L’intégration du contexte est la clé de la personnalisation. Quels sont les niveaux de personnalisation marketing, comment concilier ultra-personnalisation et image de marque ? Réponses, en exclusivité, de Olivier Binisti, Senior Value Consultant & Digital Marketing Evangelist, Adobe.
Qu’entend-on par personnalisation ?
Par personnalisation, nous entendons, en marketing, la capacité à engager une relation avec un prospect ou un client qui prenne en compte les informations dont on dispose à son égard, afin de lui proposer une communication, un contenu, des offres de produits ou de services, qui lui soient propres, qui soient adaptés à ses besoins.
En cela, il peut y avoir plusieurs niveaux de personnalisation :
- Le plus évident pour tout un chacun est d’appeler un individu par son prénom et/ou son nom. Ce qui implique cependant de disposer de données personnelles
- On peut aussi, en marketing digital, personnaliser l’expérience en adaptant le contenu par rapport à des éléments chauds (ma navigation, le site d’où je viens, le lien sur lequel j’ai cliqué, mon emplacement géographique, etc.). Ce faisant, on arrive à engager un début de relation de proximité avec son audience
- On peut aller encore plus loin en accumulant des données qui vont permettre de construire un profil, soit pour une audience (X personnes) soit même pour un seul individu : et on peut, en ce cas, pousser des offres spécifiquement dédiées à ladite audience ou à l’individu, des offres qui vont augmenter son engagement, sa propension à convertir ou à rester fidèle à la marque.
Souvent, d’ailleurs, la personnalisation est pensée dans le digital pour de l’acquisition (je personnalise ma publicité en fonction des données pour augmenter la propension à cliquer) : elle est aussi cruciale pour de la rétention/fidélisation. Plus je connais de choses sur mon client, plus j’évite de lui pousser des offres inutiles.
La personnalisation grâce aux données sert aussi à des éléments qui ne sont pas visibles pour le consommateur mais important pour la marque : personnaliser, c’est aussi savoir quelle pub ne pas pousser ou quand ou à qui ne pas communiquer, aussi. C’est un principe d’exclusion, qui a un impact très significatif car il évite la « fatigue marketing », la sur-pression commerciale inutile.
Enfin, comme dit précédemment, la personnalisation passe, côté utilisateur/internaute/client, par le contenu qui est poussé : cela signifie que le pendant de la personnalisation, c’est la capacité à produire un important volume de contenu, pour délivrer la bonne expérience personnalisée, avec le contenu idoine, que ce soit dans une publicité, un email, un site web, une app, etc.
Il faut donc :
- Augmenter la capacité à produire des contenus
- Accélérer la capacité à produire des contenus, pour répondre aux enjeux de time-to-market
- Être capable d’assembler dynamiquement des contenus : en fonction des données disponibles, la machine va assembler les éléments de contenus adaptés pour créer dynamiquement, sans repasser par le travail humain, la bannière, la page web, l’email, adaptés, en temps réel aussi pour proposer une expérience personnalisée lors de la dernière milliseconde, celle du choix et du clic de l’internaute
C’est ce que permet de faire, en particulier, Adobe Experience Manager, notre solution de CMS et de gestion dynamique des contenus (DAM), qui fait le lien naturel et évident avec toute la suite créative d’Adobe : les éléments de base des expériences digitales sont créés par des créatifs et des marketers via Photoshop, Illustrator, InDesign ou autre, et sont récupérés ensuite par Adobe Experience Manager pour être organisés, personnalisés et diffusés sur les touchpoints digitaux de la marque.
Quelle est la place du contexte dans la personnalisation ?
Le contexte est évidemment fondamental : comme dans une relation, on ne dira pas les mêmes choses ou l’on n’agira pas de la même façon en fonction du contexte. Personnaliser, c’est s’adapter aux moments de vie du client ou du prospect : donc, prendre en compte le device utilisé, le canal de communication de préférence, le moment de la journée, le lieu digital de la communication. Tous ces éléments, et bien d’autres, forment un contexte qui doit être pris en compte pour personnaliser à bon escient.
Adobe Target, notre solution de personnalisation, permet ainsi de créer des expériences digitales personnalisées en agrégeant de multiples signaux qui vont permettre, via des algorithmes avancées de déterminer quand et comment personnaliser. Et ceci est toujours (et doit toujours être) lié à des métriques de succès : qu’attends-je de ma campagne ? Pourquoi personnaliser ? Comment personnaliser l’expérience pour qu’elle soit :
- Cohérente au niveau de l’individu
- Spécifique au niveau du device (smartphone, PC, tablette, montre connectée, écran connecté), du canal (site web, app, borne, email, pub, IPTV, etc.)
