Parlons consommateur, parlons prix ! Quelle importance le consommateur accorde-t-il au prix ? Quelles techniques les marques peuvent-elles mettre en œuvre afin de faire correspondre leur politique de prix aux usages et attitudes du consommateur en la matière ?
Pistes avec notre interviewé, Matthias Berahya-Lazarus, Président de Bonial France.
La chasse aux prix, sport national ?
On remarque effectivement que dans de nombreux secteurs, le client est de plus en plus attentif au prix. Cela se vérifie évidemment pour les ménages les plus modestes, mais la nouveauté ces derniers mois est que les ménages plus aisés y sont également sensibles ! Tout cela confirme l’adage historique d’Edouard Leclerc, « les prix bas, les pauvres en ont besoin, les riches en raffolent »…
Ce phénomène est bien sûr alimenté par les enseignes où la pression promotionnelle, déjà à un niveau élevé l’an passé, ne cesse de s’accentuer depuis le début de l’année (+1,3 pts en Hypermarchés, +6,6 pts en Supermarchés, source Retail Explorer). Cette prise de parole des enseignes, plus fréquente donc, est aussi plus agressive avec des taux de discount supérieur à 30% de plus en plus élevés (+1.5 pts en Hyper… et +5 pts en Super ! Même source).
Outre l’alimentaire, où cette guerre des prix entre les enseignes donne même lieu à un phénomène de déflation avéré, c’est également le cas dans des domaines plus spécialisés comme le bricolage. L’étude réalisée par GfK pour Bonial montre ainsi que 82% des consommateurs, lors de la préparation de leurs achats d’aménagement de l’habitat, recherchent des informations relatives au prix. C’est une nouveauté pour ce secteur qui était jusqu’ici relativement préservé de ce phénomène, et contribue à l’essor d’enseignes « low-cost » ayant un discours plus agressif dans ce domaine.
Cette chasse concerne-t-elle prioritairement des marchés, des produits, des types de marques et des seuls de prix ?
Les grandes marques sont traditionnellement les plus comparées, tout simplement car elles sont les plus faciles à retrouver de manière identique d’une enseigne à l’autre. C’est une des raisons pour lesquelles de nombreuses enseignes accélèrent le développement des MDD (marques de distributeur), en jouant à la fois sur le prix mais aussi sur les caractéristiques et la qualité de ces produits, ce leur permet de s’écarter de la course au prix bas pour recréer de la valeur auprès du consommateur. Certaines marques tirent d’ailleurs particulièrement leur épingle du jeu, comme la marque « Reflets de France » du groupe Carrefour auxquels de nombreux consommateurs sont aujourd’hui attachés.
La recherche de prix bas ne cache-t-elle pas des changements dans les attitudes et comportements des consommateurs ?
Les consommateurs deviennent effectivement plus réfléchis dans leur consommation : on peut acheter moins cher en achetant différemment. De nombreux acteurs sont d’ailleurs sentiers battus pour interpeler cette nouvelle tendance. Côté enseigne, on peut citer l’exemple du succès de la campagne Intermarché sur les légumes moches, qui permet à l’enseigne de proposer des prix plus abordables sur des produits frais déclassés. L’accueil du public est enthousiaste car ce projet permet de « faire du prix » en respectant les fondamentaux du développement durable. Côté industriels, proposer des prix plus bas peut aussi passer par des innovations de format : vendre des conditionnements plus petits, adaptés aux personnes seules par exemple. Tout cela permet de proposer aux consommateurs les prix plus bas qu’il réclame, sans pour autant détruire de la valeur.
Un consommateur devenu sage ?
Sage, l’avenir nous le dira… mais plus attentif et mieux informé, c’est certain ! La tendance de fond, que nous constatons dans les études spécialisées que nous menons mais aussi dans la croissance forte de l’audience du site et des applications mobiles de Bonial, est que les consommateurs consacrent de plus en plus de temps à la phase de préparation de leurs achats. Dans de cas extrêmes comme le bricolage, cette phase peut durer jusqu’à 39 jours en moyenne et solliciter une vingtaine de source — dont plus de la moitié seront digitales.
Les consommateurs arrivent donc en point de vente mieux informés que par le passé, et parfois même mieux informés que le vendeur lui-même ! Cette tendance devrait, selon moi, s’accentuer encore davantage avec la diffusion exponentielle des smartphones et de l’intensité de leur usage. On commence même à voir apparaître, chez certains consommateurs, une sorte de nervosité à l’égard des promotions dont il angoisse de ne pas avoir trouvé ou profité de la meilleure.
Le prix n’est-il pas l’argument du « pauvre en communication » ?
Je dirais plutôt « du communicant avisé » ! Une stratégie de communication sur les prix bas implique rétroactivement de maîtriser parfaitement, sur l’ensemble de la chaîne de valeur, toutes les composantes du modèle économique. Les achats, la logistique, l’exécution en magasin, cela va de soi ; mais les dépenses de communication en font également partie. L’image-prix se construit sur le long terme et ne se modifie pas du jour au lendemain : rien ne sert de baisser les prix si l’on ne peut pas porter cette bonne nouvelle aux consommateurs. Chez une enseigne souhaitant proposer les prix les plus bas, la tension sur les marges implique d’être extrêmement attentif sur l’efficacité des média utilisés pour la stratégie de communication : ils doivent être extrêmement ciblés, de préférence sur les catégories de population les plus sensibles aux prix. A ce titre, je pense d’ailleurs que les canaux digitaux offrent des réservoirs d’optimisation considérables et relativement peu exploités par les grands annonceurs ; par exemple, l’exposition à un catalogue digital revient 3 à 5 fois moins chère que l’exposition à un catalogue papier.
Communiquer sur les prix permet-il de réenchanter l’achat ?
Evidemment, cette tendance de fond tend à concentrer les consommateurs sur le prix plus que sur la valeur intrinsèque des produits. Dans ce contexte, seules les enseignes et les marques qui présentent de réelles innovations sont à même de « réenchanter » l’achat et de pouvoir défendre un positionnement prix plus ambitieux. Je pense par exemple à des marques comme Michel et Augustin, ou encore les desserts Gü, deux marques qui, malgré un positionnement-prix nettement au-dessus de leurs concurrents, ont connu un développement particulièrement rapide dans des segments pourtant bien occupé par des « majors ». L’innovation, parce qu’elle crée la différenciation et suscite l’envie, constitue une excellente porte de sortie de la spirale descendante des prix.
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Un article de notre dossier Consommateur & consommation
(c) ill. Shutterstock – Wheat field against a blue sky
boutipub
3 novembre 2014 à 9:45
Très bon article. N’oublions pas, que le poste alimentation, est celui que les ménages réduisent pour faire des économies. Acheter des produits milieu de gammes et non de marques pour les plus riches n’est pas nouveau. Tout ou presque tourne autour de la communication. Une bonne campagne de pub est devenue indispensable !!!