Mark Watkins, Président de Coach Omnium, Président-fondateur du Comité pour la Modernisation de l’Hôtellerie Française et rédacteur d’un livre blanc sur le même sujet, nous confie sa vision du marché de l’hôtellerie et du marketing hôtelier.
Vous relevez un « appauvrissement tant du produit hôtelier que du service » ; pouvez-vous préciser ?
L’hôtellerie française souffre d’un retard de modernité dans son offre par rapport à l’habitat et à l’immobilier de bureaux pour presque 2/3 du parc, compte tenu de l’évolution des modes de vie de ses clients. Il ne faut pas se laisser abuser par les chantiers intenses de rénovations des grands hôtels de luxe, dont on parle beaucoup. Ils ne sont pas suivis par la majorité des autres gammes d’hôtellerie, y compris dans les chaînes qui ont fait concevoir de belles chambres-type, mais lesquelles ne sont que peu déployées sur le terrain. La crise économique et les nouvelles réglementations aux investissements non productifs ont aggravé cette situation du vieillissement du parc hôtelier français. Quant aux réformes, comme le plan de modernisation de l’hôtellerie française lancé par le précédent gouvernement ou encore le nouveau classement (les étoiles), ce sont des échecs car leurs conditions de mise en place ne sont pas adaptées au secteur, ni à la clientèle. De toute façon pour ce qui concerne les étoiles, il n’y a plus qu’un client sur cinq qui en tient compte lorsqu’il recherche un hôtel et encore ce n’est pas le premier critère.
Qu’entendez-vous par « dumping tarifaire généralisé » ? Qui le pratique ? A quelles fins ?
Internet, et finalement tous ceux qui vendent sur le Net (chaînes, hôteliers, agences de voyages en ligne, etc.), a obligé les hôteliers, comme dans presque tous les autres secteurs d’activité, à faire bouger leurs prix en permanence. Or, 93 % des clients d’hôtels passent par Internet pour trouver un ou des hôtels où séjourner. Comme le prix est devenu le premier critère et référence pour choisir un hôtel pour 76 % de la clientèle et que 6 sur 10 trouvent que les hôtels sont trop chers, les prix ont eu tendance à baisser, en même temps que les taux d’occupation hôteliers. Le problème est que personne ne sait plus quel est le juste-prix pour une prestation hôtelière, car les tarifs changent constamment avec des écarts parfois très importants. Du coup, les consommateurs ont parfois le sentiment — à tort ou à raison — de se faire avoir. Mais on retrouve cette perception dans la plupart des autres offres liées au tourisme : location de voitures, aérien, etc.
La détermination des prix faciaux des chambres semble, disons, … souple. Prêchez-vous pour plus de professionnalisme en la matière ? Comment les hôteliers peuvent-ils alors s’y prendre ?
Ne pas appliquer des tarifs fluctuants est désormais impensable, que l’on vende via Internet ou via d’autres canaux. Hélas, les hôteliers indépendants sont encore très mal à l’aise avec cette pratique — que l’on appelle le yield management — tandis que les chaînes l’ont adoptée depuis longtemps. Il est difficile de résister à une tendance à la baisse des prix. Mais avec une prestation confortable dans chaque gamme et un hôtel bien tenu, les tarifs peuvent être acceptés par les voyageurs comme légèrement plus élevés. Il est clair que les hôteliers doivent suivre la demande en continu et savoir écouter ce que disent leurs clients, d’autant plus que ces derniers ne s’expriment pas nécessairement en direct sur ce sujet des prix. Plus largement, le travail sur les prix devient secondaire face à la nécessité de développer une commercialisation musclée. Malheureusement, seulement 2 hôteliers sur 10 sont actifs commercialement, les autres ne développent aucune commercialisation ou encore sont simplement passifs, en attendant le client qui vient de moins en moins facilement tout seul.
Les hôteliers indépendants sont à moins de 55% de TO et « la moitié sont en déficit ». Quelles pistes de redéploiement conseillez-vous ?
Le mal de l’hôtellerie indépendante est d’exploiter des hôtels désormais trop petits. Avec moins de 40 chambres en moyenne, il est difficile de s’en sortir économiquement, car le seuil de rentabilité a considérablement augmenté depuis ces 15 dernières années. Un établissement hôtelier a près de 90 % de charges fixes. Or, la majorité des hôtels indépendants — 3 sur 4 — sont en dessous de ce niveau de capacité. L’autre souci est le manque de dynamisme commercial des hôteliers, comme expliqué précédemment. Enfin, le vieillissement du parc hôtelier fait évidemment fuir la clientèle. Pour inverser la tendance, il faut s’activer sur ce registre de la commercialisation et de la promotion, moderniser l’offre et chercher à exploiter des hôtels plus grands. Encore faut-il trouver l’argent pour financer ces priorités.
Dans certaines zones, les « investissements non productifs » comme l’accessibilité aux handicapés, ne sont-ils pas, au-delà de leurs coûts, un élément de positionnement et d’image, donc de différenciation ?
Les réglementations sur la sécurité incendie ou l’accessibilité sont une bonne chose et ne peuvent en soi être contestées par rapport à leur vocation. Mais elles ont pour lourds inconvénients de coûter énormément d’argent, au moment où on n’en trouve pas facilement, et d’être des investissements qui ne se voient pas. Elles engendrent des travaux qui se font au détriment du confort visible par la clientèle. Par exemple, une porte coupe-feu est indispensable, mais ce n’est pas un élément de confort. Enfin, ces normes sont des rochers pour écraser une fourmi car leur contenu est très exagéré et par dessus le marché très interprétable par les commissions administratives qui visitent les hôtels, avec le risque d’investissements inutiles, de perte de temps et de pas mal d’énervements chez les hôteliers. Il faut ajouter encore une fois que si la règlementation sur l’accessibilité est noble par rapport à ceux pour qui elle est faite, les hôtels français ne reçoivent que 3 handicapés moteur sur 1.000 clients, même si cette loi concerne les autres handicaps.
Un millier d’hôtels disparaît chaque année. A quoi ressemblera le parc dans 3 ans ?
Le parc hôtelier voit une désertification de son offre en milieu rural et de montagne. Cela signifie que l’on trouvera à terme des hôtels placés surtout en milieu urbain et surtout de plus en plus chers. Car parallèlement à ces disparitions, l’hôtellerie en se rénovant, se repositionne dans la gamme immédiatement supérieure, avec des prix qui suivent le même mouvement.
—————-
Parc hôtelier classé en France
Parc hôtelier classé au 16 novembre 2012, pour un total d’environ 20.000 hôtels en France :
- 1* : 553 hôtels
- 2* : 3.973 hôtels
- 3* : 4.861 hôtels
- 4* : 1.310 hôtels
- 5* : 247 hôtels
Total : 10.944 hôtels (54,7 % de l’offre) – Source Coach Omnium
—————-
Lire notre dossier Marketing et hôtellerie
Teatrium
11 janvier 2013 à 12:53
Les locations entre particulier se développent de plus en plus. Dormir chez l’habitant est un concept qui est à la mode et les chambres proposées sont au même niveau qu’un hôtel 2 ou 3 étoiles. Les consommateurs préfèrent louer directement chez l’habitant, pour le même confort qu’un hôtel standard. La notion de partage et de responsabilité social sont des notions qui vont être au centre de l’année 2013