Fabrice Frossard, Directeur du pôle NetInfluence & Content à l’agence Wellcom, nous livre en exclusivité sa position sur l’utilisation du digital par les PME.
Quel état des lieux dressez-vous de l’utilisation du numérique par les PME françaises ?
La route vers l’utilisation du numérique est encore longue. Environ 50% des TPE/PME disposent d’un site web et un tiers n’envisagent pas d’en créer un selon le Ministère des PME, de l’innovation et de l’économie numérique, et celles qui ont un site marchant réalisent environ 5% de leur chiffre d’affaires par ce canal. Malgré deux décennies d’évangélisation par les différents gouvernements (souvenons-nous du passeport numérique entre autres), nous voyons bien que les entreprises peinent à prendre le virage du numérique. De plus, ces chiffres masquent aussi une autre réalité : de nombreux sites web de PME n’apportent que très peu de valeur auprès des clients et prospects potentiels. Ce sont souvent des sites vitrines à la conception hasardeuse et majoritairement statiques, sans actualisation, sans tunnel de conversion. Bref, très souvent, les entreprises présentes sur Internet le sont a minima sans exploiter suffisamment les possibilités offertes par ce canal.
Quels sont leurs freins à des actions marketing utilisant le digital ?
La connaissance ! Il y a un véritable paradoxe : les entreprises n’ont jamais eu autant d’outils à leur disposition pour leurs actions de marketing, mais les dirigeants n’en ont pas toujours conscience faute d’une information claire, et pire parfois anxiogène, tant d’un point de vue technique que financier. Le manque de connaissance induit aussi des malentendus, dont le plus courant est l’illusion que, sous prétexte que nous sommes dans des technologies dématérialisées, le numérique est facile et parfois la solution miracle. Nous sommes parfois dans l’ordre de la « magie ».
Ces nombreux malentendus sont parfois entretenus par les fournisseurs au détriment d’une sensibilisation aux différentes techniques et métiers de la chaîne valeur du marketing online. Nous nous devons tous d’avoir un discours clair et didactique pour aider les entreprises à utiliser le potentiel offert par le marketing et la communication via le canal numérique. Il faut rester vigilant et ramener chacun dans la réalité. De nombreuses entreprises communiquent en effet sur leur succès en cachant les moyens humains et financiers, souvent importants, engagés dans les projets. Et le plus souvent, il y a une confusion entre la communication de marketing et la communication d’entreprise. Nous devons faire œuvre de pédagogie et de réassurance pour lever les freins.
Dans quels objectifs vos PME clientes utilisent-elles les réseaux sociaux professionnels ?
De manière provocatrice, malheureusement souvent sans objectifs ! Très souvent les entreprises nous demandent de leur assurer une présence sur les réseaux sociaux, Twitter, Facebook, Viadeo ou Linkedin, mais sans vraiment s’assigner d’objectifs tangibles ni de moyens suffisants. Juste pour y être parce qu’il faut y être. C’est ici que nous devons assurer notre rôle de conseil en aidant les entreprises à se fixer des objectifs cohérents et en étant clairs dans les moyens mis en œuvre et les résultats qu’elles peuvent en attendre. Les réseaux sociaux sont sans doute ce qui est arrivé de mieux aux PME en démultipliant leur zone de chalandise et en leur offrant une relation directe avec leurs prospects et clients. Notre rôle est de les accompagner à la fois en démystifiant ce que sont les réseaux sociaux et en leur expliquant comment créer une vraie relation avec les internautes.
Quelle place accordent-elles au brand content ?
Le contenu est le cœur du réacteur du marketing client et de la communication online. Du tweet de 140 caractères à l’e-mailing en passant par les multiples autres supports et format, le contenu est le socle sur lequel les PME bâtissent patiemment leur image et leur réputation. Pour créer de la notoriété, de la confiance, de la connaissance, de l’engagement, les PME créent de plus en plus de contenus « engageants », ou devraient le faire. Aujourd’hui le « brand content » est largement utilisé par les grandes marques qui créent des contenus « expérientiels » souvent onéreux pour attirer et recruter des publics, citons à l’extrême RED BULL et le saut de Felix Baumgartner. Mais sans dépenser des fortunes, les PME peuvent aussi créer des contenus, à commencer par des blogs, ou encore des plateformes « servicielles »qui sont une forme de « brand content ». Les entreprises ne le savent pas toujours, mais elles ont une matière communicationnelle très riche laissée en friche. Notre rôle est aussi de les accompagner dans la structuration de ce contenu sous des formes qui peuvent être très simples : un baromètre, une étude, un livre blanc ou encore la création de chaînes vidéo ; à l’image par exemple de ce que peut faire une entreprise comme Aastra, entre autres formats. Ce type de contenus permet d’affirmer sa légitimité sur un territoire de communication et d’attirer en mettant en avant son expertise à l’attention des publics dans un marché souvent saturé.
