Durable et non-marchand

The Yes Men, et après ?

Les discours sur le développement durable sont généralement moralisateurs ou superficiels. Comment redonner un coup de fouet à une pensée « alternative » qui pâtit de trop de bonne volonté mais pas assez d’actions ? Les Yes Men, deux Américains farfelus, en ont fait leur cheval de bataille depuis près de dix ans

Les discours sur le développement durable sont généralement moralisateurs ou superficiels. Comment redonner un coup de fouet à une pensée « alternative » qui pâtit de trop de bonne volonté mais pas assez d’actions ? Les Yes Men, deux Américains farfelus, en ont fait leur cheval de bataille depuis près de dix ans.

Les Yes Men, ce sont eux. Andy Bilchbaum et Mike Bonanno, de leurs pseudonymes, deux Américains qui militent contre le libéralisme et ses effets -néfastes, selon eux- à grands coups de canulars et de caricatures. Vous avez déjà probablement entendu parler de ces militants d’un genre peu répandu. Alter-mondialistes, ils mélangent savamment faux sites Internet et happening, interviews, discours, fausses annonces, usurpations d’identité, etc.

Loin des discours moralisateurs et des méthodes traditionnelles de communication, les deux acolytes ont décidé de s’approprier les usages des grandes entreprises et des pro-capitalistes pour transmettre leur message. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ont bien compris comment utiliser les outils du marketing et de la communication pour défendre leur cause, ou plutôt attaquer celles qu’ils trouvent injustes.

Leurs interventions peuvent être ridicules, parfois à la limite du mauvais goût, souvent choquantes, mais toujours dotées de sens. Tout bon marketeur / communicant le sait, il existe mille manières de passer un message, la clef est de s’adapter à son auditoire. C’est ce que réussissent à la perfection les Yes Men.

Quelques actions des Yes Men

Leurs actions visent souvent à une prise de conscience de la bêtise d’une situation ou à dénoncer une injustice. Pour cela, ils trouvent toujours un moyen adapté à leurs nouvelles cibles…

Le 12 novembre 2008, après l’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis, ils ont diffusé un faux exemplaire du New York Times proclamant la fin de la guerre en Irak. Selon eux, ce journal, distribué à un million d’exemplaires dans les rues de New York, ne reprenait que des nouvelles que les gens avaient besoin (envie) d’entendre, comme la baisse du chômage et la fin de la guerre.

Leur action la plus connue et la plus controversée est celle de la fausse annonce sur le drame de l’usine de Bhopal, en Inde. Petit retour sur les faits : en 1984, une explosion se produit au sein de l’usine de Union Carbide, laissant s’échapper des produits toxiques et provoquant la mort de 5 000 à 20 000 personnes (selon les sources officielles ou les associations de victimes). En 1999, Dow Chemical rachète Union Carbide. En 2008, pour les 20 ans de l’explosion, The Yes Men annoncent sur CNN, au nom de Dow Chemical, reconnaître la responsabilité des faits, s’engager à nettoyer le site et à indemniser les victimes.

Dow Chemical dément cette information deux heures plus tard, appuyée ensuite par un démenti des Yes Men eux-mêmes, assurant, d’un ton très sarcastique, que l’entreprise n’accordera « AUCUNE » aide aux victimes.

Et après ?

Bien entendu, on peut s’interroger sur la portée de leurs actions et leurs effets collatéraux. Dow Chemical a par exemple subi une perte sèche de 3 milliards de dollars suite à cette fausse annonce. Les victimes indiennes, en apprenant la nouvelle, ont pleuré de joie ! A l’annonce du canular, deux camps se créent du côté des victimes : ceux qui trouvent la plaisanterie cruelle et ceux qui remercient pour le coup de projecteur porté sur la situation.

Mais si cette action a eu le mérite de porter un temps l’attention sur une situation inacceptable, les réactions n’ont pas nécessairement suivi par la suite. Ainsi, l’usine indienne de Dow Chemical n’a (apparemment) toujours pas été décontaminée.

Ce qu’on ne peut pas leur reprocher, en revanche, c’est d’essayer d’informer pour contribuer à l’évolution de situations bloquées. In fine, leurs actions permettent également de prendre un peu de distance critique et d’éclairer certaines situations sous un jour différent et rarement abordé…

Leur film, « The Yes Men fix the world », sorti en 2009, retrace les actions entreprises jusqu’alors. Vous y trouverez quelques perles comme ces assureurs prêts à acheter des Survivalballs ou un tout nouveau modèle de bougie à base de chair humaine…

Enfin, notons qu’en France, les deux compères sévissent régulièrement sur Arte. Vous pouvez aussi visionner une vidéo de 2007 concernant le pacte Hulot pour illustrer, en langue de Molière, les modes d’intervention et procédés des Yes Men.

Auteur : Annabelle Nogues

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