Marchés et cibles

Made in France : vraie valeur ou vraie cosmétique ?

Quelles sont les motivations des consommateurs à acheter des produits Made in France à l'heure où ils louvoient entre communication et langue de bois des industriels, et critères objectifs encadrés par l’État et ses séides ? D'ailleurs, comment peut-on affirmer ou justifier qu'une marque est française ? In fine, ces produits relèvent-ils d'une stratégie économique ou d'une stratégie marketing ?

Définition des « marques françaises » et motivations des consommateurs à acheter des produits Made in France. Stratégie économique ou stratégie marketing ?

Quelles sont les motivations des consommateurs à acheter des produits Made in France à l’heure où ils louvoient entre communication et langue de bois des industriels, et critères objectifs encadrés par l’État et ses séides ? D’ailleurs, comment peut-on affirmer ou justifier qu’une marque est française ? In fine, ces produits relèvent-ils d’une stratégie économique ou d’une stratégie marketing ?

Les critères permettant à une marque de se définir comme française

Deux types de discours, appuyés sur des bases radicalement distinctes, permettent aux marques de s’affirmer françaises.

Se définir comme une marque française : les allégations commerciales

1111 Citations de Stratégie, Marketing, Communication, par Serge-Henri Saint-Michel

Les allégations commerciales sont de « simples » déclarations. Des affirmations. Donc des outils d’information prompts à la manipulation.

En France, le marquage d’origine des biens de consommation, hors certains produits agricoles et alimentaires est facultatif. Mais si le produit correspond à la  définition du « fabriqué en France » au sens du Code des douanes (c’est-à-dire si un pourcentage significatif de sa valeur ou ce qui lui donne ses caractéristiques  essentielles résultent d’opérations de transformation réalisées en France), le producteur est en droit d’y apposer une indication valorisant son origine française ou  évoquant une fabrication française (par exemple « Fabriqué en France », « Made in  France », « Produit français »).

Toutefois, ce genre d’indication relève de l’allégation commerciale et reste purement déclarative si les indications ne sont pas adossées à un cahier des charges précis et ne font pas l’objet de contrôles spécifiques. Ces indications se matérialisent fréquemment par l’usage de symboles de la France ou des couleurs nationales (drapeaux, carte de France, monument…).

Les indications « designed in » ou « conçu à » ne signifient pas à elles seules que le produit est fabriqué en France.

Dans le même ordre d’idée, un nom commercial d’entreprise faisant  référence au territoire national, à une région ou à  un terroir, ne signifie pas nécessairement que sa  production ou les articles qu’elle commercialise  soient d’origine française.

Les allégations commerciales naviguent donc entre objectivité (localisation de l’entreprise) et inductions (cette localisation renvoie à des valeurs qui peuvent être usurpées). Autrement dit, les allégations s’appuient sur une dénotation objective et sur des connotations positives pouvant être fallacieuses. En somme, une manipulation cognitive et des affects propulsée par des stéréotypes. De là à dire qu’il s’agit d’une escroquerie…

Adoptez un livre

Toute marque peut dès lors s’affirmer française. Critères objectifs et subjectifs ne semblent pas systématiquement participer à une clarification du marché et des choix consommateurs… Ainsi, afin de contrebalancer la prolifération des indications et des marques (noms, logos) d’origine purement déclaratifs, considérés comme des allégations commerciales parfois sans  réalité ni contrôle par des organismes accrédités, des  professionnels ou des structures privées créées ad hoc ont  pris l’initiative de concevoir et de délivrer des « labels » aux  entreprises désireuses de faire valoir l’origine française de  leur production.

Être défini comme une marque française : les labels d’origine

Pour déterminer l’origine d’un produit, doit-on prendre  en compte l’origine des matières premières (dont  beaucoup ne sont pas disponibles en France comme  le coton), ou seulement les étapes de fabrication ? Ces dernières peuvent d’ailleurs ne pas toutes être  réalisées sur le même lieu, ce qui suppose d’identifier  les plus déterminantes dans l’élaboration du produit.

