Marchés et cibles

Restauration le midi : le prix, facteur d indigestion ?

3 mois après le changement du taux de TVA dans la restauration, quels nouveaux acteurs, perception des prix, et évolution de la fréquentation ?

3 mois après le changement du taux de TVA dans la restauration, quels nouveaux acteurs, perception des prix, et évolution de la fréquentation ?

Trois mois après le changement du taux de TVA dans la restauration, une étude Audirep pour le cabinet Simon-Kucher & Partners* aborde les nouveaux acteurs, la perception des prix, l’évolution de la fréquentation. Précisions sur les enjeux avec Pierre Doignies, Directeur d’études, Audirep.

L’étude aborde les prix psychologiques en restauration rapide. Ont-ils évolué corrélativement à la hausse de la TVA ?

Avec la hausse de la TVA en 2014, certains restaurateurs ont préféré rogner sur leurs marges plutôt que de gonfler leurs prix dans un contexte où la fréquentation de la restauration hors domicile baisse. La forte médiatisation de la réforme de la TVA a naturellement exacerbé la sensibilisé des Français sur les prix. Trois mois après le changement du taux de TVA au 1er janvier, ils sont 45 % à avoir perçu une hausse des prix. Si c’est donc moins d’1 Français sur 2, on note néanmoins que la hausse moyenne des prix est estimée à 4 % selon les Français interrogés, soit une hausse supérieure à la hausse réelle de la TVA.

Comment s’explique le décalage entre un prix psychologique à 6,30€ en restauration rapide et la réalité des prix pratiqués ?

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Tout d’abord, les Français nous ont déclaré dépenser en moyenne 7,50 euros pour leur déjeuner. Mais dans le même temps, ils nous ont affirmé que le prix idéal pour un menu (sandwich, boisson et dessert) serait à 6,30 euros. Ainsi, on voit bien un décalage entre les attentes du consommateur et les prix réellement pratiqués.

Les enseignes jouent sur des stratégies marketing, en mettant en avant par exemple des achats plaisirs (un dessert, un café…) qui de fait augmentent le prix que s’était fixé le consommateur au départ (je considère un plat bon marché à 6 €, mais je veux me faire plaisir avec un bon dessert, ce qui fait dépasser mon ticket moyen).

Un exemple très significatif de ce phénomène, est celui des bornes de commande. McDo, avec ces bornes, a déclaré constater une hausse du panier moyen. Si ces machines permettent un gain de temps pour le client, elles incitent dans le même temps à consommer plus via un argumentaire de vente précis. Par exemple, je veux m’acheter un BigMac, mais on me propose un dessert pour 1 € de plus, un café, etc.

Que déduit l’acheteur de cet écart ?

Pierre Doignies, Directeur d'études, Audirep

Pierre Doignies, Directeur d’études, Audirep

Il est certain que dans un contexte économique difficile, le consommateur est amené à faire de plus en plus d’arbitrages entre le restaurant, la chaîne de sandwich, le snacking, les plats préparés en supermarché, etc. On observe que les Français alternent ces derniers temps ces différents modes de consommation.

Cette volatilité des Français nuit notamment à la restauration traditionnelle qui reste encore chère et profite aux enseignes de restauration rapide qui ont su proposer des menus à prix malin.

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Mais c’est de la grande distribution que vient la surprise : avec 35 % des clients des enseignes de restauration rapide qui y trouvent régulièrement leur déjeuner, elles se placent approximativement au même niveau que la boulangerie et la restauration traditionnelle, les grands classiques français.

Aux acteurs de la restauration du midi de compter désormais avec ces experts de la proximité qui ces derniers mois ont développé une large gamme d’offres à petit prix. Preuve en est, Picard s’est récemment positionné sur le segment du déjeuner avec à des plats à moins de 7 euros.

L’enseigne Paul bénéficie-t-elle d’une « prime de valeur » qui lui permet d’être moins affectée par un prix psychologique de 6,5€ ?

Tout à fait, leader sur le segment boulangerie, Paul a toujours mis en avant la variété et la qualité de ses produits plutôt que ses prix dans ses communications. Par exemple, on a récemment vu l’enseigne communiquer sur un produit Top Chef.

Si il est vrai que Paul est perçu comme une enseigne chère, sa dimension d’authenticité avec des produits du terroir français lui permet d’afficher des prix plus chers.

Pour Quick, avez-vous pu noter des points d’image à travailler pour que l’enseigne sorte d’une perception négative ?

Dans le pays de la gastronomie, les burgers n’ont pas bonne image, alors que les Français consomment plus de burgers que de jambon beurre !

Quick a un positionnement centré sur le « burger », alors que son principal concurrent en France, McDo évolue en repositionnant l’enseigne sur de la restauration saine, proposant des sandwiches de tradition américaine (big farmer, etc.) ou Française (le casse-croûte baguette). Quick gagnerait à communiquer sur des burgers de meilleure qualité (plus saine), en témoignent le succès des food trucks.

L’évolution des stratégies de ces enseignes dans les années à venir sera passionnante avec l’arrivée de burger King en France. Même si du point de vue du prix, Burger King a choisi une stratégie décalée par rapport aux attentes du consommateur révélées dans cette étude, avec des menus pour la plupart au-delà des 7€.

Le prix et l’aspect nutritionnel sont-ils des critères pertinents pour expliquer la baisse de fréquentation des enseignes ?

Crise économique oblige, le prix engendre une baisse de fréquentation mais un des facteurs importants dans la baisse de fréquentation est également la diminution du temps consacré à la pause de midi.

Le consommateur est de plus en plus nomade et consacre à sa pause déjeuner un temps limité. Une récente étude a montré que le temps moyen de la pause déjeuner était de 30 à 40 minutes versus plus d’une heure il y a 20 ans. La pause déjeuner s’est réduite en quelques années en peau de chagrin, obligeant le consommateur à délaisser les restaurants traditionnels pour la livraison à domicile (sushi) ou à utiliser le « click to collect », borne interactive de commandes…

Les Français souhaitent manger vite et bien. Le côté nutritionnel est donc un élément qui compte de plus en plus ! mais pas assez mis en avant par les enseignes.

Ils ont d’ailleurs affirmé dans notre étude qu’il était important pour eux d’avoir des légumes ou fruits lors de leurs déjeuners. Certaines enseignes gagneraient donc à s’orienter sur le côté sain.

En somme, comment les principales enseignes de restauration rapide peuvent-elles reconquérir un client en souffrance ?

Les enseignes doivent s’adapter aux nouvelles exigences du consommateur en proposant par exemple une vraie expérience client lors du déjeuner, innover en renouvelant leurs cartes plus fréquemment, sans oublier le côté sain, voire, comme Subway, proposer une personnalisation de son plat.

Néanmoins la pression sur la fréquentation est avant tout due à une sensibilité accrue du consommateur au prix, ce qui oblige les enseignes à repenser en priorité leur politique tarifaire. L’objectif est de comprendre et s’adapter à la volonté de payer du client, pour gagner face à une concurrence toujours plus exacerbée, avec la montée de nouveaux réseaux et l’offre des supermarchés.

***

* La bataille du déjeuner dans la restauration rapide – étude Audirep pour Simon-Kucher & Partners sur un échantillon de 1071 Français représentatifs des actifs ou étudiants âgés de 18 à 64 ans – mars 2014

(c) ill. Shutterstock – Homemade Turkey Sandwich with Lettuce, Tomato, and Onion

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