Ce titre est un peu provocateur et un peu « globalisateur » de situations parfois très différentes, mais on entend de plus en plus en France des institutionnels du tourisme noter une stagnation voire une baisse des statistiques de fréquentation de leurs sites internet alors même qu’ils poursuivent un travail de fond sur ces mêmes sites.
Un contexte a priori favorable
Pourtant, et ce malgré la crise, tous les indicateurs économiques qui sont publiés ici ou là sont très positifs pour le e-tourisme en France et de nombreux sites commerciaux du secteur voient leurs statistiques de fréquentation et leurs résultats commerciaux continuer à croître en conséquence.
De plus, la dernière enquête publiée cet été par la Fevad confirme l’utilisation massive d’Internet par les français pour préparer et/ou réserver leurs voyages et leurs séjours.
Pour rappel, quelques éléments important de cette enquête :
- Plus de la moitié des internautes français préparent leurs achats de voyages sur internet, soit environ 20 millions de français !
- Toutes les classes d’âge sont représentées, y compris les internautes de 50 ans et plus, 55% d’entre eux n’hésitent pas à réserver leurs voyages ou séjours sur Internet, autant que chez les 15-24 (56%).
Les prestations les plus achetées en ligne sont :
- Les billets de train : 31% des internautes
- L’hôtellerie : 23%
- Les locations de vacances : 21%
- Les autres billets de transport (avion, ferry..) : 16%
- Les séjours en France : 16%
- Les séjours à l’étranger : 16%
Les sites internet considérés comme les plus influents dans la préparation des achats de voyages en ligne sont :
- Les portails et les moteurs de recherche (44%)
- Les comparateurs de prix (38%)
- Les sites marchands pour consulter les fiches produits (28%)
- Les sites marchands pour lire les avis des internautes (25%)
Alors, pourquoi ce flottement ou cette baisse dans les chiffres de fréquentation de certains sites institutionnels du tourisme ?
Que compte-t-on exactement ?
J’ai rencontré des situations assez ubuesques où des chûtes de 25 à 30% de fréquentation étaient notées par des OT, des CDT ou des CRT… dans ces cas-là c’est un peu la « panique à bord » et bien souvent le black-out total sur les chiffres.
Or, lorsque des évolutions aussi brutales sont constatées c’est 9 fois sur 10 en raison d’une évolution ou d’un changement technique de l’outil de comptabilisation statistique.
On peut très rapidement synthétiser la situation des outils de comptabilisation des statistiques des sites internet comme suit :
- Certains outils d’analyse statistique s’appuient sur l’analyse des fichiers dits « logs » qui sont les traces techniques de l’activité des visiteurs fournis par le serveur d’hébergement. La plupart des experts sont d’accord pour dire que ces statistiques surestiment certaines données, notamment celle du nombre de visiteurs.
- D’autres outils statistiques sont basés sur l’intégration automatique de code dans les pages web du site (Google Analytics par exemple). Ces outils offrent des données plus complètes et plus diverses mais pas mal d’experts s’accordent sur le fait que ces outils sous-estiment plutôt les statistiques quantitatives d’un site.
Cette analyse est très partielle mais elle permet de comprendre pourquoi des séries statistiques sont brutalement « cassées » par un simple changement d’outil.
Toutefois lorsque l’on a écarté cette raison « technique », des tendances de fond peuvent subsister pour expliquer une baisse régulière d’une fréquentation web alors que le contexte global du e-tourisme est à la hausse.
Mon site est-il visible ?
L’e-tourisme est un secteur florissant en France, la concurrence y est donc particulièrement exacerbée… notamment concernant la visibilité dans les moteurs de recherche et donc le référencement naturel.
La plupart des sites institutionnels du tourisme arrivent à se positionner « facilement » dans les moteurs de recherche sur des données dites « évidentes » comme le nom de leur territoire, mais beaucoup plus difficilement sur des expressions plus complexes.
Hors les internautes tapent de plus en plus directement des expressions complexes de recherche (des combinaisons de 3 à 4 mots) pour gagner du temps dans leur processus de recherche.
Ce travail de visibilité est un travail de fond important : la plupart du temps les textes présentés dans les sites institutionnels sont très proches de ceux des brochures promotionnelles et pas du tout adapté aux bases du référencement naturel.
