La stricte réglementation imposée pour les laboratoires vendant des médicaments éthiques amène les marketeurs à penser différemment pour créer une préférence de marque. Mais cela relève du défi, dans ce secteur qui peine à conquérir la confiance du grand public… Qu’en est-il de la réglementation ? Comment s’applique-t-elle à nos moyens de communication classiques ? Et enfin, comment est-il possible de la prendre en compte et d’être suffisamment créatif ?
Qu’est ce que les médicaments éthiques ?
Les médicaments éthiques sont les médicaments prescrits par le médecin, délivrables uniquement sur ordonnance et remboursés par la sécurité sociale, comme par exemple : les antibiotiques.
Possible, mais très réglementée lorsqu’elle vise les professionnels de la santé, la communication des médicaments éthiques envers le grand public a une issue définitive :
« En France, il est interdit de faire de la publicité auprès du grand public pour les médicaments remboursables par la Sécurité Sociale et/ou les médicaments inscrits sur une liste de substances vénéneuses. » www.leem.org)
Entendons-nous sur le terme « publicité » : celui-ci comprend l’ensemble des moyens de communication permettant de promouvoir l’achat des médicaments de prescription. Cela est compréhensible face aux risques qu’engendrerait la publicité grand public (surconsommation médicamenteuse, surcoût pour les systèmes de santé…).
Paradoxalement, nous faisons face à un consommateur éprouvant le besoin de savoir. Aujourd’hui, avant de prendre rendez-vous chez le médecin, celui-ci passe par un tout autre circuit d’information : il va d’abord se renseigner sur Internet et autres forums, puis en parler à son entourage, demande conseil auprès de son pharmacien et en dernier lieu va chez son médecin. Avec la crise actuelle, nous sommes face à une grande tendance de l’automédication qui peut s’avérer dangereuse.
Dans ce contexte, nous voyons se développer sur Internet des bases d’information à destination du grand public :
– Une Database européenne sur tous les médicaments autorisés dans l’union européenne : www.eudrapharm.eu
– Les rapports publics sur les produits autorisés (site de l’EMEA The European Medicines Agency) : www.emea.europa.eu
– Les notices d’information patient sur les packagings
– Les mesures d’information relatives aux retraits de produits du marché.
Lisette Tiddens-Engwirda, secrétaire général du Comité permanent des médecins européens interviewée par le journal La Croix, déclare pour sa part qu’« une information neutre et de qualité doit être disponible sur Internet. Cependant les groupes pharmaceutiques connaissent leurs produits mais pas le patient. Ils ne doivent pas s’asseoir à la place du médecin ».
Si nous nous tournons du côté du communiquant, nous remarquons qu’ils ont une marge de manœuvre limitée au niveau des communications classiques.
Les cibles et les moyens de communication
Si nous résumons, les seuls cibles d’information possibles sont les médecins, les pharmaciens, les chirurgiens-dentistes et les sages-femmes. C’est par leurs réseaux de visiteurs médicaux que les firmes pharmaceutiques tiennent régulièrement informés les professionnels de santé, mais aussi par la presse médicale et les nouveaux médias.
– Les moyens de promotion B to B et Marketing Direct : les visites médicales, les journées de formation, les enquêtes et les mailings de brochure, concernent uniquement les professionnels de santé. L’industrie pharmaceutique « consacre au moins trois milliards d’euros par an à la promotion de ses médicaments auprès des médecins », relève le journal La Croix : cela représente un coût important, mais l’impact l’est d’autant plus pour le laboratoire. Il fut un temps où les médecins étaient « pourri-gâté par les labos », souligne un interviewé, mais du fait de nombreux abus, ce type de communication est aujourd’hui extrêmement contrôlé : la loi de 1994 interdit toute remise à un médecin d’un présent d’une valeur supérieure à 30 €, et, depuis le 1er janvier 2008, toute délivrance d’échantillon de médicaments lors de la visite est proscrite. Seuls restent inchangés les outils d’aide à la force de vente (dossier technique de produit, aide de visite, remis destinés aux patients…)
– La Publicité à travers la télévision, la presse, l’affichage, la radio et le cinéma, a l’avantage de toucher le grand public. Malheureusement pour les laboratoires pharmaceutiques, ils ne concernent que les produits hors prescription (dits OTC ou DTC). La presse professionnelle de santé est le seul média à permettre la promotion des médicaments éthiques une fois que ces derniers ont reçu l’autorisation de mise sur le marché.