De plus,  certaines  activités  comme  la  recherche  et  le développement, peuvent représenter une part  importante de la valeur ajoutée d’un bien. Les labels présentés ci-dessous veulent apporter une  réponse à ces questions ; ils reflètent la variété des critères.

Origine France garantie

Label Origine France Garantie

Label Origine France Garantie

Le label Origine France Garantie a été présenté à l’Assemblée nationale le 19 mai 2011. Pour obtenir ce label, le produit fabriqué doit respecter les deux critères suivants :

  • Le lieu où le produit prend ses « caractéristiques essentielles » est situé en France
  • 50% au moins du prix de revient unitaire est acquis en France

Des annexes sectorielles définissent  pour certains produits (lunettes,  habillement, textile, automobile…)  des critères spécifiques  supplémentaires.

Notons que les critères du label Origine France Garantie sont indépendants de la notion de l’origine des marchandises, utilisée par les services douaniers pour calculer les droits de douane.

Les AOC et les AOP

La notion de terroir fonde le concept des Appellations d’origine qui peuvent être classées en deux catégories :

  • L’Appellation d’origine protégée (AOP) désigne un produit dont les principales étapes de production sont réalisées selon un savoir-faire reconnu dans une même aire géographique, qui donne ses caractéristiques au produit. C’est un signe européen qui protège le nom du produit dans toute l’Union européenne.
  • L’Appellation d’origine contrôlée (AOC) désigne des produits répondant aux critères de l’AOP et protège la dénomination sur le territoire français. Elle constitue une étape vers l’AOP, désormais signe européen. Elle peut aussi concerner des produits non couverts par la réglementation européenne (cas des produits de la forêt par exemple).

Les indications géographiques locales

A ce jour, seuls les produits naturels, agricoles et viticoles peuvent bénéficier d’indications géographiques. La loi Consommation crée les indications géographiques pour les produits manufacturés et les ressources naturelles.

Une indication géographique met en évidence un lieu ou une région de production précis et détermine les qualités caractéristiques du produit originaire de ce lieu. Ce dispositif améliore la transparence pour le consommateur sur l’origine et le mode de fabrication des produits, reconnaît et met en valeur des savoir-faire, et valorise nos « made in » locaux.

Indication Géographique France

Indication Géographique France

Deux indications géographiques peuvent être distinguées :

  • Les Indications géographiques protégées (IGP). Jusqu’en 2015, seuls les produits naturels, agricoles et viticoles pouvaient bénéficier d’indications géographiques, au niveau européen, les Indications géographiques protégées (IGP), homologuées par l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité). Elles sont liées à un savoir-faire.
  • Les Indications géographiques (IG). Ce dispositif mis en place au niveau français depui s2015 s’adresse à tous les autres produits, manufacturés, artisanaux ou ressources naturelles. La principale différence dans la procédure réside dans le fait que les Indications Géographiques sont homologuées par l’INPI (Institut national de la propriété industrielle), c’est-à-dire l’organisme en charge de l’enregistrement des marques et des brevets, soit  des titres de propriété industrielle.
Produit en Bretagne

Produit en Bretagne

Produit en Bretagne
Les produits doivent être fabriqués  dans une unité de l’entreprise  située en Bretagne et avoir fait  l’objet d’une transformation jugée  comme substantielle par un comité.

Terre textile

75% des étapes  de fabrication du produit textile doivent  avoir été réalisées dans l’aire  géographique regroupant l’Alsace et le massif vosgien.

Entreprise du patrimoine vivant (EPV)

Cette marque interprofessionnelle de reconnaissance de l’État a été mise en place pour distinguer  des entreprises françaises aux savoir-faire artisanaux et industriels  d’excellence, et attachées à  une implantation géographique  historique. Néanmoins, le label EPV ne signifie pas que tous les produits  de l’entreprise soient fabriqués  en France, même s’ils portent implicitement une valeur  d’authenticité et de savoir-faire  français.

