Bien que le concept d’open innovation ne soit pas nouveau en soi, cette idée de développement collaboratif a rapidement gagné en popularité au cours des dernières années. Outre les problématiques de coût du travail, de fiscalité et de simplification, l’innovation ouverte permet de créer vite et mieux dans des marchés où les besoins consommateurs se sont complexifiés.
Thomas Edison fut l’un des innovateurs les plus productifs de l’ère moderne. Nous lui devons le phonographe, les micros pour les premiers téléphones, l’ampoule électrique ou encore le premier studio de cinéma. Les historiens s’accordent d’ailleurs pour dire qu’il est à l’origine de l’industrialisation de l’innovation. Mais toutes ces innovations n’auraient sûrement pas été possibles s’il n’avait pas collaboré avec des acteurs très divers dans les domaines tant scientifiques qu’économiques et politiques. Cet inventeur n’avait jamais envisagé l’innovation comme une démarche purement isolée.
Utilisée pour la 1ère fois en 2003 par Henry Chesbrough, professeur et directeur du centre de recherche pour l’innovation de l’université de Berkeley en Californie, l’expression open innovation suggère que « l’intelligence collective est différente de la somme des intelligences individuelles qui la composent ». Selon le philosophe Pierre Lévy (Editions La Découverte – 1997), l’intelligence collective repose sur un double postulat. « Le premier suppose que tout être humain est détenteur d’une intelligence individuelle à laquelle il peut faire appel. Le second est qu’il existe une forme d’intelligence, dite « collective », susceptible de dépasser, en les intégrant, les intelligences individuelles et les savoirs spécialisés ». L’unique moyen de relever les défis auxquels les entreprises font faces sur leur marché consiste donc à s’ouvrir, à mettre en œuvre des collaborations et à démarrer une dynamique d’open innovation.
L’ouverture comme réponse à la complexité
Depuis l’époque Edison, l’économie et les processus se sont complexifiés. La digitalisation de l’information a accéléré les cycles d’innovation mais également rendue les consommateurs plus critiques. Les marchés sont devenus plus concurrentiels et plus volatiles. Les offres de produits se sont enrichies. Les technologies sont devenues plus complexes. Par exemple, un « Smartphone » est couvert par près de 300 brevets différents ! Pour les entreprises voulant maitriser de A à Z leur processus d’innovation les choses sont donc devenues plus compliquées.
La popularité récente de l’innovation ouverte peut s’expliquer par plusieurs raisons. Les grandes entreprises réalisent à leurs dépens que les startups arrivent à imaginer très rapidement des innovations de rupture et créer de nouveaux marchés en forte croissance. Elles sont ainsi prises de vitesse, freinées par leur organisation, leur structure hiérarchique et leurs habitudes. Conscientes de cette situation, elles cherchent à faire émerger une intelligence collective qui s’apparente à celle qu’on retrouve dans « l’esprit startup ». D’ailleurs dès l’émergence de ce nouveau process aux Etats-Unis, la part des dépenses en R&D par les entreprises de plus de 10 000 employés a fondu, passant de 77% à 53% du total des dépenses dans l’industrie américaine et plus récemment, un sondage a démontré que plus de 70% des entreprises américaines sont converties à cette nouvelle pratique. Aujourd’hui une entreprise performante est donc une entreprise qui a les capteurs complétement ouverts sur l’extérieur. La Directrice du développement chez Procter and Gamble a ainsi déclaré : « Nous travaillons avec une grande équipe, nous avons 7500 chercheurs en R&D mais même avec cela nous ne pouvons pas avoir toutes les idées. Les entreprises les plus connectées sont les gagnantes. Le monde change et nous voulons être connectés à ses idées d’innovation ».
Le consommateur, grand gagnant de l’open innovation ?
Depuis Henry Chesbrough, deux notions sont généralement distinguées : l’innovation et l’invention. Les deux termes ont en commun la nouveauté, mais l’innovation déclenche l’acte d’achat auprès d’un segment de consommateurs déterminés. Autrement dit l’innovation suppose de comprendre les consommateurs : identifier leurs espérances, leurs joies, leurs rêves, leurs besoins et en même temps parvenir à les anticiper. Il s’agit donc ici d’avoir de « l’empathie » pour le consommateur afin de lui proposer un produit le plus en affinité avec ses attentes. D’ailleurs le processus d’innovation « Design thinking » développé par l’université Standford aux Etats-Unis intègre cette étape.
Les consommateurs deviennent donc un maillon essentiel dans le processus de développement. Pour favoriser la créativité dans la création ou le repositionnement d’un produit, d’une marque, d’un packaging ou d’une stratégie de communication, certains intermédiaires de l’innovation les mobilisent. C’est le cas de la startup eYeka, qui permet aux entreprises de déposer en ligne un brief présentant leur demande, puis aux consommateurs contributeurs d’imaginer la réponse à ce brief, qu’il s’agisse de repenser un produit, créer un nouveau concept, un nouveau design ou un support de communication.
Que faire pour conserver une relation équitable et payante ?
L’innovation ouverte semble plus que jamais s’implanter au sein de plusieurs industries, tant auprès des petites que des grandes entreprises. Dans un tel contexte, il devient donc très important pour ces dernières d’être conscientes des risques associés à l’innovation ouverte tout autant que les bénéfices potentiels associés à cette méthode. Une approche bien encadrée pourra permettre de profiter de l’expérience et de l’expertise de partenaires externes, et de raccourcir grandement la durée des étappes précédant la commercialisation.
Foncer tête baissée dans l’innovation pourrait, à l’inverse, être une grave erreur pour une jeune entreprise dont les actifs de valeur sont les innovations en cours de développement. Si cette démarche est mal encadrée, elle pourrait en effet faire perdre tout avantage concurrentiel et retirer toute exclusivité aux innovations. Il est donc primordial d’intégrer dès le départ les enjeux de propriété intellectuelle en amont du processus. « Quand une PME s’allie avec un grand compte, c’est parfois le pot de terre contre le pot de fer » a déclaré Jean-Christophe Saunière, associé du cabinet PWC. C’est pourquoi certaines grandes entreprises font tout pour dissiper les craintes légitimes des startups engagées dans ce programme. Nous pouvons citer l’exemple d’Alstom Transport qui, dans le cadre d’un vaste programme de co-innovation établi avec près de 80 PME, s’est engagé dans la structuration d’un système totalement transparent et participatif et ce dans un objectif précis : favoriser une collaboration gagnant-gagnant !
Auteur : Guillaume Chapelle
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Un article de notre dossier Marketing & innovation
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(c) ill. Design thinking Stanford : http://www.blendmylearning.com