Durable et non-marchand

Marketing et vulnérabilité

Réflexion sur le devenir du marketing et du management. Y a-t-il des marketeurs Indignés ? Dans la vie, comme en marketing, la vulnérabilité est un gain, pour qui sait l’utiliser.

Sauf erreur, le Marketeur est aussi un être humain, n’est-ce pas ? Il me semble donc logique d’avoir des émotions et des besoins sociaux. Comment faites-vous alors, face aux pressions du marché et de son binôme Performance – Croissance ? D’un côté, vous avez un métier et des objectifs à atteindre, et de l’autre vous êtes une personne qui a d’autres besoins.

Le métier de marketeur, comme le marketing, risque de disparaître. L’informatique prend « votre place », jusqu’à être encore plus performante que vous dans les collectes de données clients. Les besoins ont été déplacés : on cherche d’avantage à répondre aux besoins de l’entreprise elle-même que de ses clients, devenus des objets de leurs ressources. Le client n’est plus un consommateur, mais un jeteur-zappeur grâce à l’obsolescence programmée des produits : on change, on jette le produit, sans qu’il soit usé ou rentabilisé par l’acheteur.

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1111 Citations de Stratégie, Marketing, Communication, par Serge-Henri Saint-Michel

Réflexion sur le devenir du marketing et du management. Y a-t-il des Marketeurs Indignés ?

Côté mondialisation, les régulateurs mondiaux du social et de l’économie, comme le Conseil de l’Europe (C.E), semblent s’inquiéter sans trop vouloir ou pouvoir bouger : en octobre dernier, la Charte Sociale Européenne (CSE) fêtait ses 50 ans, avec très peu d’échos médiatiques. Ce traité issu du C.E devient gênant car « la crise pousse à s’interroger sur le respect de ce texte et des droits à appliquer… La crise économique peut devenir un désastre social si on laisse fondre la charte de 1961 », relève l’un de ses dirigeants. Autre remarque intéressante, le très respecté CESE (Conseil économique et social européen) rend des avis et directives pertinents : pour dix d’entre elles, une seule concerne le social.

Côté crise, les salariés paient aussi les pots cassés : une récente étude Australienne prouve qu’actuellement certains emplois sont pires pour le bien-être mental que l’absence de travail !

Enfin, la dernière enquête européenne sur les conditions de travail a mis en évidence que 28 % de salariés européens déclarent leur santé affectée par des problèmes de stress au travail, ce qui en fait, derrière les maux de dos, le deuxième problème déclaré de santé au travail.

Le marketing est vulnérable

Un journal de Management rapporte que plus de 70 % des cadres estiment être tendus en raison de leur travail. Face à un niveau de stress croissant, 46 % se sentent découragés et 30 % d’entre eux envisagent de quitter leur poste.

Même si, malheureusement, certaines directions commerciales et marketing continuent à voir le consommateur comme cible à manipuler et à presser, certains s’aperçoivent qu’ils le sont eux aussi. Mais c’est là que réside le problème : ils deviennent vulnérables pour l’entreprise.

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La vulnérabilité est devenue une menace économique

Il n’y a pas si longtemps que cela, l’entreprise était le lieu d’épanouissement de l’employé. Si les conditions de travail des cadres, dans les années 50, n’étaient pas toujours simple, voire fatigantes, il n’était pas rare que l’employé fut fier de son patron, auteur de progrès pour toute la famille. Sans rentrer dans la nostalgie, l’entreprise, pourvoyeur de la famille sur plusieurs générations, était un facteur de lien social et d’intégration par le travail.

Les années 60 ont ébranlé les acquis et les formules toutes faites, qu’elles soient morales, religieuses, et éducatives, mais aussi politiques. Les acteurs de l’économie en voulaient plus, et ont réclamé plus de libertés. On ne voulait plus de politiques totalitaires… mais on voulait plus de liberté dans l’économie.

L’économie libérale est née pour devenir un marché florissant. Dans les décennies qui suivent, la compétition industrielle a engagé une production mondiale, qui pour continuer à faire du profit, a créé l’obsolescence des produits pour produire plus, et donc gagner plus d’argent. La frontière nationale ne suffisait plus, la mondialisation est née.

Cette mondialisation, commencée dans les années 90, a ouvert la porte à un nouvel acteur du capitalisme : il n’est pas ou plus économique, mais financier, dominant à la foi les États et l’économie réelle, pour devenir un capitalisme de spéculation, où le FMI, la Banque Centrale et l’OMC deviennent des décideurs majeurs devant les communautés nations.

Et internet est passé par là, éliminant les distances, et raccourcissant le temps. La « communication » pieuse et souhaitée entre les gens, a disparu au profit du court terme devenant un outil redoutable : l’urgence de l’action et de l’information sert la performance réclamée, plus seulement par le patron, comme avant, mais aussi par les actionnaires, et donc majoritairement les financiers.

