La mention « photographie retouchée » est entrée en vigueur le 1er octobre 2017. Elle sera obligatoire sur toute photo de corps humain retouchée.
Quelles sont les conditions et le périmètre d’application de la mention « publicité retouchée » telle que rendue obligatoire par la loi 2016-41 du 26 janvier 2016, dans les conditions précisées par le décret d’application 2017-738 du 4 mai 2017 ? Quelles peuvent être les sanctions si les annonceurs ne respectent pas cette nouvelle législation ?
Réponses avec nos interviewées, Gaëlle Bloret-Pucci, Avocat associé, BCTG Avocats AARPI et Georgina van der Heijden, Avocat, BCTG Avocats AARPI.
Qu’entend le législateur par « photographie retouchée » ?
L’article 19 de la loi n°2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, dont l’objectif est de combattre les troubles alimentaires tels que l’anorexie, a inséré un nouvel article L.2133-2 au Code de la Santé publique obligeant désormais les annonceurs à faire figurer la mention « photographie retouchée » sur toute photographie à usage commercial de mannequins « dont l’apparence corporelle a été modifiée par un logiciel de traitement d’image afin d’affiner ou d’épaissir la silhouette du mannequin ».
Le texte s’applique donc aux retouches apportées au corps des mannequins photographiés ayant eu pour effet d’amincir ou d’épaissir leur silhouette.
L’application d’un simple filtre de couleur, de même que les retouches destinées à « lisser », en effaçant par exemple des défauts de la peau, ou encore les retouches portant exclusivement sur le visage, ne sont a priori pas concernées par cette nouvelle obligation légale.
Les mentions légales doivent-elles respecter des normes précises ?
Tout à fait. Le décret d’application de la loi (décret n°2017-738 du 4 mai 2017) précise que la mention « Photographie retouchée » doit être apposée de « façon accessible, aisément lisible et clairement différenciée du message publicitaire ou promotionnel ».
Ce décret renvoie en outre aux règles et usages de bonnes pratiques définis par l’Autorité de Régulation Professionnel de la Publicité (ARPP), laquelle a édicté une recommandation générale qui précise que les mentions et renvois doivent toujours figurer à l’horizontale, dans une taille adaptée au support, une police aisément lisible et une couleur contrastant avec le fond de la publicité.
Cette nouvelle obligation s’applique à toute photographie insérée dans un message publicitaire que celui-ci soit diffusé par voie d’internet, d’affichage, de publications presse, par correspondance et imprimés publicitaires. En revanche, les films publicitaires, notamment diffusés à la télévision, ne sont pas concernés.
Quelles sont les pénalités encourues en cas de non-précision ?
La sanction prévue par la loi est une amende de 37.500 €, étant précisé que ce montant peut être porté à 30% des dépenses consacrées à la publicité, ce qui peut représenter, pour des campagnes d’envergure, des sommes significatives.
Au-delà de ces sanctions, le non-respect de cette nouvelle obligation pourrait également caractériser une pratique commerciale déloyale au préjudice de concurrents de l’annonceur, susceptible d’entraîner un retrait des supports non conformes et le versement de dommages et intérêts.
Et c’est bien l’annonceur sur lequel pèse la responsabilité principale de s’assurer que « les photographies à usage commercial qu’il achète en direct ou par l’intermédiaire de différents prestataires ont fait l’objet ou pas d’une modification » au sens de la loi ; quitte à ce que l’annonceur se retourne ensuite contre son agence marketing.
C’est également l’annonceur qui est susceptible de subir une atteinte à son image et à sa réputation dans l’esprit des consommateurs.
Qui sera le garant de l’appréciation des mentions et de l’application de cette règlementation ?
Le décret du 4 mai 2017 a bien précisé les modalités d’application de l’article L.2133-2 du Code de la Santé Publique, qui sont décrites par les nouveaux articles R.2133-4 à R.2133-6.
En revanche, le décret est resté muet sur les modalités de contrôle de cette nouvelle obligation, et en particulier sur l’organe qui en serait chargé (tel que l’ARPP).
En pratique, et à ce jour, les agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) ne sont pas directement habilités à rechercher et constater les infractions ou manquements à cette nouvelle disposition légale. Néanmoins, ils pourraient sans doute se saisir de cette question par le prisme des dispositions du Code de la consommation relatives aux pratiques commerciales trompeuses.
Quant à l’ARPP, elle pourrait également avoir un rôle à jouer, en particulier par l’intermédiaire du Jury de déontologie publicitaire, qui reçoit les plaintes émises à l’encontre de publicités ou de campagnes susceptibles de contrevenir aux règles de déontologie publicitaire.
Pourrait-on voir des collectifs ou des particuliers porter plainte ?
Des collectifs pourraient tout à fait dénoncer le non- respect de cette obligation légale, sous réserve de justifier qu’une telle dénonciation relève bien de leur objet social. On pourrait imaginer, par exemple, que des associations de lutte contre l’anorexie se saisissent de ce sujet.
Les particuliers pourraient eux-aussi se plaindre de l’absence de respect de la disposition légale.
Enfin, comme indiqué, les concurrents de l’annonceur pourraient reprocher à ce dernier de ne pas respecter cette disposition légale, au motif que cette pratique serait déloyale à leur égard en ce qu’elle lui accorderait un avantage par rapport à ses concurrents respectueux de la législation.
Quels sont les impacts organisationnels de cette mesure sur les annonceurs ?
Une question essentielle va concerner, à notre avis, celle de la preuve des retouches ou de l’absence de retouches. Les annonceurs ne sont pas nécessairement informés de l’existence ou non de retouches sur les supports de communication finalisés qui leur sont livrés.
Cette nouvelle obligation légale va les obliger à exiger de leurs agences et prestataires que ces derniers leur garantissent la livraison de photographies « non retouchées » ou, à tout le moins, les avertissent de l’existence de telles retouches quand il y a lieu.
Sans doute les contrats devront-ils être adaptés sur ce point, y compris également, au-delà des agences, avec tous les partenaires des annonceurs tels que notamment les Influenceurs dont les posts sont, dans certaines conditions, considérées comme des publicités avec toutes les conséquences légales qui en découlent.
Du coup, le rôle de compliance officer émergera-t-il chez un nouveau type d’annonceur ?
Sans aller jusque-là, il est incontestable que la législation sur les communications commerciales et publicitaires s’étoffe régulièrement de nouvelles règles qui exigent des annonceurs une vigilance juridique particulière.
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(c) Ill. DepositPhotos NDLR : illustration nous permettant de ne pas tomber sous le coup(eret) de la loi 😉