Le son est l’un des véhicules de sensations et d’émotions les plus forts que l’on connaisse et qu’il est « presque » impossible d’empêcher de se diffuser : vous pouvez fermer les yeux pour ne pas voir une image, vous boucher le nez et/ou la bouche pour ne pas sentir un parfum, mais même avec un bouchon auditif dans chaque oreille, les vibrations trouveront le moyen de vous atteindre en parcourant votre corps…
Aussi, l’utilisation d’un design sonore de marque, adéquat et correctement conçu, est un excellent vecteur pour projeter son entreprise vers ses clients, partenaires et collaborateurs et laisser dans leur oreille son empreinte musicale.
Quelques chiffres…
Une étude récente en Europe donne les résultats suivants :
• 97% des marques/entreprises pensent que la musique renforce leur positionnement,
• 76% utilisent activement de la musique dans leur marketing,
• 7 sur 10 considèrent que la musique sera encore plus importante dans le futur.
Mais :
• 7 sur 10 dépensent au maximum 5% de leur budget marketing en musique,
• 6 sur 10 n’ont jamais évalué la « couleur sonore » de leur marque/entreprise,
• 8 sur 10 n’ont pas de logo sonore.
Les conclusions synthétiques sont qu’il y a une grande différence entre les ambitions affichées et l’implication réelle quant à la communication sonore. Ainsi, l’amour pour la musique ne s’est pas encore transformé en engagement à l’utiliser. Et donc, les marques/entreprises n’utilisent pas la musique de manière stratégique…
Remarque : le panel interrogé était constitué de directeurs du marketing ou du branding de différentes marques et entreprises globales.
Charte et logo sonores ?
Faisons un rapide parallèle : qu’y-a-t-il dans un logo ou une charte graphique ? Bien conçu et réalisé, votre logo vous représente et présente ce que vous êtes au reste du monde : votre credo, vos valeurs, votre positionnement… Disposer d’un logo « professionnel », tout à la fois conforme à l’air du temps et cohérent avec l’image que vous souhaitez véhiculer, vous permet de faire la différence quant à la perception de votre marque. Cette « image » est présente sur tous les supports que vous adressez à l’extérieur (cartes de visite, papier à en-tête, factures, site Web…) et donne le ton de votre identité visuelle (ou de celle de votre marque). Si votre logo parait « vieux », l’on pourra croire que votre société est dépassée… S’il a un style « amateur », vous semblerez manqué d’expérience… A l’inverse, si votre société est jeune et/ou petite, utiliser le « bon » logo vous permettra de donner l’impression d’être très professionnels et solidement établis.
Il en va de même pour un logo ou une charte sonore, que vous déclinerez sur tous les supports « audio » que vous utilisez et « visuels » que vous produisez.
Car, l’utilisation du son, de la musique ne doit pas se limiter à vos présentations multimédias ou à votre attente téléphonique… Abandonnez « les 4 saisons » ou les effets sonores de Microsoft PowerPoint !
Votre sonnerie de téléphone portable (ringtone), votre musique d’attente sur ce même mobile (ringbacktone), l’ambiance sonore de votre accueil ou de votre salle d’attente, celle de votre boutique, hall d’hôtel… peuvent toutes être des déclinaisons d’un thème principal ou d’une tonalité, qui auront été réfléchis, conçus, élaborés comme ont pu l’être votre charte graphique et votre logo visuel.
L’effet à court ou moyen terme, selon la fréquence de mise en relation de vos cibles avec cette signalétique sonore, est une mémorisation des quelques notes utilisées ou d’une ambiance particulière, qui déclencheront l’association « immédiate » de votre marque.
Prenons 2 exemples :
Générique Culture Pub 2008
Pub Dim
Dans les deux cas, si vous avez été en relation (TV, radio, Web…) avec ces logos sonores, ou leurs déclinaisons, leur simple écoute vous a situé, à priori, « automatiquement » leur propriétaire respectif.
Processus de création
Comment crée-t-on un logo ou une charte sonore ? Comme je l’ai évoqué plus haut, le processus créatif ressemble étrangement à celui utilisé dans le monde graphique, même si malheureusement, le problème est souvent pris à l’envers…
Une musique, même un court extrait, utilisée dans un contexte de communication et de marketing, se doit de respecter l’image de l’entreprise et les cibles ou contextes auxquelles elle est associée. Son style, son ambiance, son tempo doivent refléter le plus fidèlement possible le message qui sera véhiculé et renforcé par son utilisation.
