Selon le modèle de Greiner, une entreprise connaît un cycle de vie similaire à celui de l’être humain : une courbe croissante, alternant des phases d’évolution et de crise en fonction du temps.
Étant un modèle théorique fondé sur l’anticipation, cet outil permet aux décideurs internes d’observer plusieurs éléments tels que la taille, l’âge, le taux de croissance et les phases d’évolution et de crise d’une organisation. Son analyse globale permet de comprendre comment ces éléments interagissent ensemble afin de concevoir le développement de l’organisation.
Larry Greiner est un universitaire américain fasciné par la croissance et le développement des entreprises. Il rédige de nombreuses théories, dont sa plus célèbre : “Evolution and revolution as organization grow” (1972), publiée dans la Harvard Business Review en 1998.
Cet article analyse les changements au sein des organisations, à mesure qu’elles gagnent en maturité et en taille. Comprenant le modèle “How Companies Grow”, plus communément appelé “Modèle de Greiner”, l’article est salué d’une critique positive par sa forte propension à anticiper l’évolution des entreprises. Il se démarque également des autres travaux réalisés sur le sujet par son aspect théorique, là où jusqu’à présent, les recherches étaient majoritairement empiriques.
Comment utiliser le modèle de Greiner ?
Pendant sa durée de vie, chaque entreprise va passer par plusieurs phases successives, identifiées et bien définies. Chacune se caractérise par une évolution graduée, succédée d’une crise qui se veut transitoire ou une courte période de révolution. Elles évoluent au gré de deux axes : la taille et la maturité de l’entreprise ayant un impact sur l’ampleur de chaque phase et chaque crise. Ce modèle comporte 5 phases principales, développées ci-après :
Phase 1 : La phase créative
Assimilable à la phase de lancement, elle se caractérise par le souci de fabriquer et de vendre. La hiérarchie se veut informelle, et le style de direction individualiste. Le système de contrôle s’effectuant sur les résultats du marché, les dirigeants se rémunèrent sur ces profits.
Phase 2 : La phase directive
Cette phase se veut organisationnelle, elle est en quête d’efficience et de productivité. Maintenant que le système fonctionne, il doit fonctionner mieux. L’organisation devient donc fonctionnelle et centralisée, sous une hiérarchie plus directive et un contrôle délégué à un standard ou centre de coûts. La rémunération des dirigeants se divisera entre salaire et gratifications.
Phase 3 : La phase de délégation ou de décentralisation
Une fois le marché conquis, la priorité sera d’étendre son territoire. La structure d’entreprise se centralise géographiquement autour de points stratégiques ; et la hiérarchie s’y incorpore de plein droit. Ce modèle, octroyant moins de temps au management, conduit la direction à la délégation et à un contrôle basé sur les centres de profits et les reportings. Les dirigeants se rémunèrent désormais par “primes individuelles”.
Phase 4 : La phase de coordination
Une fois toutes les maisons placées sur le Monopoly, restent les hôtels à construire. La volonté de la direction sera donc de consolider l’organisation dans un seul objectif : la pérenniser. L’entreprise se concentre en groupes de produits, aussi appelés “BU” et le système managérial s’effectuera par surveillance. Le contrôle sera bien plus encadré et s’effectuera par le concours de centres d’investissement ou de business plans. Il permettra aux dirigeants de se rémunérer sur la distribution d’actions ou la participation aux bénéfices.
Phase 5 : La phase de collaboration
Après l’effort… le réconfort ! Les dirigeants chercheront lors de cette dernière phase à accorder plus de place à l’innovation et à la résolution des problèmes. L’organisation n’est plus une énigme, on analyse les erreurs dans le but d’installer une logique matricielle par équipe. La direction devient plus participative et les objectifs sont fixés mutuellement dans l’entreprise. Les dirigeants seront, selon l’auteur, rémunérés par prime d’équipe.
Appliquer le modèle de Greiner au planning stratégique
Le planning stratégique se fonde en partie sur l’exploitation des tendances, phénomènes et comportements sociaux afin de conceptualiser et de rationaliser un projet de communication. Ces épiphénomènes sont les premiers à être cycliques. Effectivement, le modèle de Greiner met en évidence ces cycles à des fins prédictives pour la stratégie, chose utile à appliquer au planning stratégique pour déterminer des actions en termes de marketing (acquisition, fidélisation), ou encore à titre méthodologique afin de veiller au maintien du processus stratégique sur toute la durée de construction d’un projet de communication. Ce dernier exemple représente en réalité une problématique majeure pour le planneur stratégique; celle de maintenir indemne le travail de stratégie et son importance de la genèse à l’aboutissement d’un projet, en dépit de l’intervention de tierces parties telles que les créatifs, commerciaux ou clients. La stratégie jalonne un projet et se construit en amont. Mais finalement, c’est la dimension créative que nous remarquons en premier, celle qui se perçoit une fois la campagne aboutie. Pour autant, le travail créatif réside dans la traduction esthétique et conceptuelle des axes stratégiques. Ainsi, la stratégie ne doit pas être absorbée par la création, au risque d’un manque de cohérence entre les deux parties ou d’une perte de sens totale du rendu final. Ceci représente un problème récurrent en agence, auquel nous avons tenté d’apporter une réponse théorique en adaptant le modèle de Greiner au travail du planneur stratégique en agence.
Limites du modèle de Greiner
Le modèle de Greiner à pour avantage d’aborder de nombreuses notions de management dans une seule réflexion. Cependant, sa capacité à prévoir et anticiper le futur du développement des organisations ne permet pas d’identifier les facteurs à risques de celles-ci, à l’image d’une carte de vol ou l’on connaît déjà les zones de risques mais sans pour autant identifier leurs origines.
De plus, ce modèle est théorique et se tient donc figé dans le temps. En 1998, Greiner revient sur plusieurs points affirmés lors de sa théorie de 1972. Effectivement, il note que de nouvelles façons de travailler s’imposent tous les jours, ce qui remet en question la véracité du modèle au fil du temps. Il précise entre autres le fait que les phases ne sont finalement pas si définies que cela et peuvent se chevaucher ou coïncider. Enfin, Greiner termine son article par une mise en garde qui résume la limite principale de son modèle : “Cet article ne donne qu’un simple aperçu des grands défis auxquels est confrontée une direction en pleine croissance. Il ne s’agit pas d’une solution à l’emporte-pièce ou d’une panacée. Le taux de croissance, la résolution efficace des révolutions et les performances de l’entreprise dépendent toujours, par étapes, des fondements d’une bonne gestion : un leadership compétent, une stratégie gagnante, une motivation accrue des employés et un souci profond des clients.”
Auteurs : Pierre Leroy, Rubis Levalois, Gabriel Meunier, Alban Ros
Un article de notre dossier Les méthodes du planning stratégique
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Références
- Ouvrage : Jean-Blaise Mimbang, Le modèle de Greiner ou l’évolution des organisations : entre crises et phases de croissance, 2015, http://crd.ensosp.fr/index.php?lvl=notice_display&id=16856
- Sur le web : Larry E. Greiner, “Evolution and revolution as organization grow”, Harvard Business Review, 1998, https://www.ucg.ac.me/skladiste/blog_8559/objava_99894/fajlovi/GREINER%20Evolution_and_Revolution_as_Organizations_Grow.pdf
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