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Nutella, une success story paradoxale

Nutella fait craquer les chocophiles… et surtout les français, premiers consommateurs mondiaux. Pourtant derrière cette méthode gagnante, se cache moult paradoxes. Décryptage des éléments du mix.

Nutella, une success story paradoxale

Nutella, une success story paradoxale

Aux quatre coins du monde, le célèbre pot de pâte à tartiner n’en finit pas de faire craquer les chocophiles… et surtout les français, premiers consommateurs mondiaux. Pourtant derrière cette méthode gagnante, se cache moult paradoxes. Décryptage des éléments du mix.

1111 Citations de Stratégie, Marketing, Communication, par Serge-Henri Saint-Michel

8h – petit déjeuner. Sur la table, un pot de Nutella vous fait de l’œil. Avec sa fleur de genêt qui n’a pas changé depuis des années, vous imaginez une entreprise un peu old school ? Pourtant, Nutella est le fleuron de l’entreprise familiale : 1ère marque de Ferrero, elle a défié la crise, terminant insolemment 2009 avec un chiffre d’affaires de 250M€.

Les français accros au Nutella

Ou plutôt à « la Nutella » comme on dit en interne. Créée en 1949 en Italie, la marque débarque en France en 1961. D’abord nommée « La Tartinoise », elle adopte vite un nom à consonance internationale (Nut’ella). Un demi-siècle plus tard, les français en sont accros : l’an dernier, une personne sur deux a mangé du Nutella. Avec 100 millions de pots consommés en 2008, nos compatriotes en sont les premiers consommateurs mondiaux. Chaque jour, 1 million de pots sortent de l’usine de Villers-Ecalles, près de Rouen… soit 1/3 des volumes vendus dans le monde. Alors, comment nous ont-ils rendus « addict » ?

Nutella : la mainmise sur les meilleurs ingrédients

Nutella : mainmise sur le sourcing des noisettes

Nutella : mainmise sur le sourcing des noisettes

Coté produit d’abord, le contrôle est drastique : grâce à la filiale d’achat de matières premières (Ferrero Trading), chaque ingrédient de Nutella est sélectionné parmi un panel mondial. Par exemple, l’entreprise est le premier acheteur de noisettes de la planète. Jean-Michel Ollivier, le directeur industriel de Villers-Ecalles expliquait récemment « Nous achetons beaucoup plus de noisettes que nous n’en avons besoin pour faire notre sélection. Nous revendons celles qui ne nous conviennent pas ». Majoritairement importées de Turquie (1er pays producteur mondial), elles sont sélectionnées selon deux critères : leur saveur fruitée exceptionnelle, et leur gros calibre. Cette technique assure la mainmise sur le sourcing, confère une position de force en négociation… et permet d’écraser la concurrence en terme de qualité produit.

Jusqu’où ira la promo ?

Autre atout de Nutella, et pas des moindres : sa force de vente, une des plus grosses de France. Avec ses 400 commerciaux, la marque est omniprésente en GMS et bénéficie d’une forte exposition en linéaire. Cependant, pour faire face à la crise, Nutella a choisi d’accroître considérablement son agressivité commerciale et de sacrifier une partie des marges : en 2009, près de 40% des pots ont été vendus en promo ! On peut se demander quand s’arrêtera cette inflation promotionnelle, qui à terme, risque de pénaliser le mix de la marque.

En hors-domicile aussi, Nutella balise le terrain. Envie d’une crêpe à dans la rue ? Elle est au Nutella. Petit déjeuner à l’hôtel lors d’un séminaire d’entreprise ? Encore du Nutella en barquette de 20g « spéciale restauration ». Pour preuve, les équipes observent avec satisfaction leurs challengers se casser les dents depuis des années. Il y a eu Poulain dans les années 1990. Actuellement, Lotus Bakeries tente une percée sur le marché avec sa pâte à tartiner au spéculoos, à la cannelle et la cassonade. Déjà lancée chez Carrefour, Système U, Géant, c’est un sacré challenge : alors que Nutella a fini 2009 avec 87% de part de marché, les barrières à l’entrée ne sont-elles pas trop élevées pour un nouvel intervenant ? Un tel monopole ne tue-t-il pas directement la concurrence dans l’œuf ?

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Des acheteurs adultes, mais une pub TV pour les enfants

En communication aussi, Nutella déploie les grands moyens : en 2008, son budget média frisait les 30M€. Avec son spot TV « il en faut de l’énergie pour être un enfant », la marque reste ancrée sur son cœur de cible affiché : les enfants.

L’objectif est clair : à travers ces bambins sportifs, en pleine santé, Nutella tente de se positionner comme ingrédient essentiel d’un petit déjeuner équilibré. La marque a délibérément mis au placard ses autres consommateurs : les jeunes adultes, bien réels pourtant, qui dévorent le pot affalés sur un canapé ou en regardant un DVD. Selon le bloggeur Sébastien Durand, Nutella fait partie de ces « marques doudous ». Une marque qui rappelle l’enfance, et fonctionne d’autant mieux en temps de crise quand le quotidien est difficile… Nutella est pourtant plus proche de l’instant cocooning que du petit déjeuner équilibré. Il semble bien que ce sont ces mêmes adultes qui ont permis à la marque de traverser la crise la tête haute (avec un CA à +6% en 2008). Et quand on demande aux équipes Marketing quelle part ils représentent dans la croissance, le silence se fait…. Et en dit long.

Enfin, le spot TV axé sur le sport est un véritable grand-écart idéologique pour un produit qui a tout d’une bombe calorique. Le tout en plein débat sur l’obésité, alors qu’aujourd’hui en France, 14% des adultes et 4% des enfants sont obèses. La maladie a d’ailleurs doublé depuis 20 ans. Il fallait oser.

Omerta à l’intérieur, expression libre à l’extérieur

Dès qu’il s’agit de prendre la parole dans les médias, Nutella est discret, très discret… quasiment phobique. Héritage d’un groupe familial ou excessive volonté de contrôle ?

Pourtant, la marque bénéficie d’un capital sympathie phénoménal. Sur internet, elle est adulée par ses acheteurs. On ne compte plus les blogs où les adeptes se regroupent, postent des photos, inventent des citations autour du célèbre pot. Sans oublier Facebook : signe fort d’une marque émotionnelle, ce sont les fans qui sont à l’origine des groupes dédiés à Nutella. Comme par exemple, la page « Fan de Nutella » qui compte 3,6 millions d’adeptes! Et la tendance continue, avec le récent groupe « qui racle le fond du pot de Nutella le matin » sur Facebook. Une prise de parole tout bénéf pour la marque, qui, ultra contrôlée sur les autres canaux, retrouve un brin de spontanéité au fil des blogs et des sites participatifs. Sur Youtube, les mini-vidéos virent parfois au trash, mais qu’importe… ne dit-on pas « qui aime bien châtie bien » ?

Pas sûr que les responsables Ferrero partagent cette idée.

Auteur : Sophie Baqué – rnd.sbaque AT gmail.com

3 commentaires

3 Comments

  1. jean

    28 avril 2010 à 8:59

    Cette typologie de marque « doudou » me fait également penser à Kinder qui avait franchi le pas, il y a quelques années, de parler aux adultes.

  2. Serge-Henri Saint-Michel

    28 avril 2010 à 9:47

    Et même de BN (cf. la mère qui va à l’école, sacoche sur le dos 😉 !

  3. Pierre

    20 mai 2010 à 19:56

    Une autre marque ce démarque avec cette même image de « doudou », les confiture « Bonne Maman ». C’est tout simplement « la nutella » des confitures.

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