En tant qu’expert UX, il n’est pas rare de rencontrer des experts marketing ou product design avec peu de connaissances sur les tests utilisateurs. Nombre d’entre eux ne jurent que par la data ou pensent pouvoir réaliser leurs tests eux-mêmes. Dans les deux cas, le manque d’expertise en sciences sociales constitue un manque à gagner car ils n’exploitent pas la puissance des tests utilisateurs qualitatifs.
Idée reçue n°1 : Pas besoin d’expert, on peut réaliser des tests facilement soi-même
Chaque occasion de tester un produit ou un concept est bonne à prendre, il y aura toujours quelque chose à apprendre. La difficulté réside dans la capacité à mettre l’utilisateur en situation, à l’accompagner dans ses hésitations sans l’influencer, puis dans l’analyse des comportements, des observations et des données récoltées. Le test ne consiste pas à demander au participant ce qu’il souhaite ou ce qu’il pense, mais à déduire de l’observation ce qui sera le plus pertinent pour générer de l’usage. Cela requiert une réelle expertise pour décrypter les observations, pour être capable de les analyser au regard du profil du participant (de ses attentes, de ses à difficultés et freins, etc.) et, in fine, d’en déduire des enjeux à adresser afin d’améliorer l’expérience. Il est également nécessaire de faire preuve d’empathie, de comprendre la communication non verbale, de savoir écouter et questionner, d’avoir conscience des biais qui sont à l’œuvre, et de voir ce qui se cache derrière ce que les participants peuvent dire. Autant de compétences que seule une formation en sciences humaines permet d’acquérir et de maîtriser. C’est l’intérêt de s’appuyer sur une agence spécialisée en UX research.
Idée reçue n° 2 : Pas besoin de préparation, il suffit de mettre les utilisateurs devant un service et d’observer
Si l’on raisonne en termes de ROI, le temps passé avec chaque utilisateur a beaucoup de valeur. Mais la valeur la plus importante est celle de “l’essai – erreur” qui nous permet d’apprendre énormément sur les stratégies de contournement que mettent en place les utilisateurs face à des difficultés ou à des échecs. En d’autres termes, la préparation d’un test est cruciale car il faut savoir ce que l’on cherche à évaluer et définir les scenarii les plus pertinents pour réaliser cette évaluation. Obtenir un simple feedback général sur l’expérience peut se faire via des enquêtes de satisfaction ou des plateformes de feedbacks. Pour aller en profondeur dans la compréhension de l’usage, il faut pouvoir observer l’utilisateur en situation, savoir ce que l’on cherche et comment l’évaluer. La préparation d’un test, sa conduite et son analyse nécessitent une solide méthodologie : les supports ou outils à mettre en place sont clés dans la réussite du test et l’obtention de ses résultats.
Idée reçue n° 3 : Observer suffit, notamment grâce aux outils en ligne


Observer est capital, mais le talent d’un modérateur consiste à orienter l’utilisateur en cas d’erreur, à s’assurer qu’il a bien compris la consigne, à suggérer d’autres possibilités et à l’interroger pour comprendre les raisons de son comportement, explorer son ressenti et la compréhension de son interaction avec le support testé. Le questionnement apparaît crucial pour aller au-delà du simple constat. Les méthodologies, ou plutôt les outils qui permettent de faire pratiquer des tests à des utilisateurs à distance, seuls face à un écran sans modérateur, constituent un moyen de récolter des feedbacks. Ce n’est pas dénué d’intérêt, mais ce n’est pas considéré comme des tests utilisateurs solides. Ces outils permettent simplement d’observer un utilisateur réaliser une tâche, mais absolument pas de comprendre pourquoi il la réalise ainsi, ni de décrypter ce qui se passe dans sa tête à ce moment-là. Ils permettent de récolter des faits mais à l’interprétation délicate.
Idée reçue n° 4 : Une étude quanti est plus fiable
Certes, statistiquement les démarches quantitatives permettent de tendre vers une certaine fiabilité des résultats. Cependant le quanti présente une difficulté dans le ciblage des répondants et la représentativité des différents segments attendus. Cet aspect peut rapidement devenir un obstacle budgétaire insurmontable, en particulier dans certains secteurs où il est très compliqué d’identifier, puis de mobiliser les cibles, particulièrement dans le BtoB. Par ailleurs, il est important de rappeler que le quanti permet essentiellement de récolter du déclaratif sur des questions fermées. Il s’agit souvent d’évaluer la satisfaction, mesurer une intention, recueillir une opinion, ou demander à un répondant de se projeter dans un usage hypothétique. Mais un quanti ne permettra pas de comprendre le pourquoi du comment de l’usage d’un service qui ne soit pas un usage très basique.
Idée reçue n° 5 : Il faut tester en conditions réelles pour éviter les biais
Il y a toujours des biais, il faut composer avec et c’est le rôle du modérateur. Maîtriser le contexte du test, dans un laboratoire par exemple, permet d’identifier et de neutraliser la plupart des facteurs extérieurs. Mais, attention, les biais les plus importants sont souvent issus du protocole mis en place lors de l’animation et de l’analyse, et donc souvent relatifs au modérateur. Il est fréquent d’entendre également qu’un test doit être réalisé quand le service est au plus proche de son format définitif, donc tard dans les projets. Et tester le produit dans sa dernière ligne droite reste une bonne pratique pour son optimisation, pour “peaufiner” le produit et gommer des défauts qui échapperaient encore à l’équipe projet. Cependant, d’un point de vue strictement ROIst, il est conseillé d’entamer une démarche de test au plus tôt dans le processus projet, afin de limiter les coûts de correctifs qui peuvent s’avérer extrêmement lourds lorsque le produit est déjà développé. Et, contrairement à ce que l’on pourrait penser, les participants à un test peuvent très bien se projeter dans un prototype ou des maquettes, si tant est que le protocole et les objectifs du test sont adaptés à ce qui est testé. Effectivement, l’idéal serait de réaliser les tests en situation réelle, mais encore faut-il pouvoir définir ce qu’est une situation naturelle d’usage. Si c’est parfois possible, cela reste rare.
Pour réaliser des tests quali, il n’y a pas une bonne et une mauvaise méthode. Il s’agit davantage de savoir comment utiliser ces tests pour dégager un maximum de valeur avec le budget qui y est dédié, et donc de savoir précisément ce que l’on souhaite évaluer. C’est l’essence même du métier d’UX researcher : être agnostique en termes de méthodologie pour en tirer le meilleur, en fonction des objectifs. Le budget disponible constitue un paramètre de base qui conditionne largement le choix des méthodes à déployer. Ces dernières ont de la valeur si elles sont bien utilisées et exécutées, et elles sont souvent complémentaires. Il s’agit donc de passer d’une logique de simple test à une démarche de recherche utilisateur itérative. Néanmoins, de manière générale, les méthodes qualitatives offrent de nombreux avantages pour composer avec la contrainte budgétaire et obtenir des insights de qualité qui soient activables.
Auteure : Amandine Brétignière, co-fondatrice de Welcome Max
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