Le client recherche l’efficacité d’une machine industrielle et un visage humain vers qui se tourner pour avoir une relation personnalisée et être reconnu.
Comment la relation client peut-elle s’adapter aux exigences des consommateurs ? Pistes avec notre interviewé Emmanuel Laybros, Directeur du planning stratégique de l’Agence PéoLéo.
Comment voyez-vous la relation client actuelle ?
La relation client pourrait se définir comme le syncrétisme du contrat transactionnel (l’acte d’achat) et du contrat relationnel (la relation qui s’initie, se développe jusqu’à lui et après lui) proposé par la marque à ses clients. Cette alchimie de la raison et de l’émotion est d’autant plus difficile à réussir aujourd’hui que l’écosystème relationnel ne cesse de se densifier, de se complexifier. En outre, si chaque point de contact constitue une opportunité pour entrer en relation cela est tactiquement délicat à mettre en œuvre.
Pourtant c’est cette stratégie transversale qui définit, structure et rassemble les initiatives des marques mises en place dans le but de construire un lien affectif avec leurs clients. L’action de la marque sur l’ensemble de ses points de contact (en boutique, au téléphone, sur un site, via une application, sur les réseaux sociaux) permet de créer de la préférence sur le long terme et un avantage concurrentiel structurant pour le business.
Dans des systèmes de plus en plus industriels et massifiés, traiter l’exception – le client en tant qu’individu – n’est possible que si l’organisation de l’entreprise est conçue dans ce but. Ceci demande de profondes mutations structurelles des organisations qui ne sont pas nées avec le digital.
Les récents succès de la FNAC démontrent que c’est possible. Dans cette perspective le service client est au cœur de la relation car c’est là que se joue l’épreuve du feu entre la marque et son client. Soit ça passe (on résout mon problème), soit ça casse (je ne suis pas pleinement satisfait). Les clients sont donc aujourd’hui davantage perçus comment des prescripteurs, des leviers de recrutement. C’est alors par la quête de la satisfaction que la relation client permet de conquérir de nouveaux clients.
La relation doit servir la satisfaction client et ainsi favoriser la recommandation sociale. 56% des consommateurs recommanderaient à leur famille et à leurs amis une entreprise offrant un excellent service client*. Dans ce but, l’enjeu actuel est de penser et de déployer une stratégie qui permette de construire une expérience globale omnicanal sans rupture pour le consommateur.
…Et la relation client du futur ?
Les grands chantiers de la relation client sont en marche. Elle permet de dynamiser le trafic en point de vente (retrait en magasin – click and collect), de mieux informer ses clients (Réseaux Sociaux, empowerment des vendeurs), de mieux les servir et plus rapidement (livraison rapide, conseils/services personnalisés)
A l’avenir, les marques auront une démarche d’amélioration de l’existant, recherchant une relation toujours plus personnalisée et interactive.
Cet échange sera possible sous plusieurs conditions.
D’une part, les marques devront savoir bâtir des systèmes de collecte et d’analyse de données pour construire une relation intelligente et individualiser les prises de paroles avec leur client
D’autre part, les consommateurs devront développer l’usage de technologies permettant un échange d’informations avec les marques.
Plus le mobile devient une télécommande de la vie, plus il aura la capacité de resserrer les liens entre le marque et ses clients.
Plus les objets connectés seront adoptés, plus ils permettront de collecter des données d’usage qui permettront d’anticiper les besoins et les envies des consommateurs. Cependant, derrière ce conte de fée, il y a de nombreux freins psychologiques et légaux à lever.
Si un consommateur est prêt à enregistrer son parcours de jogging avec Nike+ pour améliorer ses performances, sera-t-il prêt à enregistrer et à communiquer son parcours de vie sur la simple promesse de recevoir des offres personnalisées ou d’optimiser son pouvoir d’achat ?
Rien n’est moins sûr. Si demain, tous les objets de mon domicile sont connectés – de la balance dans ma salle de bain à mon frigo en passant par mon compteur électrique – si toutes les informations de ma vie vont sur le cloud pour générer du big data via des algorithmes de plus en plus sophistiqués dont la puissance dépendra de la corrélation des bases de données entre elles, je deviendrais un livre ouvert pour les marques.
La vie privée, l’intimité seront des espèces menacées. Elles le sont déjà sur le net mais qu’adviendra-t-il si notre maison devient une simple base de données de plus connectée à toutes les autres ?
Comment dans un tel contexte préserver une distance, un respect, une humanité dans la relation marque / individu ? C’est un enjeu essentiel et une question complexe qui n’ont pas de réponse univoque.
Comment percevez-vous la relation client rêvée par le client ?
Dans le film « Her » la technologie a gommé toutes les « contraintes » quotidiennes de l’individu. Tout est sous contrôle vocal, accessible dans la seconde. Le niveau de compréhension de l’humain par la machine et l’amélioration autonome d’une intelligence artificielle à « visage » humain brouillent totalement la frontière entre le réel et le virtuel.
Dans cette perspective le client ne sait même plus qu’il discute avec un agent conversationnel. A l’inverse, un être humain qui aujourd’hui suit un script conversationnel rigide apparaît comme un robot. Zappos a compris avant les autres que si un humain peut discuter librement avec un autre humain cela crée de la valeur pour la marque.
Le succès des financements collaboratifs, le pre-tail, tend à démontrer que l’individu veut maintenant participer à l’histoire des produits qu’il acquiert. Se faisant il redonne du sens à sa consommation.
Entre les achats courants « programmables » pour lesquels le client recherchera de plus en plus une relation efficiente et les achats « plaisirs » pour lesquels il sera en quête de davantage de sens, la relation sous-jacente sera radicalement différente. D’un côté la machine porte la relation, de l’autre c’est l’humain.
- 64 % des participants s’attendent à bénéficier d’une assistance en temps réel, quel que soit le canal qu’ils choisissent d’utiliser*
- 75 % des consommateurs effectueraient à nouveau des achats auprès d’une entreprise offrant un excellent service client
- 78 % ont déclaré que la réputation du service client d’une entreprise influence leurs décisions d’achat.
Le client attend une expérience pertinente, qui lui fasse gagner du temps ou lui apporte un plus dans sa consommation.
En somme, le client recherche l’efficacité d’une machine industrielle et un visage humain vers qui se tourner pour avoir une relation personnalisée et être reconnu. Un rêve que les marques sont encore loin d’avoir réalisé puisque 87% des consommateurs* pensent que les entreprises doivent en faire plus pour améliorer la relation client.
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Un article de notre dossier Relation client – GRC – CRM
* Source : Le défi du service client omni-Canal – Déc 2013 – Loudhouse / Zandesk
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