La marque employeur devient le dada de nombreuses marques pour communiquer auprès de leurs cibles interne et externe.
Réelle marque employeur, comment et pourquoi la cible interne est elle un enjeu pour la RATP ? Comment se déroule la stratégie pour cette « nouvelle » marque de transport.
Enjeux marque employeur
Pour rappel, la marque employeur est le positionnement qu’une entreprise adopte en constituant sa promesse aux employés actuels et potentiels et se traduit dans l’expérience d’emploi. Il y’a donc deux cibles : une cible interne et une cible externe.
Le développement du concept de marque employeur est lié à plusieurs enjeux de taille :
– Tout d’abord, les problèmes démographiques avec les départs en retraite des premières générations du baby-boom. En effet, les premiers baby-boomers atteindront 65 ans en 2011 (source :indicerh.fr). Ainsi au cours des prochaines années, le départ à la retraite de bon nombre d’entre eux privera les entreprises d’une main-d’œuvre importante que les générations suivantes ne suffiront pas à remplacer.
– Ensuite, la pénurie de certains profils très courtisés. Cette pénurie accentuée par des flux migratoires des talents Français vers l’étranger, à la recherche de nouveaux horizons et de nouvelles perspectives d’emploi provoquant une guerre de talent. Puis une infidélité croissante des salariés de plus en plus versatiles.
– Enfin, le contexte de crise actuel est également un enjeu pour les entreprises. En effet, depuis quelques décennies, nous assistons à une montée inéluctable du chômage déclenchant crises de l’emploi et une insatisfaction grandissante des français à l’égard des politiques exercées par les entreprises.
Tous ces enjeux poussent les entreprises à développer, à l’aide d’outils et de moyens marketing et communication, leur identité en tant que marque employeur.
Cette marque employeur à également pour enjeu de gérer sa réputation. A l’ère d’Internet et des réseaux sociaux, où la communication est facilitée, le contexte managérial d’une entreprise ne fait plus partie de la sphère privée, celui-ci est dévoilé au grand public : cas de suicides en entreprise, conflits sociaux, création de pages Facebook « salariés de telle entreprise » … L’entreprise a tout intérêt à opter pour une posture offensive en étant transparente avec la création de cette marque employeur.
Par ailleurs, une marque employeur se construit sur le long terme, il faut quelques années (entre 3 et 5 ans) pour avoir un retour sur investissement réel (plus de candidatures, facilité à atteindre une certain type de profil …).
Évolution et mutation du service RH
La modernisation des entreprises est une des raisons de l’apparition de changements dans l’organisation du travail et de l’objectif du service des Ressources Humaines.
L’éternelle question qui se pose est la suivante : le concept de marque employeur doit-il être géré par le service RH ou le service communication ? De ce fait, dans certaines entreprises un nouveau poste/service de communication appliqué aux RH est créé. Existe t-il réellement une meilleure solution plutôt qu’une autre ? Chaque entreprise doit déterminer son choix, mais il est nécessaire que les deux compétences soient combinées : ressources humaines et communication. Les escarmouches entre les communicants et les RH n’est donc pas terminées.
Par la force du rôle de la marque employeur, certains repères de la fonction RH sont amenés à évoluer. Le service n’est plus passif, mais devient réellement actif. Mais comment ?
Tout d’abord par une communication interne et externe centralisée par le service RH. Une nouvelle dimension dans la manière de communiquer en s’appuyant sur cette marque employeur, mais également sur la culture d’entreprise véhiculée. Culture d’entreprise, autrefois gérée et utilisée en communication par la direction générale.
Enfin, le service RH passe de travaux one to one (salaires, absences, formations …) à des actions one to many avec la communication globale mise en place pour le recrutement.
Cibles : interne & externe
Deux cibles différentes, donc deux types d’objectifs différents.
Dans un premier temps, il est important pour une marque de rester en adéquation entre sa communication et l’image voulue véhiculée à l’externe, avec la perception des salariés. Le rapport entre l’interne et l’externe devient de plus en plus minime quand il est question de marque employeur.
– Cible externe
L’objectif principal de la marque employeur pour cette cible est de courtiser les talents de demain en leur proposant des valeurs d’entreprise et une image de marque forte. En effet, le « futur » candidat est considéré comme un véritable client, la marque doit lui vendre, non pas son produit, mais son entreprise.