Rapide ou lent, gai ou neutre, festif ou professionnel, simple ou complexe… Plutôt électronique ou symphonique ? Pas facile dans l’absolu de répondre à ses questions…
Le premier travail de l’agence sera donc de réfléchir avec vous aux valeurs que vous voulez transmettre, aux « couleurs » que vous associez avec votre marque ou entreprise, aux « ambiances » qui correspondent à votre relation clients… Ce questionnement, ce décryptage de l’image sonore que vous souhaitez donner, potentiellement réalisés par ou avec un Directeur Artistique, mènera logiquement à la rédaction d’un brief, d’un guide de création, très parallèle, voire identique à celui utilisé en création graphique.
Ensuite, bien entendu, il conviendra de réfléchir à et de définir toutes les utilisations attendues, qui vont engendrer des contraintes de création la prise en compte de variantes, de durée ou de qualité par exemple.
Il convient de noter qu’un thème musical peut être « rafraichi » régulièrement, adapté, remixé, réorchestré… pour répondre à des besoins différents ou pour être plus en phase avec l’air du temps, sans pour autant perdre la substance d’origine.
Vous l’aurez compris, il ne s’agit pas « d’improviser »…
La tendance, malheureusement, est souvent à une démarche simplifiée d’écoute rapide de musique « au mètre » ou de petits morceaux bricolés, parfois en 5 minutes, dans un « home studio » par le petit neveu de l’agence du coin, qui « joue très bien de la guitare et est très doué pour la musique avec son ordinateur… ». Je ne citerai aucun nom, ne donnerai aucun exemple… N’insistez pas… 😉
Ce phénomène est souvent amplifié par l’oubli de la donnée « son » dans la réalisation d’outils de communication… Combien de fois ai-je été interpellé par un « au fait, on vient de finir notre (au choix : pub, bannière Web, présentation institutionnelle…), il nous faudrait de la musique, vous avez quoi de disponible rapidement… » !
Trop souvent, l’importance de la partie sonore est occultée et sa préparation omise… Alors que son impact est si fort, que le support musical ou sonore va véhiculer des émotions si complémentaires au message transmis vers le public cible, et potentiellement, déclencher un processus de réception, voire de mémorisation, plus vigoureux que celui des images ou des mots, seuls.
C’est pourquoi de grandes marques ont commencé depuis peu une nouvelle approche : intégrer à leur communication des artistes, existants ou en devenir, voire, pour certaines, créer des mini-labels pour développer un style musical intégré à leur univers.
Associer musique et marque
C’est une tendance, qui existe certes depuis de nombreuses années, mais qui se renforce ces derniers temps… C’est même devenu un sujet récurrent des derniers Midem (marché international de musique) : l’avenir de la musique passe par l’association de groupes/artistes/titres avec des marques, ou vice-versa…
Si le sponsoring (ou placement produit) dans les clips existe, tout comme au cinéma, on assiste maintenant à une poussée forte vers une promotion conjointe et directe.
On a déjà eu des exemples « célèbres » dans le passé, même si parfois l’association peut relever de celle de la carpe et du lapin : on se souviendra de Dalida vantant les mérites d’un désodorisant… (cf. la vidéo ci-dessous).
Ainsi, une grande marque de lessive, Bonux, connue depuis 50 ans pour ses gadgets enfouis dans les paquets de poudre, a proposé un album (3 classiques et une dizaine d’inédits) du groupe Kool & the Gang en lieu des places des cadeaux habituels…
La marque Bacardi a annoncé la création de son propre label de musique « électro », avec dans un premier temps, la découverte de titres inédits. De même, Procter & Gamble aurait prévu de produire et d’assister de jeunes groupes de Rap/Hip Hop.
Dans tous les cas, la question est de savoir qui met en avant qui… Tout va dépendre de la renommée préalable et du poids des 2 parties sur leur marché respectif…
Pour un artiste « déjà connu », cela peut être totalement intégré dans les actions à 360°, cette « nouvelle » approche de communication qui cherche à couvrir tous les territoires potentiels de mise en avant et de vente de sa musique.
Pour un artiste en devenir, si la marque est reconnue et très visible, cela peut apporter un coup de projecteur incroyable, au démarrage d’une carrière. Ce fut le cas, par exemple, pour Yael Naïm (avec le titre New Soul) et la pub du MacBook Air d’Apple.
Pour la marque, miser sur un artiste est potentiellement un challenge, mais peut devenir un investissement stratégique, si l’objectif est une communication dans la durée…
La rencontre entre une marque et un artiste, ou un style musical, est une démarche intéressante de co-création. Mais là encore, si vous souhaitez vous lancer dans cette entreprise, pour éviter les déboires potentiels et les erreurs de positionnement, je ne saurais trop vous recommander de vous entourer, au minimum d’un Music Supervisor, qui pourra vous conseiller dans les choix musicaux à envisager.