Les autres moyens de communiquer sont majoritairement à destination des professionnels de santé : notons les salons comme Pharmagora et les mailing/newsletter. Il reste néanmoins pour eux un moyen d’imposer leur image auprès du grand public :
– Les Relations Publiques : sont des actions non pas destinées aux professionnels de santé, mais aux patients. Il s’agit d’éduquer/sensibiliser le grand public sur la pathologie : « on ne peut pas faire de publicité sur les médicaments prescrits auprès du grand public, mais on peut parler de la pathologie et de l’environnement », remarque Isabelle Genin directrice des opérations chez Saatchi & Saatchi Healthcare. Ainsi, pour le laboratoire, l’objectif est de mettre en relation différents acteurs (décideurs, groupe de patients, influenceurs telles que les sociétés savantes) afin qu’ils rallient la cause et qu’elle soit médiatisée.
Par ailleurs, bien que le mécénat soit possible aux laboratoires, le sponsoring leur est interdit.
– La Communication Digitale, ou les sites Internet des laboratoires, bandeaux publicitaires, offrent une visibilité au laboratoire. Quelques contraintes sont de mises, comme les mentions légales obligatoires, et l’accès protégé en cas de communication pour les professionnels de santé. La communication Internet reste très discrète et se limite aux informations sur la pathologie et aux bases d’informations sur les médicaments. Néanmoins, l’émergence de forums de santé (comme Doctissimo, Aufeminin), permettent aux internautes de communiquer entre eux, et d’annoncer les produits… mais attention, cela peut laisser place aux dérives de l’automédication et à la mauvaise information.
Au regard de la réglementation à laquelle les industries pharmaceutiques doivent faire face, nous pouvons nous interroger sur les nouvelles formes de promotion permettant de combattre ces multiples barrières. Il est très dur, pour un laboratoire, d’émerger par rapport à la concurrence, lorsqu’il faut un certain nombre de contacts par an pour rester présent à l’esprit des médecins qui reçoivent un grand nombre de messages de la part des laboratoires.
Ainsi, pour se différencier, l’industrie pharmaceutique propose aujourd’hui de nouveaux services à forte valeur ajoutée pour les médecins en leur offrant de l’interactivité.
Concernant une approche directe auprès du grand public, le blog apparaît comme étant l’un des outils accompagnant la mise en place d’une action d’environnement des plus pertinents : « il permet au laboratoire pharmaceutique à l’initiative de l’opération d’investir les communautés », remarque Michaël Pierlovisi, Directeur online de l’agence de relation publique MS&L, et également d’installer sa présence et sa crédibilité par l’apposition de son logo en page principale.
L’outil Internet (et surtout le web 2.0), parce que mondial, semble être la voie encore peu réglementée et laisse libre cours à de nouveaux moyens pour communiquer.
En conclusion, l’émergence de la communication d’environnement et l’émergence d’Internet (site Internet, blogs, gestion de communautés) offrent la possibilité de communiquer « autrement » pour les laboratoires. Cela dit, nous n’en sommes pas encore au niveau des Etats-Unis, qui a vu l’essor de plusieurs site à visée médicale, comme « Zocdoc », un site Internet permettant de prendre rendez-vous avec son médecin, noter et commenter ses actes, ou encore « Patient like me », un site de réseau social permettant aux patients de décrire leur maladie et le traitement qu’ils prennent : une mine d’or pour la recherche d’influenceurs…
Mais ne serait-ce pas une sorte de dérive de la communication santé ? La réglementation française sera-t-elle souple, ou au contraire, tendra-t-elle à légiférer sur ces nouvelles tendances et ce nouveau média ?
