Christophe Dejours explore l’impact du travail sur le mental des travailleurs en mettant en avant de nouvelles méthodes managériales. Une analyse poignante !
Dans L’Établi, le sociologue français Robert Linhart révèle un fait : « Le premier jour d’usine est terrifiant […] L’insulte et l’usure de la chaîne, tous l’éprouvent avec violence ». Nous allons voir que Dejours partage cette idée dans son ouvrage en explorant les conditions professionnelles qui influencent la santé mentale et façonnent l’identité. En utilisant des exemples tels que le travail en usine, le Taylorisme ou même l’aviation de chasse, il met en lumière les dangers de l’usure mentale et les risques de burn-out et de harcèlement moral. En exposant les transformations historiques du travail, l’auteur souligne les pressions qui pèsent sur les travailleurs et l’importance de concilier les attentes de l’entreprise avec les besoins individuels pour préserver le bien-être mental. N’hésitez pas à vous plonger dans cette œuvre où chaque page évoque l’enchevêtrement entre l’homme et les défis psychologiques auxquels il est confronté au travail ! Une grande souffrance !
Bien que cet ouvrage ne traite pas directement de marketing, de communication ou de planning stratégique, nous allons analyser comment les idées de l’auteur peuvent s’exprimer dans ces professions.
L’usure mentale, un véritable challenge !
Les marketeurs, communicants et planneurs stratégiques sont confrontés à l’usure mentale. Dejours souligne que les pressions professionnelles peuvent impacter la psychologie des travailleurs affectant leur créativité, productivité et bien-être. Les délais serrés, les exigences élevées de ces domaines génèrent un stress constant, menant parfois à l’épuisement psychologique, la souffrance ou la peur. Il faut éviter que « l’ouvrier devienne l’artisan de sa propre souffrance » (Dejours, 2015, p.88). En identifiant les facteurs contribuant à cette détérioration (organisation du travail, relations professionnelles, pressions hiérarchiques), Dejours insiste sur l’importance de comprendre ces dynamiques pour favoriser des environnements de travail sains.
Exceller dans le milieu professionnel, est maîtriser certaines postures essentielles !
Les postures sociales ou managériales sont essentielles pour cultiver un environnement de travail harmonieux et productif. L’empathie, tout d’abord, revêt une importance primordiale. Comprendre et répondre aux besoins des parties prenantes, qu’elles soient internes ou externes (telles que les clients, les investisseurs), est crucial pour établir des relations solides et durables. La collaboration ensuite, favorise le travail d’équipe et la communication interdépartementale, permettant ainsi d’atteindre efficacement les objectifs organisationnels. La reconnaissance des employés constitue également un pilier fondamental. Valoriser leurs compétences et contributions (gratitude pour le travail fourni, partage ouvert, ressources de soutien) renforce leur engagement et leur motivation, créant ainsi un climat propice à la réussite collective. La posture proactive, quant à elle, consiste à anticiper les besoins des employés et des clients, tout en restant à l’affût des évolutions du marché. En prenant des mesures préventives, l’entreprise peut prévenir les risques psychosociaux et se positionner en tant que leader innovant. L’écoute active est également cruciale. Être attentif aux retours des employés et des clients permet d’améliorer continuellement les produits et les processus. Enfin, la transparence est un principe fondamental. Cultiver un environnement ouvert et honnête en partageant les informations pertinentes avec toutes les parties prenantes renforce la confiance et favorise une collaboration fructueuse. Ainsi les entreprises peuvent promouvoir le bien-être de leurs employés, mais aussi renforcer leur compétitivité sur le marché.
Les postures organisationnelles jouent un rôle crucial dans la promotion du bien-être au travail. La flexibilité des horaires offre aux employés la possibilité de gérer leur emploi du temps de manière adaptée, réduisant ainsi le stress lié à la conciliation entre vie professionnelle et personnelle (horaires ajustables, télétravail). Encourager les temps de décompression est également essentiel, permettant aux salariés de prendre des congés pour une récupération adéquate et favorisant ainsi leur santé mentale. Équilibrer la charge de travail est une autre mesure importante, veiller à ce que les tâches soient réalisables et ajuster les priorités pour éviter le stress excessif (réaffectation des tâches, délégation des responsabilités ou réaménagement des échéances). Enfin, la formation à la gestion du stress offre aux employés des outils pour faire face aux défis professionnels et personnels, favorisant un environnement de soutien et d’empathie.
Les postures individuelles sont adoptées par les employés pour faire face au stress et à la pression au travail. Dejours met en avant ces mécanismes de défense psychologique à savoir « les idéologies défensives » (Dejours, 2015, p. 65). Certains optent pour des mécanismes de défense, dans la communication produit : lorsque certains produits ou services ont des retours ou critiques négatifs, les équipes de communication de la marque peuvent chercher à minimiser le problème ce qui peut affecter la communication ouverte et transparente. D’autres adoptent une posture de repli en période de crise, se déconnectant et se désengageant pour se préserver mentalement. La posture de fuite consiste à éviter la communication directe avec le public en cas de crise, entraînant une perte de confiance et une perception négative. Face à des défis répétés, voire des échecs, certains adoptent une posture d’abandon, renonçant à certains objectifs et impactant leur motivation et créativité. Il s’agit d’une sorte de désengagement.