Aujourd’hui, au lieu de voir si ce marché est utile à la communauté, la tendance est à la peur d’être vulnérable. L’actionnaire a peur de perdre ses investissements et ses dividendes. De fait, cette pression est transmise à l’entreprise, devenue un objet de ressource, et bien évidemment à l’employé, qu’il soit cadre ou pas. L’employé, qui naguère était la fierté de l’entreprise, devient une menace potentielle. S’il n’est pas performant, il devient la cause du déficit de l’entreprise. Cette vulnérabilité là, n’est pas admise ; c’est une menace économique.

Être un objet de ressources

Au commencement de notre vie, tout était beau… Nous étions rassurés dans les bras de notre maman. Mais ce commencement n’a pas été vraiment sevré, puisqu’il fallait apprendre, travailler, consommer et financer la croissance assez rapidement. Pas la nôtre, bien sûr, mais celle de l’économie de marché, car il n’y a pas le temps d’avoir nos propres réponses sur les Qui – Quand – Comment – Pourquoi ? Pas le temps pour savoir être. Seules les réponses aux questions que nous n’avons pas posées sont là. Réponses toutes faites des prophètes de la finance, de l’économie de marché et du savoir. Savoir-faire est plus important que savoir être car cela crée des questionnements et des soucis de management. Donc !?… : Mieux vaut être un marketeur performant, qu’un cœur et une personne qui a des émotions.

Et c’est ainsi que nous sommes devenus les objets de ressources d’un système économique qu’on ne comprend plus très bien : Il nous fatigue, nous stresse, nous rend malade, faible et solitaire. Mais comme la majorité est comme ça, cela doit être normal. Et anormal d’avoir des faiblesses de parcours.

Pour qu’une population entière d’un pays reste finalement dans ce format, nous nous devons de « financer la croissance », entendez, la croissance économique, et pas de la vie humaine. Vous n’avez pas besoin de grandir et de chercher un peu de lumière et de chaleur, mais vous vous devez de faire grossir le chiffre d’affaires et le PIB.

Une économie totalitaire

C’est ainsi que l’actuel et principal moteur des nations et de leur sociétés (citoyens et organisations), est celui d’être le plus performant possible, d’atteindre des objectifs et de s’enrichir sans trop d’effort, et peu importe les moyens et les pressions sur les employés. Le citoyen (consommateur ou employé) devient un objet de ressources pour que le chef de l’organisation augmente son profit personnel. Ce n’est pas une richesse juste, mais une démarche totalitaire. Si nous avions vu des États et des régimes totalitaires, nous vivons aujourd’hui dans des économies totalitaires.

La performance récompense le plus fort qui devient prédateur de son semblable. L’Homo-conso-Darwinien est né. L’urgence ou la vitesse de l’action et de l’information servent la performance, et occultent la vision humaniste nécessaire aux dirigeants, quels qu’ils soient.

Mais qu’importe puisque ça marche ! Enfin, presque car nous commençons à donner du souci à notre Mère-économie et à notre Père-finance à cause de nos crises irrationnelles croissantes. Et même si aujourd’hui, il est convenu de dire que « l’argent ne fait pas le bonheur », des milliers de personnes ne sont pas heureuses. Curieuse façon de vivre…

La plupart de mes observations sur les comportements humains, des études sociologiques et des modes de consommations effectuées ces dernières années, révèlent une attente et une recherche croissante d’un autre format de société, un autre paradigme. Nous sommes en quête de sens et de reconnaissance. Nous cherchons à finir ce que nous avions commencé au début de notre vie. La société actuelle a forgé une mentalité du succès contraire à ce qu’il est de nature et à ce que nous enseigne la nature même : la vulnérabilité et la force du don.

Le marketing du don et le marketing du dû ?

Un des fonctionnements majeurs aujourd’hui est d’établir un contrat lorsqu’il s’agit d’échange : en échange d’une prestation, vous avez une recette, ou en échange d’un travail vous avez un salaire. Ce contrat révèle de façon implicite qu’il y a un dominant (qui exige) et un dominé (qui doit). Si vous ne respectez pas le « contrat », vous êtes éliminé.

Or il y a un autre principe bien plus fort, le don réciproque : il provoque une alliance ou chacun se met en situation de vulnérabilité, c’est-à-dire d’humilité. Cette situation ne veut pas dire faiblesse face au plus fort, mais un engagement respectueux envers l’autre, pour construire avec lui. Le don suppose de la confiance, un abandon de sa propre sécurité (pouvoir), pour vivre dans la vérité. Il donne le droit à l’erreur.

Si par exemple, vous souhaitez avoir une fleur dans votre jardin : vous allez donner votre graine à la terre (l’abandonner), et si vous la respectez, elle vous donnera en retour. Vous dépendez d’elle, vous êtes en situation de vulnérabilité. Il n’y a ni fort, ni faible, il y a une dépendance complice.

Autre exemple que j’aime à raconter souvent : un de mes amis paysan me dit un jour « les patates vont bientôt donner ». Et pourquoi ? Lui demandais-je. Et sa réponse « parce que j’ai donné toutes mes semences et donné le mieux que j’ai pu ! Normalement, elle devrait me redonner 9 fois plus… ». Quelle belle leçon d’économie ! Son don produira 9 fois plus.

