Olivier Bailloux, directeur du planning stratégique de Publicis Dialog-Modem depuis 10 ans nous dévoile, en exclusivité, les facettes du planning stratégique, les qualités nécessaires au planneur stratégique dans un environnement publicitaire évolutif.
Pourquoi avez-vous choisi le métier du planning stratégique ?
C’est plutôt l’agence qui m’a choisi puisque j’étais dans une structure qu’on a rachetée. Maintenant, cela fait 15 ans que je travaille à Publicis Dialog, depuis sa création, donc j’ai vraiment une relation particulière avec elle, un attachement très fort à sa réussite et à son développement. Pour ce qui est du métier de planneur stratégique, là encore je ne l’ai pas spécialement choisi, mais je le trouve très intéressant car c’est un métier de communication mais vraiment ouvert sur le marketing et sur la réflexion en amont. A Publicis Dialog nous avons toujours considéré que le planning stratégique se jugeait selon la bonne santé économique de l’agence et ses succès en new business. C’est comme cela qu’on juge l’efficacité du planning stratégique : quand on arrive à gagner les pitchs, à convaincre un client que l’on est capable d’enrichir ou de modifier l’analyse qu’il a de son marché.
En quoi consiste le métier de planneur stratégique ?
Pour moi il y a plein de façons de définir le planning stratégique.
D’abord, on peut dire que le planneur stratégique est l’avocat du consommateur final. C’est-à-dire que c’est celui qui a bien compris le consommateur et qui est capable d’expliquer à l’annonceur ce que celui-ci attend vraiment, ce qu’il a au fond de lui-même et ce sur quoi on va pouvoir s’appuyer pour qu’il réagisse. Le rôle du planneur c’est donc de dire au moment du plans board avec les créatifs : « Bah là, moi si je suis le consommateur, je ne comprends rien » ou « Si je suis le consommateur, là ça me pose tel problème, là ça me surprend,… » etc.
Ensuite, si je définis le planning stratégique par rapport aux missions, je dirais que sa 1ère mission, et la plus importante, c’est qu’il s’intègre dans le modèle économique d’une agence et qu’il lui donne la capacité de gagner des appels d’offres, des compétitions. Le planneur doit donc accompagner cette dimension de new business de l’agence. Au cœur de sa mission, il y a le fait de comprendre la problématique du client mais il a aussi un rôle de pédagogie au moment où il apporte la réponse car c’est souvent lui qui prend la parole devant le client juste après le président. Il donne une vision du marché, du consommateur, de la marque et de sa concurrence et il amène la réponse. La fidélisation des clients est la 2ème grande mission du planneur. Nous, chez Dialog, on a 20 clients qui sont ceux qui nous font vivre, on les priorise et on leur apporte un maximum de valeur ajoutée et une analyse des tendances. On essaie de leur donner un temps d’avance. La 3ème grande mission du planneur est de creuser des sujets qui ne sont pas forcément liés au business, aux clients. Le planneur doit avoir des visions sur un tas de sujets, marchés, annonceurs et il doit prendre du temps pour cela, pour creuser ses sujets, se former une opinion. Il doit par exemple prendre la parole sur ces sujets dans des colloques, des séminaires et en interne dans des formations.
Enfin, il y a une 3ème façon importante de définir le planning, qui consiste à dire que c’est un métier de transmission entre les commerciaux et les créatifs. On doit nourrir les commerciaux, leur donner une ouverture par rapport à d’autres secteurs qu’on a étudié. On doit faire évoluer leurs relations avec les clients afin qu’ils gardent un vrai niveau de conseil. Et puis dans les relations avec les créatifs, le planneur doit les intéresser à la problématique et à la stratégie des clients. On doit leur donner envie et les motiver par rapport au rebond créatif qu’ils doivent faire. On doit leur montrer que même les sujets bancaires ou d’assurances par exemple sont des sujets passionnants sur lesquels ils peuvent faire de belles choses. Pour cela on leur donne de la matière.
Que pensez-vous de l’état actuel du marché de la publicité en France ?
C’est une question à laquelle on peut répondre en 3 jours ! C’est une question compliquée. Les évolutions, on les voit à travers l’évolution des médias et donc de la communication. Quand j’ai commencé le métier de planneur, on n’avait pas internet. Aujourd’hui, bien sûr, on n’est plus du tout dans cette logique et le digital est au cœur de toutes les stratégies de communication.
Une autre évolution majeure est le fait que ce ne sont pas seulement les schémas de communication qui ont changé mais ce sont également les business models de nos clients. On assiste à une véritable révolution marketing dans beaucoup de secteurs. On a par exemple les fournisseurs d’accès à internet qui se sont tous mis dans la téléphonie et qui développent maintenant les multi-écrans. Si on prend les transports, il y a eu toute la déferlante low-cost. Tous les secteurs d’activité ont été impactés par le digital et pas uniquement par rapport à la communication. Et cela a fait évoluer le marché de la publicité car nous avons, en tant qu’agence conseil, la vocation d’aider les clients dans l’évolution de leur business model. « Lead the change » est la philosophie de Publicis. Ce qu’on veut c’est en effet accompagner nos clients dans le changement, les aider à le contrôler et même à en profiter, à l’utiliser, à en être les acteurs.