Ce qui implique d’agréger de gros volumes de données, de les garder cohérentes et compréhensibles, tout en se concentrant sur les données utiles.
Là encore, le contenu est fondamental pour la contextualisation : il faut être capable d’adapter, en particulier, le format de l’élément créatif au contexte de réception de l’expérience. Sur Facebook, Instagram, Youtube, une app ou un site web, une vidéo, par exemple, devra avoir un format spécifique et contextualisé : c’est en cela que l’outil doit être capable de redimensionner/adapter un contenu en fonction du canal et du device de visualisation. Pour donner un exemple précis, aujourd’hui, avec l’IA intégrée à Adobe Experience Manager, une vidéo va pouvoir être automatiquement croppée et resizée en fonction du device ou canal : une vidéo 16/9 va ainsi être automatiquement retaillée par Adobe Sensei (notre framework d’IA) qui identifier le point de focus dans la vidéo et adapter la vidéo pour qu’elle soit pertinente en fonction du device/canal final. Pour prendre un exemple, vous avez une vidéo en 16/9 avec un bateau qui navigue en pleine mer et vous voulez la diffuser sur Instagram : l’IA va cropper (découper) cette vidéo pour qu’elle soit au format vertical et se concentre sur le bateau, en écartant les éléments autour, moins « utiles ».
En matière de personnalisation, l’IA, outil, ne fait-elle pas oublier la stratégie ?
Non. L’Intelligence Artificielle est au service de la stratégie et vient suppléer le travail des individus, des équipes marketing en particulier. L’IA aide à trouver des opportunités, par la capacité à agréger des volumes de data qu’il est impossible pour des humains de traiter : ce faisant, l’IA permet d’identifier des idiosyncrasies ou des modèles de comportements et de s’appuyer dessus soit pour construire une stratégie, soit pour adapter/affiner une stratégie.
Après, pour l’IA comme pour tout outil, un outil est toujours au service d’une stratégie, pour l’IA comme pour tous les outils. Si l’on ne sait pas ce que l’on cherche, on ne comprendra pas ce que l’on a trouvé.
L’ultra personnalisation peut-elle exister sans obérer l’image de la marque ?
C’est un sujet fondamental : oui, l’ultra-personnalisation peut exister sans obérer l’image de la marque mais il faut établir dès le départ des principes de marque forts.
Ces règles de marque (logo, couleurs, ton, canaux de diffusion, etc.) doivent être établies, rédigées, partagées par tous les acteurs liés à la marque, en interne comme en externe, et même intégrées aux algorithmes de personnalisation, pour cadrer le possible et l’interdit.
Cela implique aussi de garder le contrôle sur les données que l’on récupère (lesquelles sont utiles pour mon action marketing) et sur les règles de construction des contenus et de contextualisation.
Ce qui veut dire un contrôle humain à conserver et, une fois les règles établies et les premières campagnes lancées et validées, on pourra même passer à de l’automatisation desdites campagnes personnalisées.
La personnalisation s’affranchit-elle d’une nécessaire mutualisation ?
Il n’y a évidemment aucune obligation de personnaliser l’ensemble du parcours client : cela est mieux, mais parfois trop difficile, complexe ou coûteux.
Dès lors, certains éléments du parcours seront soit totalement génériques (parce que l’on a aucune information sur l’internaute, comme lorsqu’il entre pour la première fois dans une boutique), soit uniquement en s’appuyant sur des données chaudes (géographie, navigateur, moment de connexion, etc.).
Et, comme dans une boutique où le vendeur expérimenté s’appuiera sur ce qu’il voit de son client pour se faire une idée de ce qui pourrait l’intéresser, avec le bon outil d’Analytics, on pourra tout de même commencer à personnaliser l’expérience et, malgré tout, optimiser le parcours client, l’expérience et donc la performance.
Un exemple : la société américaine de voyages Orbitz s’est rendu compte en analysant ses données de trafic (avec notre outil d’analytics) que les utilisateurs de Mac réservaient des hôtels en moyenne 30% plus cher que les utilisateurs de Windows.
Qu’ont-ils fait ? Ils n’ont pas fait payer plus cher les utilisateurs de Mac, simplement, pour ces internautes-là, ils ont réordonné automatiquement les listes de résultats, lors d’une recherche d’hôtels, pour présenter les hôtels qu’ils avaient le plus de chances de réserver. Ils ont donc optimisé le parcours et l’expérience de ces internautes, tout en améliorant leur performance commerciale. Et ce, avec une personnalisation minimale, et pour un coût minimal.
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(c) Ill. Pixabay