L’euphorie du début
Le lancement d’un produit de manière générale est toujours accompagné d’une certaine euphorie. Chacun y retrouve son compte, le chercheur, le chef de produit, le communicant… tous ont un sentiment d’accomplissement après de durs mois de labeur. Mais voilà, le drame est proche ! Nombreux sont les exemples de lancements ratés au pays de l’industrie pharmaceutique !
Malheureusement pour les acteurs du secteur, ces lancements « chaotiques » entraînent une chute de l’action, un mécontentement des dirigeants et ternissent un peu plus l’image de l’industrie qui est loin d’être au beau fixe auprès du grand public.
Mais qui est le fautif ? Le chercheur qui n’a pas su anticiper tous les effets secondaires ? Le chef de produit et le communicant qui ont survendu les mérites de ce futur médicament ? Les investisseurs, qui en voulant gagner des parts de marché toujours plus vite, affligent trop de pression à leurs chercheurs ? La question est complexe. Les lois du marché et les cours de la Bourse ne seraient-ils pas, tout simplement, les principaux coupables ?
Le cas Acomplia
En juin 2006, Sanofi – Aventis obtient l’autorisation de lancer sur le marché Acomplia. Le ton est donné, Acomplia est annoncé comme une véritable révolution pour les personnes atteintes d’obésité. En effet, la molécule utilisée dans ce médicament, le Rimonabant, agit directement sur les récepteurs cannabinoïdes. Ces récepteurs contrôlent l’équilibre énergétique, le métabolisme du glucose et des lipides et le poids corporel ce qui module, au niveau des neurones, l’alimentation.
Le véritable premier bémol se déroule en juin 2007, lorsque la FDA (Food and Drug Administration) refuse la mise en vente du médicament sur le marché américain à cause des risques d’effets secondaires neurologiques et psychiatriques. Le marché américain est le marché le plus important pour l’industrie pharmaceutique puisqu’il représente près de 235 milliards de dollars, ce refus est donc un coup dur pour Sanofi – Aventis qui voit s’envoler quelques millions de dollars de bénéfices.
Le deuxième bémol survient en octobre 2008, en Europe, avec le retrait de la vente d’Acomplia. Cette suspension met un point final aux restrictions d’utilisation qui se sont succédées depuis la mise d’Acomplia sur le marché.
Mais Acomplia n’est pas un cas isolé. Des cas similaires comme le Vioxx (médicament utilisé pour le soulagement de l’inflammation dans l’arthrose ou la polyarthrite rhumatoïde) ou Iressa (utilisé pour le traitement du cancer du poumon) ont été retiré de la vente suite à l’apparition d’effets secondaires.
Comment peut-on expliquer ces développements « ratés » alors que tous ces médicaments sont soumis à des tests drastiques ?
Optimiser la rentabilité
Le marché de l’industrie pharmaceutique est un marché colossal qui brasse plusieurs milliards de dollars chaque année. La concurrence est rude et les chercheurs sous pression. Tout se joue sur la recherche : trouver et déposer le brevet de la molécule, qui, une fois transformée en médicament sera la plus rentable ! Cela explique les investissements considérables en recherche et développement des grands laboratoires pharmaceutiques. Mais tout a un coût. Entre l’influence des investisseurs et les exigences économiques du marché que ce soit en terme de temps (Time To Market), de concurrence et de rentabilité, le lancement d’un médicament n’est pas de toute simplicité. De plus, au travail des chercheurs, vient s’ajouter celui des marketeurs et communicants, qui doivent en amont, annoncer, de manière un peu vague, toutes les innovations à venir de leurs laboratoires.
Comment communiquer sur des produits dont on ne connaît pas encore la viabilité ? C’est là que réside toute la difficulté, sans oublier toutes les contraintes légales qui réduisent davantage les possibilités de communication. Dans certains cas, c’est une formidable réussite, le médicament est autorisé à la mise en vente, sort dans les temps et ne révèle aucun effet secondaire supplémentaire dangereux pour les patients mais les contre exemples sont multiples. Un autre paramètre est aujourd’hui à prendre en compte : Internet. La prolifération des informations en ligne s’avère être un véritable casse-tête pour les communicants du secteur.
