Pro ou anti-Mila, pro ou anti vax, pro slip ou pro caleçon… liker, commenter, revient à prendre position, à s’afficher, s’affirmer, (se) manifester, militer, à cautionner… à se placer en individu différent, tout en ayant les mêmes réflexes et les mêmes objectifs que le commun : montrer sa personnalité, développer sa visibilité, cultiver l’estime de soi, émerger. Et ce n’est jamais gratuit.
Evidences.
Mais voilà qu’Orphée, un de mes collègues brutalement licencié poste son ressenti sur Facebook. Au milieu de photos de chats, de bouffe, de résultats de jeux et d’autres éléments émaillant mon mur, je me demande comment j’ai pu voir passer ce message, qui me touche d’autant plus que je connais le contexte et les acteurs de ce licenciement.
Mais là, malgré mon empathie et ma stupeur, je ne like pas.
J’ai lu, mais je ne « partage » pas.
Alors pourquoi liker des tonnes de trucs souvent futiles et ne pas relayer la « mésaventure » d’Orphée ? Ne pas liker peut-il être professionnellement payant ? Ma décision de ne pas liker est-elle personnelle ou mon raisonnement est-il pipé par un contexte professionnel ?
Orphée descendu aux Enfers, je like ?
A la lecture du post d’Orphée, la peur des conséquences de la paranoïa de Hugo, mon boss m’envahit : « il va penser que je soutiens ce collaborateur et que je m’oppose à lui ».
Je décide donc de ne pas liker. Je feins d’ignorer le message.
Ce faisant, je me transforme en Little Brother, je me conforme à ce que je pense être la norme dans cette entreprise autoritaire, vigilante et surveillante dont j’ai introjecté les règles. Se taire, plier l’échine est la condition de la pérennité dans l’entreprise. Je ne fais pas de vague, je me concilie les bonnes grâces de la hiérarchie et de la RH, je privilégie mon intérêt personnel « bien compris », je remets mon indignation et mon éthique dans la poche de ma camisole (enfin, pour ses aspects symboliques).
En censurant ma réaction, en « cappant mon engagement », je prolonge et réitère la violence à l’œuvre dans mon entreprise ; j’en deviens même un des bras armés, un des garants.
Ce (mal)faisant, je me couche en ne pipant mot car oui, ne pas liker, dans ce cas, c’est ***er Hugo.
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Hugo, je sais que tu n’aimes pas lire, alors pour comprendre la « référence compliquée », tu peux jeter un œil à cette vidéo :
Hugo, médite aussi ce poème STP (au moins, essaie). Parfois la poésie permet de s’élever.
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