Les marques, majoritairement alimentaires, tentent d’intégrer dans leur stratégie de développement les préoccupations des consommateurs liées au culte du corps. D’où vient ce phénomène du culte du corps ? Comment les marques communiquent-elle sur le sujet ? Sont-elles légitimes pour communiquer sur la santé ? Au travers d’exemples concrets essayons de comprendre quelle est la place de la communication bien être et santé pour les marques et quels intérêts elles peuvent en tirer.
Le culte du corps : une exigence sociale
Avoir un corps parfait : une préoccupation qui tourne à l’obsession dans la société actuelle. La recrudescence des disciplines sportives dont l’objectif est de sculpter le corps (fitness, wellness), la démocratisation de la chirurgie esthétique grâce au progrès médical mais aussi aux médias qui en font régulièrement leur sujet, les cosmétiques aux promesses de minceur et de jeunesse, ou encore la multiplication des produits alimentaires dédiés sont les preuves concrètes de ce phénomène.
Cette obsession du corps semble faire partie intégrante de notre culture tant elle est présente dans notre quotidien.
L’apparence, une préoccupation ancestrale Les soins relatifs à l’apparence existe depuis toujours ou presque. Déjà durant l’Antiquité les femmes se maquillaient, se confectionnaient des crèmes, des parfums.
Puis l’invention de la gymnastique au 19e siècle modifia le rapport de l’individu à son corps.
Mais pourquoi cette obsession ? Ce phénomène répond d’une part à un désir de l’individu de construire son identité. Selon le Professeur Georges Vigarello (Université Paris V), le culte du corps prend alors deux dimensions :
– l’expérience de soi-même qui vise à mieux se réaliser, s’épanouir et aller au bout soi-même.
– la vérité de soi qui prend appui sur l’apparence, le physique et le reflet projeté D »autre part le culte du corps répond à un besoin d’appartenance et permet à l’individu de s’identifier à tels ou tels groupes sociaux.
D’ailleurs les sociologues français Jean-Baudrillard et Pierre Bourdieu qualifient tour à tour le corps « comme emblème de soi-même » et « produit social ».
Les réponses des marques face au culte du corps
De l’innovation produit … Les marques ont bien compris les enjeux du culte du corps dans notre société et par conséquent exploitent des tendances qui répondent au désir de bien-être des consommateurs. Ainsi est née en Asie la tendance du « Cosmetofood ». En 2007 Danone booste son business en pénétrant sur ce marché et lance Essensis ,le yaourt qui « nourrit la peau de l’intérieur » en utilisant la caution « efficacité prouvée cliniquement » Plus qu’une stratégie produit Danone intègre les préoccupations liées au bien être dans son discours de marque en diffusant à cette occasion « des droits universelle de ma peau » et en organisant un forum « nutrition et peau » à destination des dermatologues.
Depuis deux ans, Danone va plus loin en utilisant l’axe santé pour dynamiser ses produits phares : Activia pour préserver la flore intestinale, Danacol pour le cholestérol ou encore Actimel pour préserver les défenses naturelles. Autre exemple, la marque de jus de fruit Tropicana (groupe PepsiCo) commercialise Tropicana essentiels antioxydant pour lutter contre le vieillissement cellulaire. Du côté de l’industrie du textile, DIM innove en grande distribution en lançant des collants facilitant la circulation veineuse ou encore aux bienfaits hydratant pour la peau.
… au discours de marque En 2008, Danone développe une nouvelle activité avec le rachat de Numico : la nutrition médicale. Elle s’adresse aux personnes fragiles, en soin ou en convalescence. Dans ce cas précis, l’entreprise tente d’élargir son cœur de métier et d’acquérir une légitimité sur le domaine de la santé. Le discours-santé peut-être également utilisé par les marques comme levier pour améliorer leur image face au phénomène de la « malbouffe » par exemple, qui touche de plus en plus les pays développés. C’est le cas de coca-cola qui, dans un contexte de montée de l’obésité, s’est investit en 2008 dans un partenariat avec la chaîne de télévision américaine Exercice TV, spécialisée dans les programmes de fitness et d’éducation sportive. La prévention peut-être également utilisée comme axe de discours santé. C’est le cas par exemple chez les assureurs. AXA s’est par exemple associé à Vidal pour accompagner les personnes qui pratiquent l’automédication familiale afin d’éviter les accidents. De nombreuses marques développent ainsi leur communication bien être et santé donnant ainsi du contenu à leur discours de marque.
