« Le silence est l’une des formes les plus perfectionnées de l’art de la conversation ». Selon William Hazlitt dans « La solitude est sainte », si la liberté individuelle était autrefois défendue, elle conduit aujourd’hui à une quête de sens dans le rapport aux autres et à la consommation. Le consommateur prend la parole haut et fort sur les réseaux sociaux, tandis que sa relation avec les marques tend à être remise en question. Interpellées et interrogées, les marques créeront-elles demain le désir de consommation par la réponse ou plutôt par le silence ?
La marque anonyme pour recréer du lien
Face à une prise de parole du consommateur, le circuit de communication classique entre lui et la marque connaît peu à peu une inversion des rôles.
D’un côté, le consommateur attend transparence et authenticité de la marque. Eduqué, il semble rejeter la manipulation des marques. Ainsi, pour communiquer avec lui, les marques de demain devront se mettre à sa hauteur, d’égal à égal. Autrement dit, face à un consommateur anonyme, la marque devra être anonyme à son tour.
D’un autre côté, le consommateur ne veut plus être anonyme. Exposé socialement, il adopte le rôle de célébrité en tant que mini-star. Il se saisit alors du pouvoir d’influence qui, jusqu’alors, n’était attribué qu’aux marques. Ces anonymes sont capables de véhiculer une image de proximité, là où les marques, elles, ont perdu en crédibilité. Les marques ont dès lors mis en place des opérations replaçant ce consommateur influent au cœur de l’action, comme avec le marketing participatif. « Selon une étude réalisée par Edelman en 2012, 40% des membres de la génération Y demandent à participer à la création des produits et à la vie des marques ». Cependant, si les marques ont la volonté de se rapprocher du consommateur, bon nombre d’entre elles veulent garder le contrôle de la communication faite à leur égard. Or, si le consommateur constate que la marque s’enquiert de son avis pour finalement ne pas en tenir compte, il ne lui accordera plus aucun crédit.
Ainsi, la marque est encore visible aujourd’hui, mais peine à dialoguer avec le consommateur du fait de son manque de crédibilité. C’est la raison pour laquelle elle entre en conversation via des intermédiaires online.
La recherche de nouveaux canaux de dialogue
Après avoir joué de divers outils de communication comme le story telling ou la digitalisation, les marques ont finalement choisi de dialoguer via des intermédiaires. Entre influenceurs et nouveaux médias, les relations publics et le community management se voient étroitement liés par un même objectif : créer la conversation autour de la marque au sein des communautés. Le véritable levier des marques est de créer un lien de proximité avec leurs consommateurs grâce à des influenceurs qui leur ressemblent. Pour avoir une action « social media » efficace, la marque doit procéder à une sélection précise de ses influenceurs afin qu’ils conversent auprès d’une communauté ciblée. Il est alors judicieux d’utiliser un outil de « social media intelligence » afin de mesurer le taux d’engagement de la communauté et de cerner les insights consommateurs.
Finalement, la marque n’a cessé de s’exprimer, d’influencer, de converser (parfois toute seule d’ailleurs), mais jamais dans un élan sincère. Les consommateurs n’écoutent pas toujours et écouteront de moins en moins les marques. Cette réalité est traduite par Réputation VIP, dont l’analyse repose sur des études du CREDOC et de TNS Sofres. Elle montre que les internautes conversent bien plus entre eux qu’avec les marques : 95% achètent après avoir lu un avis positif d’un autre consommateur, 93% renoncent à un achat après avoir lu un avis négatif et 90% des consommateurs font confiance aux recommandations des autres internautes. Le pouvoir découle donc du consommateur détaché de toute influence de la marque.
En ne disant rien, la marque dit tout
A trop prendre la parole, les marques ont fait perdre le sens de la conversation. La parole n’a plus de sens. Le consommateur sera sensible, non plus aux discours, mais aux actes impactants comme preuves d’authenticité des marques et d’efficacité des produits. Ces actes sauront se faire entendre parmi les multiples communications sur le marché. Ainsi, la véritable conversation aura lieu lorsque les marques répondront par l’action et non plus par de grands discours dénués de sens.
Certaines marques underground ont saisi d’une part le rejet des jeux d’influence de la part des consommateurs, et d’autre part le caractère trop intrusif des communications. Consciente du souci d’authenticité des marques de demain, une marque, nommée « Vêtements », a choisi d’opter pour un anonymat engagé, suscitant l’intérêt du consommateur et son envie de converser avec elle. Tout simplement parce qu’elle ne le contraint pas, ne l’assaille pas de publicités dissimulées via des influenceurs : en ne disant rien, elle dit tout. Elle est l’action, elle est le produit. Tandis que les créateurs de mode exposent leurs vies sur les réseaux sociaux, « Vêtements » opte pour un quasi-anonymat, par son nom simple et éloquent. Créé par Demna Gvasalia, diplômé de l’Académie d’Anvers et de l’école Louis Vuitton, le collectif refuse de se faire prendre en photo. Sa stratégie est de remettre le vêtement au centre de la conversation et de l’attention. En créant le mystère et la non communication traditionnelle, la marque anonyme suscite l’envie de consommation et le consommateur doit, pour une fois, faire un effort pour atteindre l’information, créant ainsi une curiosité et un échange sincère. En parallèle, lorsque la marque a besoin de parler, elle le fait d’une façon insolite et anticonformiste (invitation à un défilé Couture par un spot vidéo laissant voir de très fugaces images de godemichés et une bouteille de poppers avec la date et l’heure de la soirée sur l’étiquette par exemple, casting des mannequins dans les marchés aux puces…). La marque bouscule ainsi le consommateur dans ses certitudes et vient accroître encore davantage sa curiosité, alors qu’il se trouvait auparavant perdu dans l’amas des communications et e-RP massives. L’envie du consommateur de vraiment converser réapparaît. Face à un silence quasi-total de la marque, sous réserve que le produit en lui-même ait du sens pour le consommateur, celui-ci fera le nécessaire pour aller chercher le dialogue avec la marque dans une démarche sincère. Le produit replacé au centre, la conversation retrouvera de son sens. Parfois-même la conversation ne sera pas nécessaire, le produit parlera de lui-même : le silence est une réponse en soi.
Pour prospérer, les marques devront retrouver un dialogue authentique avec le consommateur. Ce véritable échange prendra forme lorsque la marque se redéfinira par le produit et non plus par des jeux d’influences pour feindre une relation avec lui. La communication classique n’aura plus sa place, la marque créera une forme de silence autour de son offre, offre attractive par essence, créant ainsi la curiosité chez le consommateur.
Auteure : Laura Blondel
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Un article du dossier Marque & stratégie marketing
Sources externes à Marketing Professionnel
- Expert in Box, mars 2013, Emilie Moronvalle http://www.expertinbox.com/le-marketing-participatif-influence-marques/
- Réputation VIP, 18 juin 2014 https://www.reputationvip.com/fr/blog/20-chiffres-cles-sur-linfluence-des-internautes-sur-le-reputation-des-entreprises
- Le Monde, 11 mars 2015, Alice Pfeiffer http://www.lemonde.fr/m-mode/article/2015/03/11/vetements-les-createurs-anonymes-qui-chamboulent-tout_4591637_4497335.html
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Bobo ABONGO
24 juin 2017 à 12:34
Une chose est vraie : le client est souverain . En scrutant ce texte , je me rends compte combien dire ou ne pas dire ne garantit pas le succès.