90 ans après sa création, la télévision n’a de cesse de se transformer. Après avoir connu des évolutions en terme d’image, de résolution, de taille, de finesse et même de dimension, la bonne vieille télé doit à nouveau s’adapter.
Telle une corne d’abondance, la télévision n’arrête jamais de nous divertir. Active 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 depuis la fin des années 90, elle déverse son contenu linéaire ; plus ou moins intéressant selon l’heure à laquelle on la regarde… Un problème se pose aujourd’hui : nous la regardons de moins en moins. Ou plutôt, nous la regardons différemment.
Selon les chiffres Médiamétrie de 2015, alors que le nombre de Français possédant un téléviseur diminue (-1,8 point par rapport à 2014), ils regardent toujours la télévision 3h44 par jour en moyenne. Soit trois minutes de plus qu’en 2014 mais six minutes de moins qu’en 2012…
Un chiffre a toutefois doublé depuis l’année dernière : le nombre de « replay-spectateurs » ou « catch-uppers ». Les programmes télé en différé ont donc séduit 4,4 millions de Français en 2015. Plus de la moitié d’entre eux ont visionné ces programmes sur leurs téléviseurs alors que les autres ont favorisé de nouveaux écrans tels que l’ordinateur, la tablette ou encore le smartphone.
De plus en plus critiqué pour sa méthode de calcul d’audience – et sans doute poussé par les résultats de ses recherches – l’institut Médiamétrie s’est enfin décidé à comptabiliser l’audience globale des chaines en prenant en compte ces trois nouveaux écrans.
La consommation « mille-feuilles »
Bien que respectable et compréhensible, cette réaction de Médiamétrie ne prend en compte que quelques engrenages du mécanisme de l’immense horloge que représentent nos nouvelles habitudes de consommation. En effet, au-delà de l’aspect purement matériel de notre consommation du média vidéo, nos écrans sont les symboles d’une consommation qui se « dé-sédentarise ». Pouvoir regarder le replay du « 20 heures » de la veille sur son téléphone en buvant un café au travail en est un bon exemple. Il illustre parfaitement ce système de « convergence numérique » qui consiste à exaucer des désirs de plus en plus nombreux :
- Regarder ce que l’on veut (TV)
- Quand on le veut (Replay)
- Où on le veut (Replay smartphone/tablette)
- Comme on le veut (interactions réseaux sociaux avec le programme)
Ce système ajoute un niveau de « nouveaux besoins » en fonction des nouvelles habitudes technologiques et donc de nouveaux modes de consommation. Le désir de personnalisation est la nouvelle couche du « mille-feuilles » qui est en train de se développer. Pouvoir intervenir sur un programme en écrivant des commentaires avec son smartphone est seulement le début de cette évolution. Avec les moyens dont nous disposons aujourd’hui, il n’est désormais plus très difficile d’imaginer ce à quoi ressemblerait la télévision idéale.
Futur des flux ou flux du futur
Proposée « historiquement » par des supports comme Apple TV, Amazon ou encore Netflix, la vidéo à la demande est un témoin de la mutation de la consommation.
Bien que des hébergeurs comme Youtube ne soient pas nouveaux sur le marché, la consommation de vidéos « snacking » (pas plus de cinq minutes pour la plupart), ont le vent en poupe. L’arrivée de la lecture automatique – qui consiste à jouer dans la foulée une vidéo similaire à celle visionnée, sans action physique de la part du spectateur – a même permis à Facebook de se tailler une place de choix dans les habitudes des internautes. Ce type de développement représente un retour à une certaine re-linéarisation, à une consommation en continu. Elle prend en compte le facteur nomade et une nouvelle façon de consommer la vidéo en alternance.
L’horizontalité de ce type de média social permet à ces « vidéos snacking » de devenir interactives, et de susciter des commentaires. Cela peut avoir un effet direct sur les vidéos suivantes, sur les stratégies à venir pour les chaines de diffusions concernées. Tout cela permet une richesse qui révolutionne complètement la notion de « media vidéo ». Mais vouloir séduire les masses peut aussi être à double tranchant. Certains créateurs de contenus peuvent être tentés de proposer des contenus polémiques ou volés….
Le marché noir de la vidéo ou la chasse aux « vues »
La monétisation du contenu attire son lot de jouisseurs du système qui pillent sans vergogne la propriété intellectuelle de créateurs pour attirer les « vues »… Ils peuvent ainsi récupérer une rémunération ou une notoriété sans même mentionner le travail des auteurs. Cela peut aller de la copie pure et simple comme l’on peut retrouver sur Facebook jusqu’à la traduction littérale et systématique de contenus étrangers, comme on a pu le voir sur Youtube avec le « youtubeur » Math Podcast. La chasse aux « vues » passe également par le système de la vidéo choquante ou diffamatoire qui sera vue par des milliers de personnes capables ou non de la regarder… Bien que pervers, ce système fait de moins en moins d’adeptes et l’accès à l’information et la mondialisation des échanges sur les réseaux sociaux permet un meilleur contrôle des contenus vidéos et de la légitimité des ayants droits.
Toutes ces évolutions ont même fait apparaitre ces derniers mois de plus en plus de contenus interactifs ou 360° dans lesquels on peut changer l’angle de vue et nous déplacer pendant la prise grâce à une caméra spéciale. Après la disparition lente du téléviseur au profit du smartphone, est-ce le début d’une nouvelle ère de dématérialisation ?
Auteur : Alexis Lepotier
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Lire le dossier Futur des médias, médias du futur
Sources de cet article
- https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00512675v2/document
- http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2015/09/29/la-television-toujours-tres-regardee-mais-son-mode-de-consommation-s-diversifie_4777260_1655027.html
- http://www.strategies.fr/actualites/medias/1032472W/2-8-2533/l-audience-tv-en-chiffres.html
- http://www.strategies.fr/actualites/medias/244567W/la-delinearisation-profite-a-la-television-selon-mediametrie.html
- http://www.blogdumoderateur.com/chiffres-google/#youtube
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