La communication bien-être, passerelle vers la communication santé
Ces différents exemples permettent de constater qu’un certain nombre de marques alimentaires ont développé dans un premier temps les produits permettant « de se sentir bien », freinant les signes du temps, ou encore aidant à garder la ligne. Puis, après être devenues légitimes aux yeux du public sur le registre du bien être, elles peuvent ensuite habilement passer vers le registre de la santé en axant leur discours de marque sur un registre plus médical. L’intérêt pour ces marques comme Danone étant, bien entendu, de développer leur business tout en renforçant leur légitimité et leur crédibilité auprès de leurs cibles. La communication santé est aussi utilisée pour pallier à la crise de confiance des consommateurs : d’après une étude réalisée par IBM aux Etats Unis en 2007 près de 70 % des consommateurs s’interrogent sur les messages marketing des grandes marques agro-alimentaires concernant l’impact environnemental et les bénéfices santé et bien-être de ces produits.
Toutefois la législation est sévère en matière d’allégation santé, ce qui complique la communication produit. Il est donc parfois plus simple de l’intégrer dans le discours de la marque en intégrant par exemple la préoccupation santé dans son positionnement et ses prises de paroles. Enfin le recours à l’information plutôt qu’à l’allégation santé est une opportunité pour les marques. Lors de l’étude Ipsos Insights Santé réalisée en octobre 2007, 57 % des personnes interrogées déclaraient se considérer comme « pro-actives » dans la recherche d’informations santé.
En conclusion, le culte du corps crée une valorisation et une exposition démesurées qui fragilise l’individu vis-à-vis des transformations subies par le corps au cours de sa vie (vieillissement, prise de poids…). Les marques profitent de ce phénomène pour placer le bien être au cœur de leur stratégie marketing tout en l’intégrant dans leur discours de marque.
La distinction entre communication bien-être et santé est parfois difficile d’autant que certaines marques alimentaires commencent sur des promesses bien-être liées au culte du corps et dévient sur la communication santé lorsqu’elles sont bien ancrées dans le registre.
Si les marques, pour la plupart alimentaires, ont su exploiter les préoccupations liées au culte du corps il n’existe pas nécessairement une place pour la communication santé. La marque doit-être légitime sur ce territoire, si la santé n’est pas son cœur de métier, elle doit parler éventuellement santé pour informer et non pour innover.
Auteur : Erika LEVEL
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Marchés et cibles
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- Les marques et le culte du corps : existe-t-il une place pour la communication santé ? Par Erika LEVEL
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- L’INPES et le SIDA, un combat toujours d’actualité, mais une communication pertinente ? Par Anne-Line GAYET
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- Des bénéfices financiers mais un déficit d’image pour les laboratoires pharmaceutiques. Par Fabien CABROL
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Aller plus loin
– Stratégies n°1440 (2007)
– Sites institutionnels des marques : Coca-Cola, Danone, Tropicana, AXA.
– www.journaldunet.com article « La santé : un argument marketing à utiliser avec discernement » 6/12/2008, Eric Phélippeau
– Conférence du professeur Georges Vigarello (Paris V) www.canal-u.tv/themes / décembre 2000 « Le culte du corps dans la société contemporaine »
– www.wikipedia.fr : articles sur Jean Baudrillard et Pierre Bourdieu
– www.agroalimentaire.fr
Serge-Henri Saint-Michel
15 avril 2009 à 17:58
A lire sur Yahoo : La tendance préfère-t-elle les grosses ?
http://fr.news.yahoo.com/blog/ecotidien/article/10828/