à dévorer cette année

Aller plus loin…

  • Marketing Professionnel – Comment continuer à communiquer avec un ton éthique
  • 20 Minutes – Les marques n’ont plus le choix d’ignorer les mouvements sociaux : https://www.20minutes.fr/societe/2869571-20200924-uncle-ben-change-nom-marques-plus-choix-ignorer-mouvements-sociaux
  • Universalis – L’École de Palo Alto :
    https://www.universalis.fr/encyclopedie/ecole-de-palo-alto/#:~:text=L’%C3%A9cole%20dite%20de%20Palo,europ%C3%A9enne%2C%20par%20une%20relative%20indiff%C3%A9rence
  • Wikipédia – La personnalité autoritaire :
    https://fr.wikipedia.org/wiki/Personnalit%C3%A9_autoritaire#:~:text=La%20personnalit%C3%A9%20autoritaire%20est%20une,Adorno
  • Les Echos Entreprendre – La force de la solidarité sur les réseaux sociaux : https://business.lesechos.fr/entrepreneurs/partenaires/facebook/partenaire-1677-la-force-de-la-solidarite-sur-les-reseaux-sociaux-322239.php
  • Stratégies – Le langage, capital stratégique de l’entreprise : https://www.strategies.fr/blogs-opinions/tribunes/229845W/le-langage-capital-strategique-de-l-entreprise.html


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