Un arbre fruitier, s’il est en bonne santé, est fait pour donner et produire. Sa santé dépend de ce qu’il est, pas de ce qu’il dit ou de ce qu’il sait, mais de ses racines qui puiseront son énergie dans la terre, et aussi de son exposition au soleil. Ses fruits sont la résultante de tout cela. Il en est de même pour nous et pour toute communauté organisée : donner l’occasion à l’autre de s’épanouir et non de s’attendre à de la performance.
Ainsi, si un entrepreneur se met en situation de vulnérabilité : il donnera sa confiance à ses employés, son temps aussi, favorisera l’épanouissement des talents sans mettre de pression, admettra l’erreur ou l’échec, et enfin donnera du temps. Le résultat ne se fera pas attendre : il se donnera sans compter.

A l’inverse, ne pas admettre une erreur, une faiblesse, c’est une perte de confiance qui créera de la méfiance et de la défiance de part et d’autre. J’ai souvent constaté que l’homme se croit fort quand il réussit, alors qu’il est apprécié par les femmes quand il pleure et avoue ses faiblesses.

Se mettre en situation de vulnérabilité, c’est se préparer à recevoir le don de l’autre. Le contraire est un viol.

Comment supprimer le handicap ?

L’histoire humaine nous montre que le handicap fait peur, et tout est fait pour le supprimer, surtout en économie. Le handicap est une faiblesse qui rend vulnérable la croissance ! La crise financière, économique et celle de la dette, mettent l’Euro, l’Europe et le monde en situation de fragilité, de vulnérabilité. Quelle chance pour les États ! Ils ont l’occasion de trouver des moyens pour réduire leurs orgueils et d’écouter le cœur des Indignés.

Quand une vulnérabilité est admise, elle nous enrichit et nous donne une saveur d’humanité. Le « faible » est un peu comme du sel : il donne du goût à un plat qu’il n’a pas fait.

Le handicap existe seulement parce que nous avons créé des normes très souvent basées sur la performance : il sait ou ne sait pas, il croît ou ne croît pas, il marche ou ne marche pas, il est fort ou il est faible, il réussit ou pas. Celui qui n’est pas dans la norme convenue est relégué à des tâches, des fonctions ou à un lieu « hors de ». On lui donnera même un statut social que l’on appelle « handicapé ». Cela créé ce que l’on appelle l’exclusion.

Une situation de handicap est une occasion de se dépasser, et de gagner, en commençant… petit. Le handicap est une épreuve formatrice pour qui sait ou veut l’entendre. Savez-vous que notre fameuse télécommande TV à été créée par… un handicapé physique ? J’ai moi-même un handicap majeur, il m’a aidé à fonctionner mieux dans ma vie, et dans ma vision… du marketing.

La performance et la pérennité économique, politique ou sociale, viendra dans la mesure ou le don de soi reprendra sa place dans les relations et les transactions. Elles sont principalement dues aux quatre déclencheurs holistiques du « consommateur » : physiologique, émotionnel, spirituel et social. Pour le pratiquer et l’implémenter dans toutes mes missions, je vous confirme que si ces déclencheurs sont respectés, ils génèrent une bien belle économie.

Dans la vie, comme en marketing, la vulnérabilité est un gain, pour qui sait l’utiliser. Notre économie et nos marchés, souffrent d’un manque d’humanité. Une utopie ? Bien sûr ! C’est par des utopies que l’on change les paradigmes. Et le marketing en a bien besoin.

2 commentaires

2 Comments

  1. Lucho

    21 novembre 2011 à 12:43

    Pour abonder dans votre sens même si je ne partage pas l’ensemble du point de vue (l’entreprise étant un système, travailler dans une entreprise est nécessairement une part d’aliénation de soi pour participer aux objectifs de l’entreprise), je me demande si les entreprises n’imposent pas la double contrainte à leurs salariés (le double bind de Paul Watzlawick): les responsables des ressources humaines tiennent des propos sur des objectifs de réalisation personnel de leurs salariés mais en effet, la course à la rentabilité, transforme chaque employé en automate puisqu’il faut industrialiser les process pour toujours diminuer les coûts. Désormais, on peut paraphraser le général Custer qui disait qu’un bon indien est un indien mort. Désormais, pour une entreprise, un bon salarié est un salarié mort (pour dire un salarié en moins, un coût en moins). Mais les entreprises veulent des consommateurs qui achètent leurs produits au prix fort! Nouvelle double contrainte. L’euro surévalué et inadapté à l’économie française rend cette double contrainte encore plus forte.

  2. Eric Jaffrain

    25 novembre 2011 à 11:42

    En effet, ces contraintes sont des enjeux à considérer dans les stratégies marketing, pour créer, innover de nouvelles formes de transactions (liens) entre l’entreprise et ses publics, tant interne, qu’externe.
    Le marketeur doit (re)développer sa créativité, résister à la performance pour redonner du sens à la multiplication.

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