Quand le pharma se prend dans la toile
Le Web est devenu depuis quelques années, une référence pour beaucoup de français. Pour l’industrie pharmaceutique, comme pour beaucoup d’autres secteurs, il y a « l’avant Web 2.0 » et « l’après ». En effet, la plupart des acteurs du marché, se sont contentés, au départ, d’un simple site Internet institutionnel, sauf que la donne a changé ! Le Web participatif s’est développé et c’est dans cette optique qu’ont fleurit les sites comme Doctissimo. La santé préoccupe les Français, leurs dépenses augmentent de 3% chaque année. L’apparition de ce type de sites était donc totalement légitime. Mais à l’instar des sites Internet participatifs comme Wikipédia, les informations mises en ligne ne sont pas, ou très peu, contrôlées et vérifiées !
Il est alors d’une facilité quasi enfantine de lancer des rumeurs sur la toile, rumeurs qui peuvent prendre une ampleur considérable dès lors qu’elles font référence à la santé. Une des plus importantes ces dernières années portait sur l’accroissement du risque d’avoir un cancer du sein suite à l’utilisation de déodorants.
Le Web peut donc être une véritable opportunité comme la pire des menaces dans le cadre du lancement d’un médicament. Le point primordial est la veille : il faut surveiller constamment ce qui peut se dire sur la toile pour mieux anticiper la catastrophe ! Ne pas laisser les consommateurs ou patients dans l’ignorance, les informer, les conseiller est essentiel ! Trop de laboratoires négligent encore le Web, alors que ce dernier constitue un véritable relais d’information.
Alors messieurs les géants de l’industrie pharmaceutique, continuez de concentrer vos efforts sur la recherche mais ne négligez plus l’internaute qui sera des plus réceptifs à vos conseils et mises en garde ! Cela vous permettra de prévenir, en amont, beaucoup de potentiels désagrements.
Auteur : Jessica MICHEL
—
Lire la suite de notre dossier sur le marketing pharmaceutique et du secteur santé
Marchés et cibles
- Le marché des génériques, proche de la grande distribution et destiné à communiquer sur le net ? Par Jean-Baptiste MAZADE
- Disease awareness, quand les médias couvent la crise sanitaire. Par Claire DESMONS
- Les marques et le culte du corps : existe-t-il une place pour la communication santé ? Par Erika LEVEL
- Quand les industriels s’intéressent à la santé. Par Majda ALKAGH
- L’INPES et le SIDA, un combat toujours d’actualité, mais une communication pertinente ? Par Anne-Line GAYET
Pratiques et processus (médias et hors médias)
- Laboratoire pharmaceutique + réglementation contraignante = communiquer… différemment ! Par Nadège GRILLET
- Analyse des présentations institutionnelles des laboratoires pharmaceutiques, par Arnaud Dionisi
Études, mesures et budgets
- Le Market Access, un concept en bonne santé. Par Dominique MICHELANGELI
Produits et marques
- La Promotion de la Santé, un axe stratégique et marketing innovant. Par Véronique CHABERNAUD
- Quand l’industrie pharmaceutique dérape, le web la rattrape ! Par Jessica MICHEL
- Pourquoi de plus en plus d’industriels en cosmétologie mettent-ils sur le marché des « marques docteur« ? Par Tiphaine DEMANCHE
- Quoi de neuf Docteur ? Par Jean-Marc FERRARO
- Allégations santé, un vrai raz de marée ! Par Hafida DEROUICHE
- Les allégations santé : le nouvel eldorado des groupes agroalimentaires. Par Delphine MAURY
- L’obésité, ou comment communiquer sur des produits non-recommandés en cas de surcharge pondérale. Par Adeline AUBERT
- Des bénéfices financiers mais un déficit d’image pour les laboratoires pharmaceutiques. Par Fabien CABROL
—
Arnaud
10 février 2009 à 15:18
Monsieur, saviez-vous que les firmes pharmaceutiques étaient très limitées quant aux informations qu’elles peuvent donner vers les patients. Dans certains pays d’Europe, la publicité et donc la mention du nom de la molécule ou du générique n’est pas permis vers le patient (est considéré comme patient, les personnes qui ne peuvent prescrire!!!!) contrairement aux Etats-Unis. Ce n’est pas une volonté du pharma mais une volonté des gouvernements….