– Cible interne
Pour la cible interne, la communication RH par le biais de la marque employeur a pour but de fidéliser et de fédérer les salariés et collaborateurs autour d’un même projet d’entreprise.
RATP vs BNP Paribas
La RATP, entreprise du service public, BNP Paribas société privée. Comment ces deux marques communiquent-elles sur leur image de marque employeur vers la cible des jeunes diplômés ? Une cible versatile et difficile à capter qui attend énormément de son entreprise.
Pas ou peu dynamique, malgré certains efforts de communication (minimes mais néanmoins existants) la RATP dispose de lacunes importantes. Une image de fonctionnaire bedonnant, des conflits sociaux à répétition, des salariés peu « actifs », une diversité de métiers méconnue, j’en passe et des meilleurs. Des freins lourds à lever par une stratégie de marque employeur à mettre en place.
L’enjeu principal pour la RATP repose tout d’abord sur le contrôle accru du STIF (autorité contrôlant les transports publics en IDF), d’une concurrence croissante (Vélib, nouvel appel d’offre pour le métrophérie, concurrence sur les bus en banlieue), et de perspectives d’évolution à l’international.
C’est pourquoi la cible interne est un enjeu pour la RATP, car elle est en fait vecteur de l’image de la marque vers l’extérieur.
Ainsi, en interne, cette stratégie se développe autour :
– d’un projet d’entreprise fondé sur une ambition forte de « faire aimer la ville »
– d’un dialogue social renoué et accentué
– de nouveaux repères : satisfaction client, marque
Pour la cible des jeunes talents diplômés, les moyens de communication sont assez classiques pour une marque qui veut changer son image : un simple corner « recrutement » sur le site de la RATP, la participation à des forums de l’emploi, des partenariats avec certaines écoles pour échanger sur les métiers et l’intégration de personnes handicapées ou socialement rejetées par des forums spécialisés. En somme, aucune innovation et aucun moyen fort pour arriver au bout du tunnel. Alors que le positionnement de la marque est lui porteur de sens « faire aimer la ville », c’est rendre la vie en ville meilleure, c’est partager ensemble, c’est une invitation à modifier la ville ensemble, c’est se tourner vers l’avenir pour anticiper et agir et c’est ainsi renforcer les performances de l’entreprise. Les moyens de communication ne suivent pas et sont même très loin de cette signature, de ce positionnement et de ce projet d’entreprise.
La RATP passe de simple entreprise à réelle marque et souhaite pousser à la préférence de marque pour faire reculer la concurrence croissante. Mais ne doit-elle pas prendre en compte les actions menées par d’autres marques du secteur privé ? La RATP doit dépasser son fardeau de service public et se lâcher en communication : par des outils plus innovants en sortant du carcan de service public à la Française.
Et dans le privé… ?
La BNP a pour signature institutionnelle : « la banque d’un monde qui change. » Depuis 2003, c’est une des entreprises les plus innovantes en matière de communication de recrutement et qui n’hésite pas à aller choisir des outils et des modes de communication peu utilisés. La BNP cible en particulier les jeunes diplômés à travers des campagnes de recrutement massives.
Néanmoins, tout comme la RATP souffre d’un déficit d’image auprès des jeunes, le secteur bancaire est perçu comme austère. C’est pourquoi, la BNP a choisi de réaliser des campagnes de communication pour marquer les esprits et faire évoluer les mentalités.
Pour cette banque, l’enjeu est important ; il s’agit de conserver son image de banque préférée des étudiants mais aussi de valoriser son image de marque employeur. L’intérêt de la BNP réside dans le fait qu’elle place le jeune au centre de ses campagnes, en mettant en avant avec humour (ce qui est relativement rare dans le domaine bancaire) les individualités.
La BNP surfe sur Internet et les Nouvelles Technologies de l’Information et de la communication : l’objectif c’est d’aller vers le candidat. La marque se déplace en utilisant les outils appropriés à sa cible pour arriver à les toucher dans leur univers.
