La souffrance au travail est un thème qui ne manque pas de références : les drames actuels (suicides, pathologies professionnelles) sont si nombreux, qu’il serait insensé de ne pas se sentir concerné par la réalité dont ils sont le menaçant écho. Mais s’il est sûr que l’on parle de quelque chose qui existe bien, (et qui a toujours existé), encore faut-il préciser le sens qu’on donne au mot de « souffrance ». il y a en effet plusieurs formes de souffrance dans le travail, et il importe d’apercevoir nettement ce qui entre en jeu dans la liste macabre qui s’allonge chaque jour, comme impossible à endiguer.
La souffrance au travail, une tautologie
D’abord, « souffrance au travail » est presque une tautologie, car la souffrance est inhérente à cette activité : certes, à cause de la peine et de l’effort qu’elle requiert, mais surtout parce que l’on y rencontre toujours la résistance des choses et des humains. Le travail est sans cesse en passe d’échouer, il contient toujours une part d’impossible. En réponse à cet impossible, les hommes vont organiser et répartir les tâches d’une façon qui amènera selon les cas, épanouissement et satisfaction, ou souffrance et maladie.
Essayons de pointer comment la souffrance s’engendre en particulier dans les formes contemporaines d’organisation du travail, où le management et la gestion sont prépondérants. Ce qui est ici exposé prétend rendre compte du mal qui s’éprouve ordinairement et sourdement, en amont des passages à l’acte plus médiatisés.
Travail et sensibilité
Quelle que soit la nature du travail que nous effectuons, même le plus intellectuel, notre corps y est de fait engagé par sa sensibilité : faculté d’éprouver des affects et des sensations, qui permet aussi un mode de connaissance indispensable au bon professionnel. C’est par cette sensibilité que nous sommes ensuite (à un autre niveau de nos facultés) capable de porter des jugements esthétique (c’est beau) ou des jugements de qualité (c’est bien fait), et même des jugements éthiques (c’est juste, c’est souhaitable). En ressentant (par exemple) le matériau, l’ambiance du lieu, la peur éventuelle devant un risque professionnel, nous affrontons la tâche avec des repères très intimes, souvent inaperçus même de celui qui les éprouve. Ces repères nous permettent d’adapter le geste, l’effort, la méthode, la coordination entre les acteurs : bref, de bien travailler. Mais aussi, ils nous mettent en rapport avec deux instances.
C’est d’abord nous-même que nous rencontrons, tant il est vrai que « nous nous retrouvons » (ou pouvons nous égarer) dans l’activité effectuée à l’aide de ces sourdes et familières impressions. Le travail est un vecteur puissant de notre identité.
Le travail est un rapport à l’autre
Ensuite, ce que nous éprouvons au travail est toujours en rapport avec l’autre : autrui partage ou non ce que j’éprouve, il peut en être la cause, ou le révélateur. Je le mesure par la parole, mais aussi par le regard que le lui porte (et qu’il me porte ou non). On comprend alors pourquoi il est question à ce sujet du « corps érotique » au travail, puisque littéralement c’est dans le rapport à autrui que je peux reconnaître et faire miennes les impressions que j’ai ; elles ne sont miennes que si j’accepte de « les faire passer par celles d’autrui », de façon analogue à ce qui peut avoir lieu dans la relation sexuelle. Un « Robocop » n’est de ce point de vue pas conçu pour le travail dans « la vraie vie ».
Notons au passage que c’est souvent dans les temps jugés improductifs et oisifs (le café par exemple) que se partagent et se révèlent les façons de vivre le travail : c’est dans ce partage que vont s’inventer des stratégies de défense collective, par lesquelles l’impossible devient possible à assumer (pour le meilleur ou pour le pire…). Les travailleurs des décennies et siècles passés avaient ce loisir, dans leur labeur.
Dans le contexte présent, alors même que le travail et sa pénibilité ont diminué dans bien des secteurs et des postes, les individus sont fragilisés par cela même qui aurait dû contribuer à les autonomiser et les épanouir. D’une part, l’individualisation des tâches, parcours et objectifs, ne va pas favoriser cette expression et « métabolisation » du vécu. D’autant plus que ce vécu n’est jamais aseptisé, ni vraiment évaluable ! Il en devient absurde et gênant pour le processus rationalisé de production, dans lequel il n’a pas de place. Faute de pouvoir s’exprimer, la souffrance « normale » au travail devient alors isolement, qui tourne à l’esseulement et à la détresse au moindre souci.
Parler le langage de l’autre
Mais aussi, si la gestion prend le pas sur la production, les cadres n’ont alors plus lieu de connaître bien le travail que font les techniciens. La représentation que chacun de ces groupes se fait de l’ouvrage sera si différente et difficile à concilier avec l’autre, qu’on se demanderait en vain comment les uns pourraient avoir une quelconque reconnaissance pour les autres dans le domaine professionnel. L’entreprise pourra alors proposer toutes les compensations en matière de mérite et de performance, l’essentiel sera perdu si les collaborateurs n’apprennent pas à parler le langage de l’autre. En outre, la culture actuelle qui vise à « gérer les conflits », n’arrangera rien si elle ne conçoit pas le conflit comme essentiel au rapport de travail. La solution n’est pas que tous aient la même vision des choses, mais que tous acceptent la nécessaire différence entre les visions: un tel programme demanderait quelques heures supplémentaires pour être vraiment rempli. Il nous imposerait à notre mémoire le soufre des vieilles sagesses marxistes, dont l’évidence de la domination.
On peut toujours avoir un doute sur les intentions des sirènes invoquant en boucle la souffrance au travail (sensiblerie ? Sensationnalisme ?). Mais on ne pourrait sans le dénaturer retirer du travail réel la sensibilité (donc la vulnérabilité) qui est nécessaire à son auteur. Vous reprendrez bien après cela une dose d’estime de soi et un petit renforcement de l’égo ?
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