Sur quels supports ces contenus de marque sont-ils ensuite publiés ?
A chaque format son support et inversement. D’expérience, les contenus sont le plus souvent publiés sur le site de l’entreprise et dans un second temps socialisés principalement via Facebook, Youtube (dans le cas des vidéos), Twitter ou les réseaux sociaux professionnels, Linkedin ou Viadéo dans le B2B. N’oublions pas slideshare et Pinterest, deux réseaux sociaux majeurs pour le contenu. L’essentiel est de créer un maillage pertinent pour bénéficier d’une empreinte numérique cohérente, tant pour l’humain que pour les moteurs de recherche, et surtout créer des interactions avec les différentes typologies de publics (et donc de contenus) présentes sur chacun de ces canaux de diffusion. Ce qui est aujourd’hui une partie du rôle dévolu au community manager.
Quelle articulation, dans ce cas, entre les RP et le community management ?
Les relations publics sont du community management ! Ce métier a souvent été mal compris, assimilé à de seules mondanités. Il faut bien comprendre ce métier dans son acception anglo-saxonne (public relation) autrement dit, des relations avec les publics. Jusqu’alors, les RP travaillaient avec les relais d’opinions et autres influenceurs. Avec la désintermédiation offerte par Internet et plus particulièrement les réseaux sociaux, l’expert en relations publics sera demain le premier maillon et point de contact dans la relation avec les publics de l’entreprise, et à ce titre « l’animateur de communautés.
Avec quel ROI et selon quels KPI ?
Le ROI se mesure en fonction des KPIs mis en place selon les objectifs et le métier de l’entreprise. Sur Internet, les possibilités de mesures et la granularité des indicateurs sont très fines. Mais que veut-on mesurer ? le nombre de visites sur un site ? le reach d’un post Facebook ? le taux d’engagement ? le nombre de citations ? le nombre de partages ? Avoir un beau tableau de bord permet de justifier d’un ROI pour le responsable marketing. Est-ce suffisant ? Non, juste rassurant.
Une stratégie de marketing de contenus doit être évaluée selon des indicateurs qui prennent en compte des aspects tangibles (visites sur le site, leads générés, nombre de partages et d’impressions…) et d’autres plus intangibles : la notoriété, les opinions, l’engagement et surtout, la confiance des publics envers votre entreprise. Une métrique difficile à mesurer à court terme, mais qui fait partie des biens immatériels les plus importants pour une entreprise.
Pour revenir au sujet, la plupart des entreprises qui ont mis en place une vraie stratégie de contenu marketing sur les réseaux sociaux constatent généralement un retour sur investissement élevé.
… et quels coûts ?
Red Bull a dépensé près de 100 Millions d’euros pour son opération avec Felix Baumgartner. Ce qui peut conforter les dirigeants dans le mythe que la présence sur les réseaux sociaux et que la création de contenus est dispendieuse. Ça ne l’est pas au regard du retour sur investissement évident. Un ROI qui peut être direct (leads générés), ou indirect, correspondant par exemple à la richesse apportée par les échanges avec les publics (crowdsourcing, amélioration produit, S.A.V, équivalent publicitaire), mais aussi en formalisant la connaissance que l’entreprise possède en son sein. L’investissement sera d’autant moins élevé que la montée en puissance peut se faire progressivement. Sur Internet, ce qui est important est de commencer, même avec des actions de faible ampleur, et de les ajuster en fonction des retours. Le marketing et la communication sur Internet se font en mode itératif et agile. Il y a des recettes, mais il est important de goûter pour vérifier que les ingrédients se mélangent harmonieusement.
Marketing, PME et digital
Quel état des lieux peut-on dresser de l’utilisation du numérique par les PME françaises ? Quels sont les freins des PME à des actions marketing utilisant le digital ? Dans quels objectifs les PME utilisent-elles les réseaux sociaux professionnels ? Quelle place accordent-elles au brand content ? Sur quels supports ces contenus de marque sont-ils ensuite publiés ? Quelle articulation, dans ce cas, entre les RP et le community management ? Avec quel ROI, selon quels KPI et avec quels coûts ?
Réponse à ces questions par nos experts !
- Marketing et PME : le succès passe par la stratégie
- 5 facteurs clés de la réussite on-line des TPE / PME
- PME et réseaux sociaux : se faire connaître et fidéliser
- Un peu d’humanitude dans les réseaux sociaux !
- 10 conseils aux entrepreneurs…
- PME et brand content
Comment les PME utilisent-elles le digital ?
- L’avis de Laurent Pontégnier, Délégué Général d’ATN+(Transition Numérique Plus)
- L’avis de Fabrice Frossard, Directeur du pôle NetInfluence & Content de Wellcom
- L’avis de Cindy Mouchard, Consultante en Relations Publiques, Quatrième Jour
(c) Ill. : Portrait of business people – Shutterstock