Auteur : Nadège GRILLET nadege_grillet AT hotmail.fr
Etudiante en 5ème année à l’ISCOM (Institut Supérieur de COMmunication) après avoir suivi un Master 1 à l’ISTEC (Institut Supérieur des Sciences Techniques, Économiques et Commerciales), école de commerce à dominante marketing, je désire avant tout travailler en agence de publicité et plus précisément, être conceptrice-rédactrice.
A l’affut des nouvelles tendances, mon parcours ne s’est pas restreint à l’agence : commerciale à l’agence de communication IBAOS, puis assistante marketing & communication chez Moeller (du secteur industriel, tertiaire et domotique), mon dernier choix s’est porté sur l’agence de relation publique MS&L, et plus particulièrement dans le département santé.
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Lire la suite de notre dossier sur le marketing pharmaceutique et du secteur santé
Marchés et cibles
- Le marché des génériques, proche de la grande distribution et destiné à communiquer sur le net ? Par Jean-Baptiste MAZADE
- Disease awareness, quand les médias couvent la crise sanitaire. Par Claire DESMONS
- Les marques et le culte du corps : existe-t-il une place pour la communication santé ? Par Erika LEVEL
- Quand les industriels s’intéressent à la santé. Par Majda ALKAGH
- L’INPES et le SIDA, un combat toujours d’actualité, mais une communication pertinente ? Par Anne-Line GAYET
Pratiques et processus (médias et hors médias)
- Laboratoire pharmaceutique + réglementation contraignante = communiquer… différemment ! Par Nadège GRILLET
- Analyse des présentations institutionnelles des laboratoires pharmaceutiques, par Arnaud Dionisi
Études, mesures et budgets
- Le Market Access, un concept en bonne santé. Par Dominique MICHELANGELI
Produits et marques
- La Promotion de la Santé, un axe stratégique et marketing innovant. Par Véronique CHABERNAUD
- Quand l’industrie pharmaceutique dérape, le web la rattrape ! Par Jessica MICHEL
- Pourquoi de plus en plus d’industriels en cosmétologie mettent-ils sur le marché des « marques docteur« ? Par Tiphaine DEMANCHE
- Quoi de neuf Docteur ? Par Jean-Marc FERRARO
- Allégations santé, un vrai raz de marée ! Par Hafida DEROUICHE
- Les allégations santé : le nouvel eldorado des groupes agroalimentaires. Par Delphine MAURY
- L’obésité, ou comment communiquer sur des produits non-recommandés en cas de surcharge pondérale. Par Adeline AUBERT
- Des bénéfices financiers mais un déficit d’image pour les laboratoires pharmaceutiques. Par Fabien CABROL
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Aller plus loin
Bibliographie :
– Directive 92/28/CEE du 31 mars 1992 concernant la publicité faite à l’égard des médicaments à usage humain
– Décret n° 96-531 du 14 juin 1996 relatif à la publicité pour les médicaments et à certains produits à usage humain et modifiant le Code de la Santé Publique
– La Croix du 6 janvier 2009 « Les médecins sous pression des laboratoires »
– La Croix, Les Echos « La délicate frontière entre information et publicité pour les médicaments »
Webographie :
– http://www.docvadis.fr
– http://www.emea.europa.eu
– http://www.eudrapharm.eu
– http://www.leem.org
– http://www.patientslikeme.com
– http://www.ratemds.com/social
– http://www.univasis.fr
– http://www.zocdoc.com
Hazy
14 mars 2013 à 18:22
Pourriez vous, s’il vous plait, indiquer l’année de la date de parution de l’article ? J’en aurai rapidement besoin dans le cadre de préparation d’un dossier de veille.
Merci.
Serge-Henri Saint-Michel
17 mars 2013 à 21:11
Bonjour, c’est le 12 février 2009.
Hazy
28 mars 2013 à 0:11
Je vous remercie infiniment.