Quand les énergies du futur sont à l’ordre du jour, lobbying et écologie font rarement bon ménage. C’est ce que sont en train d’expérimenter les ministères de l’Energie et de l’Ecologie, depuis le 4 février dernier, dans le cadre de l’exploration des sols en vue d’une extraction de gaz de schiste.
A l’heure où les chercheurs essaient de trouver l’énergie de demain, deux mouvements s’affrontent en France : le ministère de l’Energie, pro gaz de schistes, et les écologistes anti-gaz, emmenés par José Bové. Comme dans tout débat de société sur l’avenir de notre planète, les discussions et concessions sont difficiles. On observe alors trois stratégies de communication plus ou moins marketing en fonction des positions. D’un côté, le ministère de l’Energie prône l’extraction de gaz de schistes (gaz contenu dans la roche de schiste à 2000m de profondeur dont l’extraction nécessite l’explosion d’un mélange d’eau, de sable et de produits chimiques) pour remplacer notre dépendance au pétrole et à l’éolien. Son argumentaire se fonde sur la valeur économique de cette matière gazeuse. L’investissement, qui doit être réalisé par Total, peut sembler important. Pourtant, la technique de l’explosion du sol permet de récupérer une grosse quantité de gaz en peu de temps. Il n’est plus question alors de négociations de tarifs ou de dépendance face au prix du baril. Il n’est plus question non plus de transport onéreux ou dangereux. Fini la peur d’un Erika bis ou d’une Deepwater Horizon bis. Tout reste au sol, dans des tuyaux, plus rien ne passe pas la mer, dans des containers. Cette recherche de matière première, initiée par le groupe Total, qui possède aujourd’hui trois autorisations d’exploration des sols, doit être accomplie dans un premier temps uniquement pour évaluer l’éligibilité des sols.
Mais est-ce que sécurité peut toujours rimer avec respect de l’environnement ?
D’un autre côté, les écologistes voient, quant à eux, en priorité le respect de notre planète. Sujet hautement respectable mais sans prise en considération des problématiques économiques actuelles. Ils invoquent, à juste titre, les risques pour les nappes phréatiques, pour le respect de l’écosystème ou encore pour celui du paysage français. Qui a envie de voir des puits pousser dans certaines régions de France ? Pourtant, ils évincent la question économique. Crise économique ? Crise au Moyen-Orient ? Prix du pétrole ? Conséquences écologiques des barrages et de centrales, comme celle de Fukushima ? Peu leur importe. Leur action vise depuis février les gaz de schiste.
Qui pour arbitrer ?
Au milieu de ce champ de bataille industriel, donc feutré, Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Écologie, du Développement Durable, des Transports et du Logement, essuie, plus ou moins bien, les plâtres. Elle doit essayer de contenter tout le monde. Pour cela, elle reste à l’écoute des écologistes, en promettant des études, qui prendront un certain temps mais auront bien lieu. Elle n’interdit pas non plus la création des puits par le groupe Total, puisqu’il faudra quelques années (deux ou trois) pour qu’ils entrent en fonctionnement. D’ici là, certains rapports sur écologie et économie auront été publiés. Alors, les puits fonctionneront-ils ? Quel sera le contrôle imposé par l’Etat et les gouvernements successifs ? Quels rôles joueront les groupes énergétiques ?
Par-delà l’Atlantique, reste un acteur qui peut encore changer sensiblement la donne : les Etats-Unis. Les Américains consomment en effet ce gaz, extrait par des procédés bien moins réglementés, depuis quelques années. Greenpeace et ses amis tirent d’ailleurs la sonnette d’alarme, sans être particulièrement entendus pour l’instant. Pour eux, il n’y a pourtant que deux solutions envisageables. Soit les Etats-Unis, suite à des études, stoppent leur production de ce gaz, ce qui poussera l’Europe à agir en conséquence, soit l’Europe décide l’interdiction d’exploitation des sols et il faudra trouver un nouveau moyen, plus respectueux de l’environnement, pour produire de l’énergie à moindre coût (sur du long terme). Une belle mission pour les prochaines générations de chercheurs.