Manger bien, bon et sain c’est possible. De nombreuses marques se lancent chaque année dans la bataille des « aliments santé », une bataille pour un segment très porteur car la santé fait vendre. Mais le consommateur peut-il pour autant revendiquer d’être en meilleure santé grâce a l’émergence de ces produits de mass-market intégrant des allégations santé ?
Les linéaires santé en hypermarché …
Les marques de produits alimentaires mettent de plus en plus en avant des bénéfices santé ou nutritionnels portés par leurs produits, jusqu’à annoncer certaines vertus thérapeutiques, scientifiquement prouvées … ou non. Ainsi, en 1998 1 produit sur 3 vantait ses atouts en termes de santé, contre 3 sur 4 en 2006, soit plus du double.
Alicaments, cosméto-food, nutraliments, aliments-santé, de nombreuses dénominations pour le même type de produit : Danacol, Activia, Actimel, Pro-Activ, St Hubert … mais également toutes les marques de produit « light » en sucres et en corps gras.
Des promesses santé, toujours plus innovantes, utilisant des termes propre au milieu médical : cholestérol, transit intestinal, défenses naturelles, défenses immunitaires, système cardio-vasculaire …
Mais les marques ne s’arrêtent pas là. En plus de leurs produits, elles développent par le biais de leurs sites Internet des forums, des blogs et autres interfaces (publi rédactionnel par exemple) exclusivement tournés vers la santé et le bien-être. Comme un bon médecin, la marque prodigue des conseils nutritionnels en mettant en avant ses recherches alimentaires scientifiques.
La santé fait vendre
La santé reste l’élément central au cœur des préoccupations des Français, et elle se matérialise par un nouveau comportement de prise de conscience sur le contenu de nos aliments.
Par ailleurs, un sentiment de peur et de culpabilité se crée de jour en jour notamment après les campagnes publicitaires « mangez au moins 5 fruits et légumes par jour », « mangezbougez.fr ».
Selon l’association de consommateurs CLCV, « la santé déclenche l’acte d’achat pour 88% des consommateurs ». Le marketing a su flairer cette tendance, en proposant des produits adaptés, avec des allégations santé toujours plus impactantes.
C’est pourquoi il est très important qu’une sévère réglementation soit mise en place pour protéger le consommateur.
Enfin, il est d’autant plus simple de vendre un produit à un prix élevé lorsque des arguments santé et bio sont mis en exergue. La santé fait vendre, mais elle fait parfois vendre au prix fort.
De propagande publicitaire à démagogie marketing
Dans un marché où les arguments publicitaires s’essoufflent très rapidement, comment une marque peut-elle communiquer sur les valeurs peu différenciantes de son produit ?
Tout d’abord : l’information. Face à la prolifération de rumeur, d’information complexe ou contradictoire, le consommateur fait part d’un besoin croissant d’information sur sa consommation personnelle. Une opportunité s’offre aux marques pour créer un lien fort avec son consommateur en répondant à sa demande. Le consommateur dispose ainsi, par le biais de ces marques, d’un discours simple et accessible, différent du discours purement scientifique d’un médecin spécialiste. Les marques se placent ainsi comme les sauveteurs au secours du consommateur perdu.
Paradoxalement à cela, les marques surfent sur une nouvelle donne. Elles n’hésitent pas à s’associer à une équipe de professionnels de la santé (nutritionnistes, diététiciens, cancérologues …) pour apporter une forte crédibilité à leurs produits, tout en essayant de respecter l’idée d’apporter un discours ni trop savant, ni trop complexe, juste à bonne température.
Pour se rendre plus crédible encore, l’utilisation de moyens marketing: publi rédactionnel, e-mailing, blog, nouveau site Internet dédié… sont développés pour toucher directement la cible.
Pourtant un des amendements de l’ARPP (anciennement BVP : Bureau de Vérification de la Publicité) stipule « La publicité doit proscrire toutes les allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur le consommateur sur les propriétés d’un produit. La publicité ne doit pas présenter le produit comme relevant du domaine médical, notamment en lui attribuant des propriétés de prévention, traitement et guérison d’une maladie humaine. Le message doit être élaboré en tenant compte de la capacité de compréhension de l’allégation santé par le public auquel elle s’adresse.»
Un consommateur en meilleure santé ?
Peut-on pour autant dire que les consommateurs de ce type de produit sont en meilleures santé ?
Au contraire, car il y’a certains risques liés à l’utilisation de ce genre de produit. Tout d’abord la surconsommation ou la dépendance au produit dit « sain », pour être en meilleure santé. Trop d’Activia, tue l’Activia. Ensuite, la crédibilité des marques reposent essentiellement sur le slogan accrocheur, qui parfois détourne la valeur santé. Certains éléments importants ne sont pas cités, comme la teneur en sucre ou en calorie, pour ne se concentrer que sur l’allégation principale.
Par ailleurs, les allégations santé pour un produit ne sont valables que selon certaines variables liées aux quantités, aux conditions médicales, à la morphologie de la personne… Des variables pas toujours mentionnées par la marque.
Le consommateur n’est donc pas forcément en meilleure santé grâce à ces produits, même s’il pense l’être.
Quand les aliments deviennent bons pour la santé ils deviennent également bons pour la beauté
Les marques vont désormais plus loin … elles apportent des bénéfices consommateurs à la limite du médicamenteux. Le discours marketing attribué au yaourt Essensis de Danone prône des vertus pour la peau. Celui-ci rend la peau plus nette et plus belle, de l’intérieur.
L’association de consommateur UFC Que Choisir, vient de démontrer que le discours de la marque n’était appuyé sur aucune étude transmise à l’AFSSA (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Aliments). Après test par l’association, le produit n’a aucun réel effet démontré sur la peau. L’efficacité des alicaments est-elle remise en question ? Certaines mesures réglementaires ne doivent pas être prises sur la communication « santé » des marques de mass-market ?
Auteur : Hafida Derouiche
Aller plus loin
(1) Etudes Credoc – Septembre 2005 – Consommations et mode de vie
Sources :
UFCquechoisir.org « Alicament : le yaourt Essensis sans effets démontrés »
Journaldunet.com « La santé : un argument marketing à utiliser avec discernement »
Ifop.com : études sur l’utilisation des allégations santé
Marchandroit.canalblog.com « Allégations cosmétiques vs allégations santé »
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