L’information est omniprésente dans notre société. Les media traditionnels constituent l’un des plus importants relais d’information. Mais ils ne sont plus les seuls.
« Plus informé », ne signifie pas « mieux informé » à l’heure où la frontière entre la communication et le journalisme est de plus en plus mince. Dire que notre estomac s’agrandit parce que nous dévorons et mangeons copieusement n’est que pure invention, tout comme croire que nous sommes capables d’ingérer de l’information en continu. Les ravitaillements constants ne font que nous engraisser et participent à la montée de « l’infobésité« . Bien qu’apparu sur la toile depuis 1995, le “concept” d’infobésité n’apparaît réellement qu’en 2012. Il désigne alors la surcharge d’e-mails à laquelle sont confrontés les salariés en ouvrant leurs boîtes e-mails. Celle-ci engendre un stress et peut conduire au burn-out. Dès lors, le récepteur doit émettre une réponse rapidement. Ce concept s’est aujourd’hui propagé aux media d’information traditionnels ou digitaux.
L’infobésité, concept indigeste
L’information est traitée différemment selon le support et le type de journalisme. Pour exemple, l’ère 2.0 des media sociaux participe à la croissance de contenus snackable engendrant le traitement superficiel de l’information par les internautes. Le Pew Research Center, centre d’études américain, a ainsi démontré qu’un internaute qui clique sur un lien Facebook pour accéder à un site d’information passe trois fois moins de temps sur ce site que s’il n’avait pas utilisé Facebook en amont. Ces contenus sont pourtant tout aussi présents à la télévision via les chaînes d’information en continu telles que Itélé ou encore BFMTV qui prônent le journalisme sensationnel et le hardnews. L’affaire DSK ou encore les attentats du 13 novembre en sont malheureusement des exemples marquants. Les mêmes images sont diffusées en boucle, et les reporters se déplacent telle une fourmilière pour créer le buzz, dénicher le détail choc afin d’hypnotiser les télespectateurs. Le scoop est ainsi devenu une priorité pour vendre, aux dépends de l’information et de sa qualité. Les journalistes n’ont plus le temps de vérifier leurs propos et recyclent les mêmes dépêches. La fausse mort de Martin Bouygues annoncée par erreur en février 2015 par l’AFP et finalement démentie quelques heures plus tard par TF1 aurait pu avoir de graves conséquences tant sur les marchés financiers que d’un point de vue personnel. “Errare humanum est” jusqu’à une certaine mesure. On ne parle pas de la dernière rupture de Selena Gomez et Justin Bieber mais bien de la mort d’une personnalité. Plus récemment, suite à la révélation de l’affaire des « Panama Papers », la presse quotidienne française a annoncé la démission du premier ministre islandais avant même que celui-ci ne l’annonce. Ainsi, si les journaux français dits sérieux continuent à privilégier l’instantanéité à la qualité, ils pourront bientôt rivaliser avec la presse people.
L’infobésité, conséquence de l’information multiple ?
La communication, les publi-rédactionnels, les émoticônes et autres hashtags participent à la création de contenus rédactionnels effectués par des internautes, blogueurs et non plus par des «journalistes » dont c’est le métier. La frontière est mince lorsque chacun s’improvise scénariste et acteur de sa propre information. Cette surenchère de contenus que nous produisons participe à la désinformation et la déshumanisation. Ces milliers de contenus (hashtags, commentaires, likes, émoticônes…) se dématérialisent sous forme d’algorithmes que nous consommons et qui gouvernent nos pensées. Les algorithmes et l’intelligence artificielle sont ancrés dans notre quotidien. Comme le souligne le célèbre physicien Stephen Hawking, « réussir à créer une intelligence artificielle serait le plus grand événement dans l’histoire de l’homme. Mais ce pourrait aussi être le dernier ». En effet, les risques liés à l’intelligence artificielle sont nombreux. Plus nous donnons d’informations sur nous-mêmes, moins nous sommes susceptibles de recevoir de l’information. Les algorithmes hiérarchisent, choisissent et donc éliminent des contenus informatifs et ce par l’essence même des informations que nous divulguons. Avec le « Big Data », nos vies sont numérisées et sauvegardées dans le cloud, en espérant que celui-ci n’obscurcisse pas trop notre ciel… Ainsi les consommateurs d’information deviennent « des partenaires potentiellement porteurs d’idées ou d’innovations et dont l’attention peut se monnayer » tout comme les journalistes. Les media ne soutiennent pas un type de journalisme. Hardnews, journalisme d’investigation et “journalisme sensationnaliste” coexistent ensemble. Il en est de même pour l’information et la communication. Tantôt retransmetteurs d’actualités, tantôt relayeurs de publi-rédactionnels, les media n’ont pas à choisir entre ces deux métiers. C’est par la suite de la responsabilité du lecteur d’apprendre à manier, regrouper, découper, hashtager, follower, toutes ces différentes sources… pour son bien. Une question de littéracie.
Auteure : Juliette Milleret
***
Lire le dossier Futur des médias, médias du futur
(c) ill. Shutterstock