Michaël Boumendil est un expert reconnu des rapports entre les marques et la musique. Fondateur et Président de Sixième Son, leader et « inventeur » de l’identité sonore, il tire un bilan de 15 ans de pratique dans ce domaine.
Quel bilan dressez-vous de l’identité sonore ?
Lorsque Sixième Son a développé son expertise, lorsque nous avons défini le concept d’identité sonore au milieu des années 90, notre audience était partagée en trois. Il y avait d’un côté ceux qui pensaient que la musique était un simple divertissement dont l’exploitation tactique n’était pas destinée à laisser d’empreinte au-delà d’une campagne ou d’une saison. Ceux qui avaient cette vision cantonnaient la musique dans un rôle d’illustration sans se soucier des lendemains. Cette opinion là a pratiquement disparu tant la musique s’est imposée comme un langage d’une puissance féroce.
De l’autre côté, il y avait ceux qui doutaient des besoins de la marque en matière de musique. Pour beaucoup, c’était une question publicitaire. Les besoins musicaux des autres outils de communication n’étaient pas jugés suffisamment fondés pour justifier une réflexion transversale. D’ailleurs, on laissait la question de la téléphonie aux services généraux, par exemple. Cette opinion est en nette recul car aujourd’hui, le son et la musique se diffusent bien au-delà de l’exploitation télévisée : a minima sur le net, lors d’événements et en téléphonie. C’est d’ailleurs pour cela que Sixième Son a pas mal de PME parmi ses clients et pas seulement des grandes entreprises du CAC40.
La dernière opinion, la plus minoritaire à l’époque, était portée par ceux qui pensaient que la marque était une expérience globale, que la musique avait donc toute sa part et devait logiquement contribuer à la construction d’une identité. Mon bilan de ces 15 années est d’abord lié au sentiment que cette dernière opinion est en passe de devenir majoritaire grâce à quelques réalisations qui démontrent à quel point une identité sonore bien conçue et bien maitrisée est créatrice de valeur et de richesse.
N’est-il pas surprenant que tant d’entreprises continuent néanmoins de maltraiter leurs marques sous l’angle musical ?
Je ne serai pas si sévère. Les responsabilités sont partagées. Beaucoup d’annonceurs ont compris qu’ils devaient changer de façon d’aborder la musique mais ne savent pas toujours vers qui se tourner pour avancer. C’est pour cela que certaines mauvaises habitudes perdurent.
Ensuite, beaucoup d’agences de publicité se sentent menacées quand un client veut une identité sonore, au mieux ils décident de s’en charger, par défaut, même s’ils ne savent pas franchement faire, au pire, ils freinent des quatre fers pour éviter ce qu’ils considèrent comme une contrainte pour eux et un coin dans leur relation avec les marques. Je voudrais rappeler que ce sentiment a longtemps été celui des agences de publicité quand les premières agences de design graphique se sont imposées. Depuis le monde de la communication a compris que la publicité et le branding sont deux expertises différentes. Aujourd’hui, nous collaborons avec pas mal d’agences qui y trouvent un intérêt clair : celui d’apporter à leur client la meilleure création de valeur possible dans le son et la musique.
L’identité sonore reste un métier jeune. Cela n’induit-il pas quelques sous-entendus critiques ?
Au contraire, je crois que c’est un métier difficile, complexe mais effectivement promis à un grand et à un bel avenir à condition que les acteurs de ce métier se professionnalisent. Nous sommes au début. La jeunesse supposée de notre métier vient aussi du sentiment très gratifiant que pas mal de nos clients expriment quand ils disent que c’est une expérience rafraîchissante et qui ouvre la marque à de nouveaux horizons. Je sais aussi que certaines marques ont été déçues par certaines agences qui parlaient mieux qu’elles ne pratiquaient dans la réalité. Honnêtement, la maturité croissante des marques nous mettra progressivement à l’abri de regrettable erreur de casting.
Désormais, l’identité sonore est donc selon vous une évidence. Les marques peuvent-elles s’y plonger les yeux -ou plutôt les oreilles- fermés ?
Oui, c’est une évidence mais qui doit s’accomplir avec vigilance. J’ai beaucoup aimé une phrase que j’ai entendue très récemment dans la bouche d’un directeur de la communication d’une belle entreprise française « Maintenant, en matière de musique, il n’est plus l’heure de se tromper ». C’était une phrase de conclusion qui faisait suite à un drôle d’historique, celui des erreurs, des difficultés, des frustrations et autres aléas que sa communication avait connus dans l’exploitation musicale au service de sa marque. Pourtant, il n’y avait aucun doute dans l’esprit de ce manager : la musique est l’une des plus formidables chances qui s’offre à la marque pour séduire et créer du lien avec ses publics. Dans le domaine du web par exemple, beaucoup d’entreprises ont connu deux ou trois générations de sites avant de trouver leur voie.
Aujourd’hui, une entreprise crédible ne peut plus se tromper dans ce domaine. Nous en sommes là en matière d’identité sonore. Certaines entreprises peuvent encore se tromper, confondre musique et identité sonore, ne pas encore comprendre que c’est une expertise à part, que c’est un budget de marque, que c’est un chantier d’identité qu’elles doivent condurie elle-même. Les erreurs sont toujours regrettables et nuisibles à la marque. Il y en a de moins en moins parce que, c’est vrai, pour créer de la valeur et une différenciation optimale, « Maintenant, en matière de musique, il n’est plus l’heure de se tromper ».
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