Les années 2000 ont été le témoin d’une tendance forte : la montée des pratiques éphémères. Nos vies sont de plus en plus rythmées par des choix et des engagements qui ne sont plus nécessairement ancrés dans la durée. Ce phénomène de société touche aussi bien notre rapport au temps que nos relations sociales ou encore à notre façon de consommer. Reprise d’une très intéressante étude Ipsos.
No future ?
La dernière décennie a vu grandir toute une génération de jeunes adultes pour laquelle il est devenu de plus en plus difficile de se projeter dans le futur. En décembre 2009, 75% des Français âgés de moins de 30 ans se disaient inquiets par rapport au futur en général. Un futur obscurci tout au long des années 2000 par les menaces terroristes et les catastrophes d’ordre sanitaire ou écologique et, plus récemment, par la crise économique. De l’incapacité à imaginer l’avenir est née la tendance à surinvestir le présent. Il faut ajouter à cela le facteur technologique qui pèse sensiblement sur ce rapport au temps changeant. Première génération digitale, ces jeunes adultes sont en effet les premiers à avoir été habitués à réagir immédiatement aux flux incessants de leur actualité professionnelle et privée, du fait de la banalisation des emails, téléphones portables, messageries instantanées et autres espaces de discussions « live ».
Une culture de la mise à jour permanente
Aux préoccupations de moyen et long terme se substitue peu à peu un quotidien vécu comme une succession d’instants et de moments. « Si tu n’es pas disponible, tu disparais » rappelait un jeune trendsetter interrogé dans le cadre de l’observatoire des tendances Trend Observer de Ipsos. Ainsi, exister, c’est faire acte de présence, c’est être réactif à l’actualité. Une actualité qui bat au rythme d’informations se périmant d’autant plus vite que les outils de mise à jour deviennent rapides, simples d’utilisation et populaires. Sur le site de microblogging Twitter, il « tombe » plusieurs dizaines de milliers de messages par minute. « Aussitôt fait, aussitôt dit ! » semble être la devise des utilisateurs des réseaux sociaux. Sur Facebook, dont le nombre d’utilisateurs est estimé à 15 millions en France, actualiser son statut est devenue une activité à part entière : même les informations personnelles sont soumises à des temps de validité de plus en plus courts. Le succès des activités en réseaux favorise une relation au temps de plus en plus fragmentée ; il est aussi un signe de la progression de l’éphémère dans les relations sociales.
La montée des communautés éphémères
Réseau et flashmobs
Le réseau, c’est pour ainsi dire l’inverse du groupe qui implique traditionnellement des engagements contraignants et durables. Aujourd’hui, on peut accepter ou supprimer un « ami » de son réseau d’un seul clic ! Les pratiques de networking permettent en effet de se lier plus facilement sans pour autant s’engager sur le long terme. C’est le triomphe de la communauté éphémère, c’est-à-dire des liens sociaux de courte durée. De fait, les actions collectives, dont l’organisation est facilitée par la diffusion rapide de l’information via les réseaux, fonctionnent de plus en plus à coups de « flashmobs » : par plaisir, acte citoyen ou encore par intérêt financier ! En juin dernier, des communautés éphémères se sont constituées à travers le monde entier pour rendre hommage à Michael Jackson.
Mutualisation et partage
Autre type d’initiative : la mutualisation des coûts de réalisation d’un projet. Le site Spot.us, par exemple, propose de financer des reportages sur des sujets que l’on souhaiterait voir traiter de manière approfondie dans les médias. Emergent également des pratiques d’achats groupés, sortes de communautés éphémères de smart shoppers. Mais si les consommateurs, par des rassemblements éclairs, s’essaient au rapport de force avec les marques, celles-ci jouent aussi la carte de l’éphémère pour les tenir en haleine.
La recette de l’inédit à durée déterminée
Dans le secteur de la mode, les cadences de renouvellement des collections ne cessent de s’accélérer et les partenariats de courte durée avec les créateurs de renom sont devenus chose courante. De manière générale, les dernières années ont vu fleurir les actions commerciales et marketing fondées sur le court terme, où la date de fin de disponibilité d’un produit ou d’un service est annoncée au moment même de son lancement. De nombreuses marques et enseignes se sont emparées du phénomène en multipliant les pop up store, une pratique de distribution jusqu’alors plutôt cantonnée aux secteurs de la mode et du luxe. Toys’R’Us a ainsi ouvert 300 magasins éphémères au moment des fêtes de noël de 2009.
La prolifération des expériences et produits rares dans un monde d’abondance suffira-t-elle à redynamiser la consommation ?
En savoir plus : lise.brunet AT ipsos.com