Nous pouvons aussi évoquer le savon de Marseille (jouets), Je joue français, Esprit de Thiers (coutellerie)…

Ces signes de provenance objectifs répondent à un cahier des charges et à un audit / vérification annuel ou tri-annuel.

Les bénéficiaires de ces labels ne sont pas nécessairement des entreprises « françaises » au sens capitalistique du terme : le label porte sur tout ou partie de la production, voire sur l’entreprise, mais il ne concerne jamais la structure capitalistique.

Les motivations du consommateur à acheter une marque française

Les motivations du consommateur à acheter une marque française sont du même ordre et obéissent à la même structure que la sélection de toute marque.

Ainsi, l’achat est mû par des motivations psychologiques, fortement personnelles : conviction, engagement, coup de cœur, sentiment, remise en mémoire, recherche de qualité…

Il est aussi influencé par des motivations symboliques et d’auto-expression (valeur signe, « affichage » de ses choix) : geste politique, geste citoyen et solidaire revendiqué… parfois en toute objectivité, si un label est proposé.

Ces motivations sont de plus le résultat du parcours personnel et de la situation de chaque client (pouvoir d’achat, situation professionnelle, vision du monde, valeurs et culture…) et d’une pression de l’environnement sur le consommateur : la crise, les délocalisations, le développement urbain sont d’excellents terreaux de fertilisation des approches du marketing du Made in France qui vend de la réassurance, de la nostalgie du savoir-faire d’autrefois érigés en illustration du bon goût et du politiquement et économiquement correct. Et c’est sans compter les injonctions à acheter local, à préserver nos emplois, à lutter contre l’ennemi extérieur – la mondialisation. L’achat Made in France mêle donc militantisme et propagande, idée de « faire le bien » et idéologie.

Le Made in France, une stratégie économique ou marketing ?

Le marketing façonne les marchés pour développer l’acceptation de l’offre par le consommateur qui, à son tour, influe sur les marchés. Le Made in France n’échappe pas à ce rôle de bulldozer et de traceur de voies du marketing.

Élasticité de la demande pour les produits Made in France

Rappelons que le consommateur achète à la fois une marque et un produit. Se pose alors la question de la valeur économique supplémentaire que la marque Made in France apporte à un produit. En somme, si deux produits sont absolument identiques, quel supplément de prix le produit français peut-il tolérer ? 20% ? Cela dépend évidemment de l’offre, du marché, et de l’élasticité de la demande, de la sensibilité des consommateurs au prix.

Les intervenants du Made in France cherchent à revenir sur leurs investissements en communication ou en labellisation (ROI). Ils répercutent donc ces coûts dans le prix final des produits. Les industriels pensent aussi que le Made in France mérite d’être payé par le consommateur. Et ils font tout pour valoriser (dans les deux sens du mot : donner plus de valeur, distinguer) leurs produits qui, in fine, arrivent en points de vente plus chers que leurs concurrents Made in ailleurs.

Jouer un jeu commun pour que chacun soit gagnant

Mais envisageons le sujet sous un autre angle. Et si la valeur apportée par la marque Made in France n’était pas répercutée dans le prix ? Là il y aurait probablement un impact énorme sur la demande, d’autant plus conséquent que nous pensons que nous sommes de plus en plus sur des marchés à la demande élastique. Nous sommes convaincus que la création de valeur en matière de marketing de la provenance peut ne pas s’accompagner d’une hausse des prix.

Dans ce cas, la stratégie marketing aurait pour fonction de mettre en avant des produits Made in France, et pas d’augmenter les prix. La stratégie économique servirait alors autant la collectivité (maintien de l’emploi, affirmation d’un savoir-faire local…) que les marques porteuses du Made in France et les consommateurs acheteurs. Le Made in France n’a-t-il pas été conçu à l’origine pour cela ?

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Cet article a été écrit en vue de mon interview dans La quotidienne, France 5 du 3 décembre 2015.

Pour aller plus loin :

(c) Ill. Shutterstock

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