Dans les précédentes interviews de Grégori Polle, expert en web marketing chez Kiwe*, nous abordions les fraudes et mauvaises pratiques en publicité digitale et les réponses des agences médias face aux pratiques frauduleuses en e-publicité.
Voyons dans un dernier temps les réactions des annonceurs et des éditeurs aux pratiques frauduleuses en matière d’epublicité…
Comment les annonceurs, victimes de la fraude à l’epublicité, réagissent-ils ?
Les annonceurs contrôlent en priorité leurs budgets médias les plus importants. Pour les grands annonceurs « branding » la télévision reste un incontournable et bénéficie des plus gros budgets. Mais le digital devenant de plus en plus stratégique, les annonceurs intègrent de plus en plus des spécialistes en provenance de régies, d’agence ou d’éditeurs car ils maîtrisent rarement la technologie et les expertises du marketing digital. C’est une situation normale car leur métier n’est pas de communiquer. Ils confient cette activité stratégique à leur agence qui est là pour les accompagner dans un écosystème qui n’existait pas il y a 20 ans, qui évolue constamment et de plus en plus vite. Ce qui est vrai aujourd’hui ne le sera plus forcement demain. La force des agences est de traiter un grand nombre de situations et donc d’avoir une courbe d’apprentissage très importante, ce que ne peut pas faire un annonceur tout seul même si certains essaient en internalisant par exemple leur propre trading desk pour garder la valeur de leurs data. Concernant la fraude, ils tombent souvent de très haut lorsque nous analysons leurs campagnes et que nous leur démontrons l’importance de cette fraude et de l’achat d’inventaire inutile. Ils peuvent alors exiger des remboursements ou des remises sur les prochaines campagnes et la confiance avec les intermédiaires diminue. Ils imaginent rarement que la performance de leurs campagnes peut être augmentée d’un facteur 2 ou 3 en jugulant la fraude. Certains nous accompagnent auprès des régies pour les obliger à installer nos sondes mais étrangement cela reste un combat quotidien. Combat qui se doit d’être mené car cela génère un avantage concurrentiel extrêmement fort pour les annonceurs capables de s’adapter et une hausse des revenus pour les intermédiaires régies et éditeurs. Quoi qu’il en soit, acheter du CPM invisible ou des clics faits par des robots, même à un centime d’euro reste une perte de temps et d’argent. Les annonceurs ont maintenant la possibilité d’éviter d’acheter des impressions et clics frauduleux ou inutiles en imposant aux intermédiaires (agences, régies, etc…) l’utilisation des outils adéquats.
Quel impact ces pratiques ont-elles sur le revenu des éditeurs ?
La plupart des annonceurs regardent leurs ROI (retour sur investissement). Ils communiquent rarement pour le plaisir de communiquer. Le but ultime de la publicité est de vendre. Les éditeurs doivent donc démontrer que leurs supports sont plus performants que les supports de ceux qui trichent. Ils peuvent par exemple installer nos outils qui analyseront leur audience et certifieront la qualité de leur inventaire. La fraude diminue de fait les revenus des éditeurs honnêtes et malheureusement, certains pour compenser le manque à gagner vont tricher, ce qui va tirer les prix vers le bas et augmenter un peu plus la fraude. Il faut absolument sortir de ce système qui avantage le fraudeur et revenir vers un modèle vertueux pour tous. Il est tout à fait possible d’imaginer que l’annonceur paie le juste prix d’un service de qualité.
Pour les éditeurs les plus importants, ils doivent êtres conscients que leurs publicités sont remplacées par la publicité de réseaux utilisant des « adware » ce qui provoque immanquablement deux conséquences. La première est un manque à gagner variable en fonction du nombre d’internautes visitant leur sites à partir de terminaux infectés et le second est la perte d’image que cela peut provoquer car souvent ces réseaux font la promotion de services pour adultes ou d’escroqueries de type Forex.
Le bruit court que certaines régies diffuseraient des virus dans les espaces publicitaires au prix bradé. Pour quelles raisons ?
Un « adware » est un programme informatique diffusant dans le meilleur des cas de la publicité. Souvent, ils intègrent également des systèmes pour profiler les internautes ou des keylogger permettant à des groupes criminels de récupérer des identifiants de connexion ou des informations bancaires. La plupart du temps ils sont installés sans le consentement explicite de l’internaute et sans que ce dernier n’en mesure réellement les conséquences.
Certaines régies diffusent effectivement des « adware » par l’intermédiaire de tags de diffusion ou via des publicités pour augmenter leurs inventaires publicitaires sans avoir à rémunérer un éditeur et augmenter ainsi leurs revenus. Il est difficile de savoir s’il s’agit d’actes volontaires ou bien d’un manque de vigilance. Mais dans tous les cas, c’est d’une gravité extrême de laisser faire. Car les « adware », au-delà de la gêne provoquée par des publicités extrêmement intrusives et dommageables pour les marques, entraînent un ralentissement insupportable du matériel de l’internaute victime.
A titre d’exemple, vous trouverez sur la capture d’écran ci-dessous une « publicité » diffusée par une des plus importantes plateformes publicitaires pour un « adware » sur un réseau « adware ». Cette capture d’écran a été faite depuis un PC, infecté par un « adware », sur le site d’un garage automobile ne diffusant pas de publicité.
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Un article de notre dossier E-publicité, illusion ou efficacité ?
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