– Campagne de communication sur Second Life
– E-recrutement : abonnement à des widgets et des flux RSS pour recevoir les offres
– Mise en place d’un site Internet mobile : obtenir les offres par SMS
Opérations de relations publiques pour favoriser la proximité
– Campagne d’affichage : annoncer le recrutement massif de jeunes diplômés
– Création de centre de recrutement en agence
Grâce à cette campagne, la BNP a bénéficié d’une image positive en attirant des jeunes qui n’auraient pas forcément voulu postuler. Elle a aussi permis de lever les barrières en donnant l’opportunité à chaque jeune diplômé qui le souhaitait d’entrer directement en contact avec un recruteur sans subir la barrière de la lettre de motivation. Plus que sur les diplômes, c’est sur les individualités que mise la BNP.
En somme, deux entreprises complètement différentes et des outils de communication à l’opposé, alors que l’objectif des deux marques est le même : fidéliser l’interne pour mieux appréhender l’externe, à savoir les jeunes talents. Un dernier exemple encore plus frappant par la comparaison du corner recrutement RATP et du site Internet dédié au recrutement de la BNP. Les captures d’écrans parlent d’elles mêmes (cf. illustrations supra).
Conclusion
La marque employeur est donc le nouveau créneau envahi par les entreprises. Cette marque employeur surfe sur la « nouvelle » tendance qu’ont les sociétés aujourd’hui à revenir sur les valeurs fondamentales de leur création. Des valeurs importantes et appréciées et par la jeune génération, employés et cadres de demain.
Mais en temps de crise, faut-il ou non communiquer sur sa marque employeur ? Et comment ? Le contexte économique oblige les entreprises à revoir leurs stratégies car les comportements de la cible sont évidemment changeants. Les priorités étant différentes, la communication est à adapter.
Cette crise peut donc engendrer des améliorations et plus de finesse dans la communication des marques employeurs.
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Auteur : Hafida Derouiche
Autre article de Hafida Derouiche : Allégations santé, un vrai raz de marée !
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La marque employeur en chiffres (source cgdme.com)
– Plus de six millions de seniors devront être remplacés d’ici 2010 dans les entreprises
– 60% des embauches de jeunes diplômés se font via des candidatures spontanées des étudiants sur le site Internet des entreprises
– Les besoins en collaborateurs qualifiés augmentent alors que les « viviers » diminuent fortement :
– Ex : en 2006, 27 638 étudiants sont sortis diplômés d’une école d’ingénieurs alors que les grands groupes français prévoyaient à eux seuls en 2007 26 600 embauches
– En 2007, il y avait environ 5 offres de stage pour 1 élève de Grande École
– Environ 82% des diplômés de grandes écoles ont trouvé un emploi en moins de 2 mois après la sortie de l’école
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Sources
Indicerh.fr
Lamarqueemployeur20.com
Journaldunet.com
Cgpme.com
Orhri.org
Le marketing dans les secteurs du transport et de l’énergie
D’une entreprise publique à une marque
- Et si les transports publics devenaient des marques
- La RATP et SNCF sur la « voie » de la modernisation. Par Majda Alkagh
- Entreprises, transportez nous… Par Fabien Cabrol
- Marque employeur : l’art d’associer techniques marketing aux méthodes de recrutement. Par Hafida Derouiche
- Les transports en commun à Paris vont-ils si bon train ? Par Nadège Grillet
L’émergence de la notion de service et de client
- RATP : Le service BlueEyes peut-il relever le défi du Handicap ? Par Dominique Michelangeli
- Transport et innovation : paradoxe ou enjeu ? Par Jessica MICHEL
- Du simple transport… au spectacle ! Par Tiphaine Demanche
Le développement de l’échange avec les clients et des conversations de marque
- Transports publics : sur la voie de la (ré)conciliation avec les usagers ? Par Claire Desmons
- Quand les entreprises de transport engagent la conversation avec leurs usagers. Par Delphine Maury
- La RATP peut-elle aller encore plus loin que le crowdsourcing ? Par Jean-Baptiste Mazade
Transport, énergie et développement durable
- L’automobile : quand marketing rime avec environnement. Par Adeline Aubert
- Le diester, vraie solution écologique ou argument marketing supplémentaire ? Par Anne-Line Gayet
- Une bonne dose d’air pub. Par Jean-Marc Ferraro
- Développement durable et photovoltaïque. Par Franck Bleines