Selon une enquête Ipsos-Macif, quand ils pensent à « hier », les Français expriment leur très fort attachement à la libéralisation de la contraception mais aussi au SMIC. Ils voient les années 1970 comme un tournant déterminant dans la constitution du modèle social. En effet, 52% des personnes interrogées, et même 60% des femmes désignent la libéralisation de la contraception qui a débouché sur la loi Veil de 1975 comme l’innovation sociale la plus importante que la société française ait connue au cours des 50 dernières années. Autre mesure emblématique des années 1970, l’instauration du SMIC arrive en seconde position (39%). La forte préoccupation des Français en matière de santé transparaît dans cette hiérarchie, l’instauration de la Couverture maladie universelle (C.M.U) occupant la troisième place (36%).
L’idée selon laquelle les années 1970 seraient la pierre angulaire du modèle social hexagonal semble partagée par toutes les générations de Français, la hiérarchie n’évoluant pas avec l’âge des répondants. Les autres mesures apparaissent en net retrait, qu’il s’agisse de la mise en place des 35 heures (18%), de l’obligation annuelle de négocier dans l’entreprise sur les salaires, la durée et l’organisation du travail (17%) ou de l’instauration du PACS (8%). Le fait que les mesures les plus sociales fassent l’objet d’un attachement bien moindre que le SMIC ou la C.M.U, qui incarnent une forme de sécurité plancher et de rempart contre la précarité, est certainement symptomatique de la situation économique actuelle.
Avec la crise économique, le chômage, la hausse des prix et l’exclusion sont des sujets d’inquiétude
Invités à désigner ce qui les préoccupent à l’heure actuelle, les Français citent en effet le plus souvent le chômage (49%), la hausse des prix (45%), la pauvreté et de l’exclusion (39%). L’insécurité (28%), les problèmes d’éducation (28%) et la pollution (26%) viennent ensuite, tandis que la vieillesse et la dépendance (21%) et les problèmes d’accès au logement (15%) arrivent en retrait. La place qu’occupe la hausse des prix au sein de ce classement est révélatrice de la crainte de nombreux Français de voir les prix partir à la hausse, et grever leur pouvoir.
La hiérarchie des préoccupations évolue sensiblement avec l’âge des répondants. Les 15-19 ans, dont on sait qu’ils sont particulièrement sensibles aux questions environnementales, placent la pollution au troisième rang de leurs préoccupations (38%, contre 26% des Français en moyenne), derrière le chômage et la hausse des prix. On remarque également un niveau de préoccupation plus élevé que la moyenne (28%) à propos des problèmes d’éducation chez les 25-34 ans (35%) et les 35-44 ans (38%), des âges souvent marqués par l’arrivée d’enfants au sein du foyer. Les 60-69 ans (36%) et les plus de 70 ans (34%) sont logiquement davantage concernés par la vieillesse et la dépendance.
L’avenir du modèle social français suscite des craintes
Lorsqu’ils se projettent vers l’avenir, et réfléchissent aux principaux défis que devra selon eux relever la société française dans les prochaines années, les Français se montrent très inquiets pour la pérennité de leur modèle social. Ainsi, 49% d’entre eux citent la sauvegarde du système de retraites, et 40% la sauvegarde du système de santé (40%). Les autres sujets – la réduction durable du chômage (28%), la prise en charge des personnes âgées et dépendantes (26%), le développement de modes de consommation et de transport plus respectueux de la planète (25%) – apparaissent en retrait. L’accès au logement ferme la marche (13%). Le fait que le sujet des retraites soit actuellement au cœur de l’actualité (réforme du système, manifestations de retraités demandant une hausse du montant des pensions) explique très certainement cette première place. D’une importance capitale, ce sujet est particulièrement anxiogène pour les Français, comme le soulignait en début d’année l’étude réalisée par Ipsos pour Direct Assurance, selon laquelle 90% des Français estiment justifiée l’inquiétude suscitée par l’évolution du montant des retraites dans les années à venir.
La société française vue par elle-même : un regard bienveillant sur les aînés, plus critique envers les jeunes
Pour la plupart des Français, les générations qui les ont précédés semblent être des exemples à suivre. Première vertu attribuée aux personnes plus âgées : la responsabilité (77% de citations), devant la générosité et la solidarité (73%, et jusqu’à 81% de citations chez les jeunes actifs, dans la tranche 35-44 ans). On souligne encore Près de sept Français sur dix (67%) soulignent l’engagement des générations qui les ont précédés (67%) et la tolérance des générations antérieures (61%).
Les Français jugent en revanche beaucoup plus durement les générations qui leur succèdent et, contre toute attente, ce sont les personnes les plus jeunes, à savoir celles âgées de moins de 35 ans, qui se montrent les plus critiques. La tolérance est la seule qualité reconnue par une courte majorité de Français aux personnes plus jeunes qu’eux (53%). Concernant la solidarité, l’engagement et la générosité dont font preuve les jeunes générations, le rapport de force est relativement équilibré même si les opinions défavorables sont majoritaires (50%). Les avis sont plus tranchés sur les questions de responsabilité : 61% des Français pensent en effet que les jeunes générations n’en font guère preuve. Un fossé générationnel semble d’ailleurs se creuser sur cette question, puisque si 40% des plus de 35 ans jugent les jeunes « responsables », ce n’est le cas que de 29% des moins de 35 ans, 26% chez les 25-34 ans.
La solidarité est-elle en danger ?
Compte tenu du regard critique porté sur les jeunes générations et aux craintes entourant la pérennité du modèle social français – dont le système de retraites par répartition est l’un des symboles- il est peu surprenant de constater que pour une majorité de Français, une valeur telle que la solidarité semble en péril. Pour 45% des personnes interrogées, la société française va devenir de moins en moins solidaire dans les années à venir, 30% pensent qu’elle ne sera ni plus ni moins solidaire que celle d’aujourd’hui, et seuls 22% parient sur un regain de solidarité. Les 15-19 ans mis à part, toutes les tranches d’âge partagent cette opinion pour le moins pessimiste.