L’abandon de panier est un fléau générant un énorme manque à gagner direct (CA) et indirect (coûts d’acquisition en hausse) pour les sites de e-commerce.
Jean-Pierre Le Borgne, Associé Yuseo, Directeur du Développement, revient sur les motifs des abandons de panier, le profil des abandonnistes et les moyens de réduire les taux d’abandon et la volatilité des clients.
Quel manque à gagner commercial les abandons de panier représentent-ils ?
Le premier manque à gagner immédiat est sonnant et trébuchant en termes de ventes non réalisées. Les études publiées aux quatre coins du monde sur ce thème chiffrent régulièrement les pertes annuelles en dizaine de milliards d’€.
Les deux autres principaux sont de natures différentes mais probablement tout aussi importants. Le premier très concret concerne la perte sèche en termes de coût d’acquisition client (référencement, bannière, mail,…). En effet, les sommes dépensées pour faire venir l’internaute sur le site sont elles aussi un manque à gagner « indirect » de l’abandon de celui-ci dans le cadre de sa navigation.
Le second s’apparente plus à un « serpent de mer non directement mesuré » qui concerne l’image du site et son attractivité vis-à-vis de sa cible. En effet, il est certain qu’un internaute qui a choisi un site pour faire sa recherche et finalement abandonne sa navigation ne va pas en garder une image très « séduisante ». Cet effet est d’autant plus fort que l’enseigne en question dispose d’une forte notoriété générant de fait une forte attente de l’internaute ce qui rend l’effet déceptif lié à l’abandon d’autant plus fort. Nous faisons en sorte dans le cadre de nos benchmarks sectoriels de « mesurer » l’impact de la navigation sur l’attractivité du site et les chiffres sont le plus souvent éloquents. L’effet déceptif peut parfois impacter jusqu’à 65% des internautes qui n’envisageront pas de consulter le site en question pour une future recherche du type de produit en question…
Certains types de sites sont-ils plus touchés ?
A ce jour, nous avons focalisé nos baromètres sur ce thème sur les sites directement marchands, donc pas de comparateurs. Par contre, en effet, il nous a semblé intéressant de faire une distinction entre un achat de produits et un achat de voyage en ligne (hors train) dans la mesure où l’implication client peut varier assez significativement.
La seule certitude que nous puissions avoir avec 18 mois de recul sur ces deux univers c’est qu’en moyenne la proportion de « forts abandonnistes » (+ 1 fois sur 2) est plus importante dans le Voyage (31%) que dans l’achat de Produits (21%). Par contre, dans les deux secteurs, pour les internautes « très actifs », les proportions sont encore plus significatives pour les « forts abandons » avec respectivement 33% dans le Tourisme et 28% dans les Produits.
Chose intéressante, la proportion qui n’abandonne « jamais » leur navigation sur le site qu’ils ont choisi est identique à 9%.
Que représentent les abandonnistes de panier dans les sites e-commerce ?
Nos derniers baromètres se sont volontairement positionnés à un niveau un peu plus macro de l’abandon de la navigation qui englobe inévitablement l’abandon au sein du tunnel d’achat. A la lueur des résultats on peut déjà considérer qu’au moins 12% des abandons sont directement liés au manque de confiance au moment du paiement. Si l’on recoupe ces résultats à d’autres études menées en 2012, on peut estimer que l’abandon dans le tunnel de commande pèse environ pour 40% du total.
Quel profil ces abandonnistes ont-ils ?
En ayant fait un focus sur les acheteurs en ligne les plus fréquents (+7 achats de produits au cours des 6 derniers mois), leur propension à abandonner « fréquemment » leur navigation sur le site qu’ils ont pourtant choisi pour acheter est nettement supérieure à la moyenne, 28% contre 21%. On peut aisément considérer que leur expérience d’achat en ligne les rend d’autant plus exigeant mais aussi attentifs à certains détails qui peuvent devenir « rapidement » des freins surtout si il existe de véritables alternatives auprès de concurrents. Dans le même temps, cela pose en toile de fond l’enjeu des mécanismes de fidélisation à redéfinir sur des bases fiables et pérennes face à une nouvelle forme de « volatilité » client.
D’un autre côté, les acheteurs plus occasionnels sont moins enclin à l’abandon lors de leur achat en ligne. Ceci est probablement à mettre en regard d’une sélection plus « raisonnée » des sites où ils font leurs achats privilégiant plus volontiers les sites dans lesquels ils ont confiance et où ils ont pris leurs marques en termes de navigation.
Quels sont les critères marketing principaux qui entrainent un abandon de panier ?
A la lueur de notre expérience, nous préférons plus parler de critères de merchandising. En effet, au fil de nos benchmark sectoriels (plus de 250 sites évalués depuis fin 2009 par notre Observatoire de la performance, c’est clairement l’accès à l’offre, la fluidité des parcours clients et la flexibilité de la navigation qui sont le plus souvent pointés du doigt par les internautes en termes d’impact négatif sur leur expérience client. La largeur de l’offre est rarement le point bloquant mais plutôt la bonne mise en scène et en valeur de celle-ci pour faciliter le choix.
Au cas particulier, le montant des frais de livraison – cause de 40% des abandons – est souvent à mettre en regard d’une information présentée soit trop tardivement dans le process (manque de transparence) ou de manière imprécise.
Au final, c’est l’accompagnement fluide et souple de l’internaute au sein du magasin virtuel en ligne qui pose le plus de difficultés avec des offres de plus en plus denses, des internautes désireux d’aller à l’essentiel par rapport à leur besoin du moment et une concurrence de plus en plus agressive.
En quoi l’affichage clair des prix, conditions de paiement et de livraison permet-il de réduire les taux d’abandon ?
En effet, l’enjeu majeur qui ressort pour mieux maitriser une partie significative des abandons concerne la « mise en confiance » de l’internaute. Celle-ci se matérialise notamment aussi bien lors de sa navigation (« Est-il en maitrise de son parcours client ? ») que lors de la prise de décision (clarté sur le prix) ou bien lors du paiement (sécurisation et transparence sur les coûts induits comme la livraison). Pour de nombreux professionnels du Marketing, le mouvement de fond induit par le digital sur l’évolution (révolution) du mode de relation entre le consommateur et la marque passe par la redéfinition d’un éco-système fondé sur la confiance, composante qui transpire assez nettement du baromètre comme motif principal de « non abandon ».
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