Aussi, la solution « simple » est d’offrir une compilation ou une liste de titres en accord avec une marque, un produit ou une « expérience », comme le fait actuellement NIVEA avec sa gamme Happy Time. Le site événementiel www.nivea.fr/music, dont l’URL est visible dans les pubs TV, renvoie vers un univers dédié avec des informations et la possibilité de télécharger un titre, parmi une sélection de 20 dans plusieurs catégories (Hip Hop, Rock, Electro…), avec écoute en ligne gratuite, et bien sûr nécessité d’entrer son adresse email et un code imprimé sur un flacon…
Bien entendu, le volet juridique n’est pas à négliger, car, comme on l’oublie souvent, la musique, au sens large, est régie par le droit d’auteur, sans oublier de nombreux droits dérivés…
Cadre légal
Éliminons d’entrer une idée fausse : la musique « libre de droit », ça n’existe pas, sauf pour une musique du domaine public, et encore, à condition que l’enregistrement utilisé ne soit pas lui-même protégé…
Si l’on vous propose un titre « libre de droit », pour signifier le plus souvent qu’il n’est pas déclaré auprès d’une Société de Perception et de Répartition des Droits (SRPD, plus connue sous la dénomination de société de gestion collective des droits d’auteurs), telle la SACEM en France, il est fort probable que les auteurs ou l’agence vous vendent en réalité une « licence », clairement définie dans le temps et les utilisations potentielles.
Dans tous les autres cas, vous traiterez probablement avec un éditeur, qui peut en même temps être le producteur, qui aura déposé le titre auprès d’une SRPD et par voie de conséquence, vous devrez déclarer votre utilisation du ou des titres afin d’acquitter la redevance correspondante, tout au long de l’usage. Il convient de noter également que s’il y a reproduction de l’œuvre (sous toutes ses formes, physique sur un CD ou un DVD, ou numérique, en MP3 par exemple), il conviendra de régler également une redevance au titre des droits du producteur de phonogrammes (art. L 213-1 du Code de la Propriété Intellectuelle).
La majorité des tarifs de diffusion sont fixés dans chaque pays par la SRPD locale (en France par la SACEM/SDRM, diffusés sur son site) et sont les mêmes pour tous. Néanmoins, dans tous les cas de diffusion non encore prévus ou précisés, un devis spécifique devra être demandé au préalable à l’éditeur/producteur et le plan média prévu ainsi que celui réalisé devra être communiqué.
Si tout cela vous semble complexe, je vous invite à lire l’excellent article de « vulgarisation » publié sur le blog Journal d’un avocat, intitulé « Les droits d’auteur pour les nuls », très bien écrit, très complet tout en restant simple et pertinent.
Ce qui peut vous sembler, à priori, une contrainte, se gère en fait très facilement, si l’on a bien préparé en amont, et c’est probablement pour cela qu’il ne s’est jamais autant consommé de musique année après année… tous médias et supports confondus.
Conclusion
Nous ressentons le monde à travers nos 5 sens, et l’ouïe est le 2ème sens le plus utilisé dans la communication aujourd’hui, à égalité avec le toucher et après la vue.
De plus, la musique apparait comme le média que la majorité des gens ne souhaiterait pas perdre, bien avant la TV et l’Internet…
Il n’y a donc pas une minute à perdre pour associer votre marque ou entreprise avec de la musique, ou leur créer leur propre design sonore.
Car, dans l’évolution actuelle de la communication, les marques ne sont plus en compétition au niveau de leurs produits, mais dans la manière dont elles construisent une relation et une connexion émotionnelles avec leur cible ou public.
Musicalement vôtre !
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Auteur : Didier J. Mary, fondateur de CybearSonic
Réalisations de l’agence de design sonore. Blog & musique
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Dossier sur l’identité sonore
Les fondamentaux en identité sonore
- L’identité sonore, une discipline en mutation
- Identité sonore : les balises d’une intervention efficace
- Chaque image a une couleur sonore
Design sonore, création, moyens et coûts
- La musique et le multicanal. Le grand concert des marques
- Design sonore et création : ces DA qui donnent le LA
- Musique, marque et son au diapason de la maîtrise des coûts : les confessions d’un cost-controller
Approches sectorielles du design sonore
- Rénovons l’identité sonore des marques de luxe !
- L’identité sonore dans le marketing du textile
- L’identité sonore de Renault : une communication de crise ?
Elkaim
18 décembre 2011 à 23:35
Bonjour,
J’ai parcouru votre article qui me semble très intéressant.
Je suis étudiante en audioprothèse (appareillage auditif) et je voudrais réaliser un mémoire en rapport avec le design sonore.
Pensez vous qu’il existe une partie de ce domaine qui pourrait être dirigée pour les malentendants (la vieillesse de l’oreille entrainant une perte plus importante dans les fréquences aigues que dans les fréquences graves)?
Serge-Henri Saint-Michel
19 décembre 2011 à 17:06
@elkaim : bonjour, je vous invite à prendre directement contacta avec Didier J. Mary.