D’autres postures visent à performer dans un environnement professionnel. La posture d’attaque, par exemple dans le domaine de la communication digitale, consiste à répondre de manière agressive aux critiques en ligne, augmentant ainsi l’agressivité et la confrontation. Les équipes des médias sociaux peuvent aussi adopter cette posture d’attaque pour défendre leur marque : la réputation, l’image de celle-ci. Le surinvestissement, où les employés donnent beaucoup d’eux-mêmes pour le développement et la promotion d’un produit ou d’une campagne, peut conduire à l’épuisement psychologique, surtout dans le domaine du marketing. Enfin, la posture de sacrifice, mettant de côté ses propres besoins au profit du travail, peut entraîner un stress élevé et des problèmes de santé mentale, en particulier dans la communication corporate.
Éclairages et remèdes : des solutions inédites
L’auteur propose des solutions pour atténuer l’usure mentale au travail : des changements organisationnels, des approches managériales novatrices et des initiatives axées sur le bien-être des employés. Dans la communication d’entreprise, le marketing, on peut suggérer aux marketeurs d’affiner leurs stratégies pour minimiser l’impact de l’usure mentale sur la créativité et l’innovation. Adopter des approches empathiques et créer des environnements propices à la santé mentale sont soulignés comme essentiels. Il faut développer le bien-être au travail, les échanges ouverts, la construction de la gestion du stress, afin d’obtenir des environnements de travail plus équilibrés. Il faut lutter contre l’anxiété au travail qui peut entraver la créativité, l’innovation, la performance, la prise de décisions. En comprenant l’usure mentale, les entreprises peuvent promouvoir une culture valorisant la santé mentale, les dialogues libres, et favoriser l’équilibre entre carrière et sphère intime. Pour les planneurs stratégiques, comprendre les effets du travail sur les employés peut permettre de concevoir des messages plus pertinents, et ainsi mieux gérer l’image de la marque en recommandant, par exemple, des initiatives de Responsabilité Sociale d’Entreprise (RSE).
L’ouvrage met ainsi l’accent sur la création de stratégies de communication empathiques et humaines, tout en aidant à comprendre les besoins et préoccupations des publics cibles.
Travail : usure mentale propose différentes postures visant à favoriser des relations positives avec les employés, les clients et les parties prenantes, tout en encourageant un environnement de travail sain. Cet ouvrage offre une perspective précieuse aux marketeurs, communicateurs et planificateurs stratégiques en les sensibilisant aux enjeux humains, organisationnels et éthiques du travail. Il les encourage à adopter une approche humaine, éthique et innovante dans leur pratique professionnelle.
Une odyssée intense de la psychologie professionnelle
Parvenus à terme de l’ouvrage, une évidence s’impose : cet essai est une pépite incontournable pour les professionnels aspirant à concilier succès professionnel et confort, dans un monde du travail en constante mutation. Il offre des perspectives riches pour les communicants et planneurs stratégiques, avides de comprendre les interactions entre l’épanouissement professionnel et la santé mentale. L’auteur examine les liens entre pression, épuisement mental et leur impact sur la santé mentale comme l’a si bien dit l’écrivain suisse Henri-Frédéric Amiel : « L’usure du travail n’est pas moins lente que celle du temps ; elle en use seulement plus sûrement ». Soulignant le rôle crucial de l’entreprise dans le bien-être des employés à travers ses choix organisationnels et managériaux, il met en lumière les mécanismes de défense des employés face à la détresse, tout en proposant des solutions pratiques pour l’atténuer. La reconnaissance, le soutien social et l’autonomie sont soulignés comme étant essentiels à la promotion du bonheur au travail. L’un des atouts majeurs de l’auteur est la clarté de son argumentation : pas de jargon compliqué, un langage accessible. Ses exemples concrets, du monde professionnel, facilitent la compréhension. Toutefois, l’ouvrage ne bénéficie pas de beaucoup d’exemples réels pour étayer les positions de l’auteur. Certains lecteurs pourraient aussi trouver les explications un peu théoriques, pas assez pratiques et pourraient souhaiter des explications plus pragmatiques. Nous avons été fortement marquées, en tant que lectrices, par la façon dont l’auteur affirme l’urgence d’une prise de conscience autour de la santé mentale au travail. Les professionnels du marketing, de la communication et de la planification stratégique trouveront dans ces pages des enseignements précieux sur la gestion du stress, la préservation de la santé mentale, et l’impératif d’un environnement de travail favorable, plus sain et propice à l’épanouissement professionnel. Immergez-vous dans cet ouvrage pour une introspection poussée des clés du succès professionnel et de la bienveillance envers soi-même !
Auteures : Clémence Crochu, Maud Dorlot, Laure Graux, Carla Jourdain, Marine Manach, Lorie Munoz
Acheter Travail : usure mentale, de Christophe Dejours, Editions Bayard, 2015
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