Le marketing fait comme si rien n’avait changé. « Quand certaines marques imaginent de nouveaux moyens d’approcher le consommateur (par le service, l’engagement, le low-cost), la plupart des autres reprennent leur Kotler… et conçoivent soit des produits à plus forte valeur ajoutée, ajoutant un peu plus de poudre de perlimpinpin, soit des promos volume pour grignoter quelques parts de placard en plus » affirme malicieusement le Marketing Book 2012 de TNS Sofres.
L’heure est grave. La baisse des volumes est parfois seulement compensée par l’inflation. Une baisse qui touche tous les secteurs d’activité des pays « développés ».
Le mouvement est beaucoup plus profond qu’un simple ajustement à la crise : c’en est fini de la « félicité compensatoire », de la « soif d’avoir » et du plaisir de la possession. Le cabinet The Futures Company qualifie cette évolution de « dis-ownership ».
Fin de la « félicité compensatoire »
Cela pourrait aboutir, selon Marc Drillech, « à un désinvestissement de pans complets de la sphère marchande ». Pour de multiples raisons :
- Pour les plus aisés, un certain sentiment de culpabilité
- Pour les plus jeunes, le sentiment de « possession », le fait d’acheter, ne signifie plus grand-chose, comme l’anticipait Jeremy Rifkin sur une cible plus vaste
Certes il reste des amoureux de la conso, 25% des répondants, selon les résultats de l’étude Momentum menée par TNS Sofres. Il est une autre catégorie, plutôt aisée aussi, qui semble prendre ses distances, considérant « qu’ils pourraient consommer plus, mais qu’ils n’en ont pas envie ». Et l’envie est au cœur du marketing postmoderne, justement. Cela en pose tout l’intérêt.
Le marketing de la demande est épuisé
La rareté n’existe plus sous le chapiteau marketing où les clones n’amusent plus. Les besoins de notre « satiété de consommation » sont amplement satisfaits. Le consommateur est à la recherche d’une nouvelle libido d’achat passant par le réveil du désir. Ce réveil « suppose de dépasser la raison et de stimuler les motivations altruistes, exploratrices, esthétiques, expérientielles, etc. », tant individuelles que collectives comme le relève Jean-Noël Kapferer.
Le clivage modernité / postmodernité
Le marketing moderne s’intéresse aux acheteurs individuels comme le rappellent Baines, Fill et Page. Le marketing postmoderne concerne les « tribus », les communautés de consommateurs. Là où le marketing moderne construit l’image de l’entreprise et de la marque, le marketing postmoderne crée des expériences pour les clients. Il met l’accent sur la cocréation avec le client plutôt que sur un simple transfert de signification du producteur au consommateur. Dans le marketing postmoderne, le consommateur participe activement à l’expérience de la marque ; il n’est donc plus uniquement un destinataire passif ainsi que l’a initialement posé Bernard Cova.
L’expérience au cœur du postmodernisme
Claire Roederer définit l’expérience comme « une interaction créatrice de sens entre un individu et un objet ». Selon J-N Kapferer, on peut symboliser cela par le croisement entre « personne x objet x lieu x moment ».
Les expériences avec les produits et les services sont donc disjoints et déconnectés, tant du fait des lieux, que des attentes, des pratiques, et d’une nouvelle relation consommateur / marque, compliquant d’autant le travail du marketeur qui, dorénavant, doit vivre « dans un monde moucheté, un monde riche de choses différentes, dotées de natures différentes, se comportant de manières différentes ». Et Baines, Fill et Page d’ajouter : « les lois qui décrivent ce monde sont un patchwork, non une pyramide ».
Coup de griffe au passage à Maslow…
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Lire la suite de notre saga marketing postmoderne : caractéristiques du postmodernisme et forces dialectiques, définition du marketing postmoderne.
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Bibliographie de cet article sur le contexte du marketing postmoderne (par ordre d’apparition) :
- Marc Drillech,Le boycott, Ed. Fyp
- Jeremy Rifkin, L’âge de l’accès, Ed. La Découverte Poche
- Etude Momentum, TNS Sofres
- Jean-Noël Kapferer, Ré-inventer les marques, Ed. Eyrolles
- Baines, Fill, Page, Le marketing, Ed. De Boeck
- Bernard Cova, Consumer tribes, Ed. BH
- Claire Roederer, Marketing et consommation expérientiels, Ed. EMS
- (c) ill. : Roy Lichtenstein, Maybe he became, que tout le monde aura reconnu. Miss you, Roy.
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Laubignat
9 juillet 2013 à 10:32
Ah oui l’heure est grave ! tout à fait d’accord Serge-Henri !
surtout pour ceux qui continuent de lire leur Kotler et d’y chercher des réponses à cette crise du marketing de la consommation…
Postmoderne ?… non humain tout simplement ! c’est moins vendeur ? oui et c’est justement cela que souhaite le consommateur : qu’on arrête de lui vendre des produits qu’il ne souhaite pas acheter et qu’on le l’aide à acheter les produits qu’il aime…
A bientôt sur marketingemotionnel.com
Serge-Henri Saint-Michel
11 juillet 2013 à 6:54
Oui Philippe, « humain », certes. Mais la postmodernité est un concept, alors autant appeler les choses par leur nom 😉
Et puis « marketing humain », après 60 ans de quantitatif et de rationalité, cela ressemble à un oxymore !
Bon été et en espérant te croiser cette année dans notre établissement commun 😉