L’identité sonore de la SNCF est sans doute la plus marquante et la plus intéressante dans le paysage des musiques de marques en France. La question est de savoir pourquoi l’entreprise ferroviaire a réussi à ce point là où beaucoup ont du mal à émerger.
Témoignage vu de l’intérieur par l’agence Sixième Son qui a réalisé le design sonore du transporteur.
L’identité sonore, partie prenante de la réflexion et du travail sur l’identité à la SNCF


Michaël Boumendil, Président de Sixième Son : « Ne pas raisonner simplement musique mais bien identité »
L’identité sonore de la SNCF a été créée comme un outil de marque au même titre que les autres dont dispose l’entreprise. Au moment d’engager sa réflexion sur la nouvelle identité de la SNCF, en 2005, Bernard Emsellem, le Directeur de la Communication, réunit les meilleurs experts susceptibles, selon lui, d’aider l’entreprise à se réinventer avec efficacité et sans se renier. Il choisit TBWA pour la publicité, Carré Noir pour le design graphique et Sixième Son pour le design sonore. En soi, cette démarche porte déjà en elle quelques éléments singuliers : pas de sous-traitance entre ses acteurs mais du travail en commun. En introduisant le spécialiste du design musical au même titre que les autres agences, il imprime sa vision que le son peut jouer un rôle stratégique au service de la marque. La suite lui donnera bigrement raison.
Sur les rails de l’identité sonore par la formation
La collaboration entre Sixième Son et la SNCF débute par une sorte de formation par laquelle Sixième Son expose à son client les facteurs clés de succès de l’identité sonore. En 2005, Sixième Son a dix années d’expérience pionnière et doit partager son savoir-faire pour amener ses clients à se poser les bonnes questions. L’enjeu de cette formation tient en quelques mots. Les responsables de la SNCF doivent apprendre à ne pas raisonner simplement musique mais bien identité avec ce que cela comporte de fonction et d’émotions.
Un benchmark international
Les présentations entre les agences en présence s’enchaînent et les éléments prennent forme. En ayant laissé chaque agence échanger avec les autres mais être maître de son destin, la SNCF constate déjà que le travail paie. Notamment dans le son. Sixième Son engage un benchmark international dont la conclusion porte sur la meilleure façon pour la SNCF de prendre de l’avance, grâce au design musical, sur ses concurrents ferroviaires à l’international mais également dans le paysage des grandes marques en France.
Sixième Son propose d’inventer un nouveau vocabulaire pour le transport en quittant les codes habituels des carillons et en engageant la marque dans un univers plus riche, plus émotionnel et plus incarné. Une fois les convictions partagées et les grandes directions définies, la recherche créative s’engage.
Premières pistes d’identité sonore remises au client…


Laurence Béhar, Directrice de la Marque et du Design SNCF : « Provoquer une rupture profonde et une invention des codes »
Olivier Reinsbach, Directeur de la Communication Externe et Laurence Béhar, Directrice de la Marque et du Design, servent de testeurs pour les écoutes organisées par l’agence.
L’agence conçoit tout d’abord cinq projets sur lesquels travaillent ensemble près de sept créateurs sous la houlette de Michaël Boumendil, qui crée avec son équipe et pilote la création de l’agence. Deux projets assez différents se détachent. Le choix entre les deux semble difficile. Une, deux, trois réunions n’y feront rien. Chaque projet a ses fans mais les deux projets suscitent l’enthousiasme.
A la première écoute, Bernard Emsellem doute : « formidable, mais impossible ».
Quelque chose le taquine. « J’ai peur que ça ne ressemble à rien ». Silence de mort dans la salle. « A rien qui ait été déjà fait, c’est ça qui me trouble mais c’est ça qui est intéressant ». Silence.
Deux projets se distinguent. Ils seront tous deux mis en situation
Laurence Béhar porte le projet avec conviction. Elle est persuadée qu’il faut tenir bon, ne pas chercher le consensus et suivre l’intuition de Sixième Son d’une rupture profonde et d’invention des codes.. Bernard Emsellem demande à prendre du recul. Il demande à Sixième Son de poursuivre le travail sur les deux projets et de les mettre en situation.
Michaël Boumendil et une bonne partie de l’équipe passent des jours – et deux nuits – sur les projets.
Quinze jours après, Bernard Emsellem choisit. « Surtout pas de test sur l’identité sonore. C’est trop innovant, trop innatendu, les projets vont se faire détruire. Donc on assume et on fonce ». Bernard Emsellem s’engage. Il prend le projet 1. « Formidable ». Il faut désormais aller vite.
Premières applications pour le projet retenu
Il faut un mois à Sixième Son pour finaliser le projet et engager la réalisation des premières applications : adaptation TV, adaptation radio, adaptation en téléphonie et événementiel.
Le sonal entre en gare
Le défi suivant est de taille : le sonal en gare. Ces quelques notes que l’on entend avant les messages représentent un challenge colossal de conception, dont tout le monde comprend qu’il peut facilement tourner au casse-tête. Il y a dans ce travail un vrai enjeu d’image, un enjeu d’information, un enjeu acoustique dans des espaces pollués par le bruit des machines, le bruit des gens, la réverbération des espaces souvent mal servis par des systèmes de sonorisation très disparates et souvent obsolètes. De plus, impossible de faire ses tests au grand jour à la fois pour des questions de confidentialité et de confort des voyageurs. On choisit des horaires spécifiques, des quais éloignés. Sixième Son organise des crash tests et des mises en situation dans des conditions extrêmes.
Assez rapidement, le petit groupe de travail se rend compte que c’est là que la différence va se faire. Aucun sonal n’a jamais ressemblé à ça. Les pré-test technique permettent aux responsables de la SNCF de mesurer le saut qu’ils s’apprêtent à opérer. « On gagne en perception de service, on gagne en humanité, mais les gens vont trouver ça vraiment bizarre au début ». La prédiction de Laurence Béhar s’avèrera juste.
Lancement : Andante !
Mars 2005. C’est l’heure du lancement. Sixième Son a eu une quinzaine de jours depuis la mise au point du sonal pour développer de nouvelles applications particulièrement dédiées à la communication interne. Le film de lancement, très spectaculaire, porte une musique qui l’est davantage encore.
Quand Louis Gallois appuie sur le bouton qui lance la nouvelle identité visuelle, la nouvelle identité sonore et la nouvelle signature publicitaire, l’équipe de Communication de la SNCF retient son souffle. Le film de lancement et la musique font leur travail. L’émotion emporte les quelques 3 000 collaborateurs de la SNCF présents pour l’occasion. La nouvelle ère de la SNCF s’ouvre sous de bonne auspices. Le film est acclamé. La musique fait déjà parler d’elle.
Aujourd’hui encore, elle reste une référence inégalée dans le paysage du design musical en France et ailleurs.
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Auteur : Michaël Boumendil, Président de Sixième Son
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alexandra
31 mai 2009 à 10:36
Brillant.
Moi, je travaille à la SNCF et je suis assez fière que notre entreprise ait l’identité sonore la plus réussie de toutes les marques. Je pense qu’on peut parfaitement imaginer que cette musique – déjà extrêmement bien reconnue – devienne mythique au même titre que la musique de Dim ou l’hymne national !
Je n’ai qu’un seul regret. Parfois, les musiques qui illustrent nos pubs ne sont aps à la hauteur.
daniel angiboust
24 septembre 2009 à 19:07
Avec ce son, la sncf a des années d’avance… pour ses idées d’avance. BRAVO à l’agence et à l’annonceur