L’abonnement peut sembler un Eldorado. Mais à quelles conditions est-il générateur de valeur pour les marques ? Réponses avec notre interviewé, Laurent Laforest, DG Bic Shave Club.
Pourquoi l’abonnement, abordé par Rifkin en 2000, est-il tant sous les feux de la rampe en 2017 ?
Il n’est pas simple de répondre à cette question mais quatre éclairages :
- L’économie du on demand correspond clairement aux nouvelles aspirations des générations Y et Z moins intéressées par la possession et la propriété pour certains produits. A contrario, les produits iconiques/communautaires feront l’objet d’un attachement fort et un désir de propriété.
- Les industriels/producteurs s’intéressent d’avantages au sujet de la vente directe et l’abonnement leur permet d’exister sur le marché du online avec une proposition commerciale différente de celle qu’ils offrent à leurs distributeurs habituels.
- Le Mass market pénètre enfin Internet et seul la formule d’abonnement permet un Business model cohérent et rentable.
- L’abonnement est le modèle idéal pour mieux connaître son consommateur en établissant une relation à long terme avec lui. Il est une réponse aux difficultés croissantes pour toucher efficacement sa cible. N’oublions-pas que la diminution du temps passé sur le média TV rendra toujours plus complexe la mise en œuvre du modèle puissance/répétition/cible qui était le modèle mass market vertueux.
N’est-ce pas aussi parce que les marques le considèrent comme un nouvel Eldorado ?
L’abonnement apparait en effet comme un nouvel eldorado mais pour qu’une formule d’abonnement rencontre le succès, il faut qu’elle respecte les grandes règles de la vente sur internet.


Laurent Laforest, DG Bic Shave Club
D’abord : un écosystème technique performant et une logistique de très bon niveau. Dans le cas du BIC SHAVE CLUB, nous nous sommes appuyés sur Zuora pour le gérer efficacement.
Ensuite la proposition d’abonnement doit répondre au « Pourquoi ? » Cela peut paraître évident mais quel est le bénéfice pour le consommateur de s’abonner ?
S’il s’agit simplement d’offrir la possibilité de recevoir à domicile un produit, c’est bien, mais est-ce vraiment suffisant ? Dans notre cas, la promesse prix jusqu’à 40 % moins cher est clairement est élément différenciant.
D’autre part, le produit commercialisé par abonnement doit être à mes yeux différent de ceux proposés par d’autres canaux de distribution. Si votre produit est déjà multi-distribué, le bénéfice de l’abonnement sera bien moindre pour le consommateur.
A quelles conditions l’abonnement est-il générateur de valeur pour les marques ?
C’est à mes yeux dans sa capacité à construire un continuum de communication avec la marque et de pouvoir donc établir une relation différente avec le consommateur faites de contenus commerciaux mais aussi de contenus plus décalés qui s’ils sont bien faits créerons de l’attachement.
Quels sont les effets de l’abonnement sur la consommation ?
Tout mettre sur le dos de l’abonnement dans la disruption de certains modèles commerciaux me semblent exagérés. C’est souvent l’inventivité marketing ou de nouvelles propositions de valeur offertes par les évolutions technologiques qui ont créées le choc. Mais il est clair que les formules d’abonnements peuvent rebattre les cartes de certains modèles plus anciens. Dans le domaine du rasoir, notre modèle a vocation à permettre au plus grand nombre d’accéder à des rasoirs rechargeables autrefois moins accessibles au plus grand nombre. Le modèle de vente directe, associé à l’abonnement nous permet de baisser les prix et de proposer nos rasoirs moins chers.
L’abonnement permet de mieux connaître le client. Mais qu’apporte-t-il alors de plus qu’une carte de fidélité ?
Les deux approches sont différentes : une carte de fidélité est idéale pour un distributeur pour appréhender des paniers d’achats et des habitudes de consommation. L’abonnement est quant à lui plus souvent associé à un produit.
Dans le premier cas, l’objectif est plutôt de favoriser le retour dans le point de vente. Dans l’autre, la connaissance client permettra de générer des ventes additionnelles aux produits d’acquisition initial.
Pour le consommateur, le client, s’abonner, est-ce s’enchaîner ?
La réponse est clairement non ! Toutes les formules engageantes sont pour moi vouées à l’échec. Le consommateur doit pouvoir se désabonner simplement.
Et pour la marque, est-ce fidéliser de force ?
Là encore, la réponse est non. L’abonnement est un succès s’il apporte un vrai bénéfice au consommateur comme par exemple dans notre cas lui éviter de se retrouver à court de lames de rasoir. Tout ce qui facilite la vie sera apprécié à sa juste valeur et générera de la fidélité si, bien sûr, le prix psychologique demandé mensuellement reste en dessous d’un certain seuil.
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