Combien de ces sites institutionnels disposent de rédacteurs formés en la matière, combien de structures disposent de charte de nommage, combien de structures disposent de budgets importants consacrés au référencement… certainement bien moins que la plupart des sites marchands du secteur et la sanction sur le positionnement dans les moteurs de recherche est immédiate.
Pourtant les sites institutionnels ont beaucoup d’atouts à simplement « activer » pour être bien référencés.
Mon site correspond-il aux attentes des visiteurs ?
Sans rentrer dans des détails trop précis et au-delà des outils et des services de base à avoir sur un site de tourisme (on sait par exemple que l’approche cartographique dynamique devient un standard pour un internaute qui surfe sur un site touristique), on a l’impression que l’on peut scinder les attentes de la demande en fonction d’une évolution temporelle :
- Il y eu la période « informative » : jusqu’à « il y a peu de temps », les internautes utilisaient massivement et prioritairement le web pour rechercher de l’information, comparer des informations… mais ils n’allaient pas massivement au bout de l’acte d’achat. Dans ce contexte les sites institutionnels tiraient bien leur épingle du jeu.
- Maintenant c’est « l’achat » : la tendance d’utilisation du web dans le tourisme va de plus en plus sur des notions de « rapidité » et de « praticité » jusqu’à l’acte d’achat ou de réservation : un site qui ne permet pas d’arriver à ça de manière simple et rapide est de plus en plus zappé. Hors là, les sites institutionnels ont beaucoup plus de mal à se positionner face à des sites marchands.
Beaucoup de travail à accomplir…
On pourrait également évoquer l’impact très important que peut avoir le « web 2.0 » sur la fréquentation d’un site « tourisme » (mais si ce site est mal référencé et qu’il ne correspond pas trop aux attentes des internautes il y a peu de chances qu’il soit « bien vu » dans la vaste sphère du « 2.0 »), mais ça serait trop long et il faudrait y consacrer un article complet.
Globalement on ressent que ce « trou d’air » dans les statistiques de fréquentation de sites institutionnels du tourisme en France est très lié à l’environnement concurrentiel et à un manque d’approche marketing de la problématique.
Il ne suffit plus d’avoir un site internet, d’y expliquer que son territoire est le plus beau et le plus intéressant et d’y mettre le plus de choses possibles… cette époque est révolue, c’est l’internaute qui a le pouvoir, plus l’offreur.
Le site internet d’une destination touristique doit se réfléchir comme un produit avec une approche marketing :
- son positionnement doit être choisi avec application (définir la place que devra occuper le site par rapport aux sites concurrents – l’objectif étant de différencier le site du territoire pour que celui-ci bénéficie d’une place privilégiée dans l’esprit des visiteurs)
- sa visibilité doit être un travail de tous les instants
- ses contenus doivent se réfléchir en terme d’outils et de services pour le visiteur
- sa liaison simple avec la commercialisation de l’offre devient un incontournable.
Lorsqu’on rajoute à tout cela l’impératif de réactivité et rapidité on se demande s’il ne vaut pas mieux se diriger vers des sites moins lourds et moins généralistes, c’est-à-dire beaucoup plus ciblés et plus faciles à moduler et à faire évoluer rapidement.
Bref, « le tourisme ce n’est pas forcément que des vacances ! ».
Camille
4 novembre 2010 à 16:55
Bonjour,
Je réagis suite à la parution de votre article qui m’a paru très intéressant et bien écrit.
J’ai cependant une interrogation : quelles sont vos sources ? et de quand datent-elles ?
Merci beaucoup pour toutes ces informations très intéressantes que vous avez publiées.
Bonne journée,
Camille
V.VIDAL
5 novembre 2010 à 10:41
Bonjour,
cette courte analyse a été réalisée sur des données datant de mi-2009.
Les sources étaient multiples mais officielles et certaines issues en plus du travail de mon cabinet auprès de gros offices du tourisme, de CDT et de CRT et d’accès à leurs statistiques web.
Cdlt.
V.VIDAL
Jean-Michel Rochard
17 décembre 2019 à 14:04
Bonjour,
Suite à cet article de 2009, où en est-on 10 ans après ?
Cordialement,
Jean-Michel
Serge-Henri Saint-Michel
17 décembre 2019 à 18:57
A croire, Jean-Michel, que l’intérêt médiatique est retombé 😉