En ce qui concerne la crise sur le marché, nos clients et les consommateurs la subissent, donc elle est au cœur de nos préoccupations, d’autant plus que Publicis Dialog est orienté sur l’efficacité commerciale. La crise accélère les changements et expose nos consommateurs à de nouvelles contraintes à gérer. Les clients ont moins de moyens pour les médias et se recentrent donc sur leur portefeuille de clients en essayant d’en tirer le meilleur. La crise a donc ramené en devant de scène le CRM et le digital. Dans la tête des annonceurs, communiquer en digital c’est souvent communiquer moins cher qu’en utilisant les médias traditionnels, ce qui est partiellement vrai. Après, nous, Publicis, nous ne subissons pas la crise au sens où nous ne voyons pas baisser nos marges et notre activité. Nous continuons à nous développer, nous sommes constamment en croissance depuis plus d’une dizaine d’années. On ne peut pas dire que l’on est un secteur en crise. Le digital nous fait également croître, notre activité digitale a triplé depuis 5 ans.
Quelles évolutions professionnelles sont possibles dans cette branche ? Est-ce un métier d’avenir ?
La principale évolution professionnelle se fait grâce à l’évolution de la communication. J’ai l’impression de faire le même métier qu’il y a 20 ans mais dans un contexte qui a complétement changé, avec des marques qui ont considérablement évolué. L’évolution s’est faite dans le modèle économique et le marketing.
Le planning stratégique est un marché étroit, un micromarché. Il y a une centaine de planneurs à Paris, contrairement aux chefs de projets qui sont très nombreux.
L’évolution se fait également en changeant de clients, d’agences, ou même de pays.
Je ne connais pas beaucoup de personnes qui ont été planneurs pendant 40 ans. De plus, je ne saurais pas vous dire si le métier existera encore dans 40 ans.
Le planning stratégique est un marché étroit, mais c’est un beau métier. C’est un métier intéressant. On recherche des concepts, des formulations. On cherche à prendre de la hauteur par rapport aux sujets. On cherche parfois à reformuler 1000 problèmes en un seul et on essaie de voir comment on peut trouver une solution à celui-ci.
Ce qui est passionnant dans ce métier, c’est que l’on voit les choses évoluer assez vite, plus vite que dans beaucoup d’autres.
Quelles sont les études les plus adaptées et les qualités requises pour être un bon planneur stratégique ?
Je ne saurais pas dire qu’elle est la meilleure formation pour être planneur. Il y a eu toute une époque où les planneurs venaient des sciences humaines, de la sociologie, la sémiologie. Aujourd’hui on est dans des formations beaucoup plus axées marketing. Mais je n’ai vraiment pas d’à priori sur la meilleure formation pour devenir planneur. Il faut davantage des qualités humaines.
Le planneur stratégique doit être curieux, attaché au fond mais aussi à la forme donc il doit bien écrire. Un bon planneur doit aussi être précis, pointu. Il doit par exemple pouvoir résumer en 4 mots un insight client, une promesse de marque. Il doit aussi aimer la communication et avoir une curiosité insatiable pour les marques et l’envie de les faire vivre. Il doit enfin être très observateur. Les planneurs sont des gens de terrain.
Enfin, si quelqu’un veut être planneur, il faut qu’il montre son envie. Si on a l’envie, tout est possible. Il faut aussi bien sûr qu’il s’en donne les moyens en faisant des stages longs en entreprises et en agences. Il faut qu’il se diversifie pour avoir une vision large.
Propos recueillis par Marion Flores et Guillaume Chapelle
Dossier Planning Stratégique
Le planning stratégique en interviews
- Guillaume Rieth, planneur stratégique freelance
- Sarah PHILIPPE, planneur stratégique au sein de l’agence Noir sur Blanc
- Olivier Bailloux, directeur du planning stratégique de Publicis Dialog-Modem
- Selon Edouard Petit, Responsable des Stratégies Business et Communication, Bunkr, planneur digital
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- 15 livres de planning stratégique à lire pour se défier des pièges communs, intégrer les contraintes stratégiques, maîtriser les tendances, les marques et l’environnement consommateur, penser latéralement et remettre en cause l’existant. Par Serge-Henri Saint-Michel
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Kevin
18 juin 2013 à 20:36
Excellente interview, mettant parfaitement en relief le métier de planneur stratégique.
Félicitations,
Serge-Henri Saint-Michel
18 juin 2013 à 20:43
Merci Kevin, cela encourage nos intervieweurs en herbe 😉
J’espère que le reste de notre dossier sur le planning stratégique vous aura intéressé.